Avoir trouvé ce nouveau port, cette nouvelle île, m’avait
bouleversé. Des réminiscences me revenaient en bloc et tous les embruns de ma
vie de marin semblaient embaumer mes narines, racontés dans mes premiers récits
avec la fougue de ma jeunesse d’écrivain. Je frissonnais de toutes ces
aventures vécues, des premières années d’école maritime jusqu’à l’île du Crâne
et cette retraite dorée de Capitaine à quai.
L’école maritime du Capitaine Longfellows, ma belle Katia et
la maison de la Veuve Sanders où j’avais connu mes premiers émois de jeune
homme, étaient au panthéon de mes jeunes années, un âge d’or personnel incontournable
comme l’invention du cinéma parlant ou du tabouret javanais, ce qui n’est pas
peu dire.
La veuve Sanders. Je me souvenais d’elle, une grande dame à
la forte poitrine, aux doubles mentons à répétition, aux cernes marquées comme
des baldaquins, mais au cœur d’or et ayant été la première a me faire confiance
en me donnant les clefs de sa maison, celle où j’avais croisé Katia
et toutes ces filles superbes et travailleuses, dont je me souviendrais toute ma vie…
Un jour, elle m’avait trouvé un don et je devinais
rapidement lequel, sous l’impulsion de ces charmantes donzelles, le lui prêtant
même le temps d’un instant car elle le méritait bien. Je n’avais pas trop de
préjugés sur ces histoires d’apparence, d’âge ou toutes sortes de codes moraux
finalement basés sur l'aspect extérieur exclusivement.
A vrai dire, je n’avais pas moi-même un physique avantageux,
malgré un tempérament joyeux et sûr de lui. Ayant du mal à séduire d’emblée
comme les « beaux », je devais jouer sur mon bagout et mon charme
volubile pour remporter la mise dans mes entreprises féminines, mais je gardais
le cap malgré les déceptions.
Souvenir de conversations au bout de la nuit avec la petite Ingrid , acquiesçant à tous mes
idéaux sur l’intelligence, la sincérité, la valeur personnelle et l’intégrité,
ponctué d’une main sur épaule avec un regard de braise, et renvoyé aussitôt dans mes cordes par un :
« Dis donc, t’as vu ta tronche ? »
Je gardais donc pour moi plus longtemps mon sabre de futur Capitaine,
avant d’acquérir au fil du temps ma célèbre démarche chaloupée et mon aura
brisant les cœurs et les tempêtes dans tous les ports…♥
Jack Rackham
Photo : Lee Jeffries.
Eh bien quoi ta tronche, qu'est ce qu'elle a ta tronche!Sourire charmeur, oeil perçant et la délicatesse d'honorer les vieilles dames, la grande classe!
RépondreSupprimerTu as les mots pour regonfler mes voiles, je t'adore!♥
Supprimer