J’ai parcouru des milliers de miles, par delà les mers et même les terres. Les vents ont tant frotté mon visage que je l’entends encore souffler, même quand ma porte est close et que la mer est d’huile. Mon tricorne se repose aujourd’hui de tant de va-et-vient que toiser un palmier armé de bananes mûres lui paraîtrait un combat trop fatiguant. Je n’ai pourtant point usé à ce point mes désirs et mes rêves que j’ai encore envie de voyager, de conquérir. D’autres territoires me font encore vibrer et mon sabre n’attend qu’un signe pour se dresser tel un phare rasant la mer pour appeler des sirènes…
A présent, mes voyages se font de mon hamac, dans mes rêves, ou dans ma cabine de Capitaine, par le biais d’une carte ou d’un globe tournoyant sur lui-même et s’arrêtant au hasard d’un pays. J’aime dérouler ces chemins de hasard, que je cale avec de vieux livres ou ma lorgnette.
Je laisse glisser mon doigt sur une carte, parcourant ces contrées où j’avais un flirt, un amour, une maitresse, caressant l’espoir de les revoir à nouveau…Qui sait si elles se souviennent de ces moments d’amour aux salives gourmandes, se régalant de nos atours comme des chiens aux gueules haletantes.
J’imagine ces parcours de ma vie où je gambadais sur ces rondeurs granulées et salines. J’hume encore ces fesses et ces toisons, fermant les yeux pour mieux ressentir leurs fumets et leurs formes. Mes doigts sentent encore leurs contours, si bien que je pourrais les dessiner…
Je prends mon crayon et mes plumes puis je trace la carte de mon cœur comme sur une femme accroupie. Où je marque les grands crus de ma vie, comme des capitales de souvenirs, des points d’orgues d’émotion. Je me remémore mes Ladies, de Madeleine à Katia, de Sara à Rita, en passant par Clochette et Dana, jusqu’à Cameron et Josépha…
Quelquefois, j’oublie que je suis pirate et je contemple mon pays imaginaire…
Jack Rackham, ladycologue.