vendredi 15 février 2019

Ménage à trois



Monique regardait de l’autre côté des caméras, derrière d’épais rideaux rouges qui cachaient le plateau aux visiteurs indésirables. De temps en temps, elle se tenait sur la pointe des pieds pour mieux voir, même si elle était gênée par tout ça.

Elle tapotait de temps en temps le bas de ses fins cheveux courts, essayant d’écouter un dialogue, une scène dont elle aurait pu parler autour d’elle, ses copines, sa belle-sœur, sa voisine…Son mari, non. Il aurait pu mal le prendre. C’est ça les jaloux, ils ne peuvent entendre que des choses auxquelles ils ont assisté eux-mêmes. Et là, euh…

Elle se hissa une fois encore sur la pointe des pieds, ça semblait prendre tournure. Quitte à attendre jusqu’à l’heure, elle pouvait bien profiter du coup d’œil. Son métier lui donnait parfois l’occasion de s’instruire, c’était une véritable aubaine et cela la faisait rêver, même. Il lui arrivait de s’imaginer des choses, comme dans les films, ou les contes de fées…

Là, elle imaginait bien la scène. Un producteur irrité, une séquence a finir à la fin de la journée, on doit vite trouver une remplaçante au pied levé :

- Janine a la crève, cinq jours de congé de maladie, et on doit finir ce soir…Tiens, elle a l’air bien roulée la petite qui regarde là-bas, hormis la robe à fleurs elle est pas mal ! Approchez vous là, oui la petite blonde aux cheveux courts, ça vous dirait de gagner un peu d’argent en faisant du cinéma ?

Sa main tremble, elle s’appuie sur son balai pour ne pas tomber ou renverser le seau. Elle s’approche, un rictus coincé entre les lèvres. C’est son jour, celui qu’elle attendait depuis toujours…

- Enfin, du Cinéma…Façon de parler. Mais le porno, c’est de l’art quand même ! Et les audiences en streaming, pfiouuu, Citizen Kane à côté c’est de la gnognote. Le sourire est carnassier, le cigare pue, le cerveau carbure, son film sera sauvé. Monique ?  Monica c’est plus commercial, non ?

Deux chevelus la pelotent depuis une heure, ils sentent bons au moins, c’est important la propreté. Robert serait furax s’il la voyait. Elle aime bien sucer finalement, et tout le reste, tant que ça fait pas mal… Deux mains sur ses épaules, le premier s’en donne à cœur joie à se balancer, elle a l’impression d’être coupée en deux, et c’est bon…Devant elle, l’autre la pénètre en lui caressant la tête, longuement…Faudrait qu’elle recommence avec Robert, mais avec diplomatie, c’est susceptible les hommes, enfin…^^

Son mobile a sonné. Le rêve s’est évanoui. C’est son balai qu’elle tient…

Elle regarde l’heure. La production devait libérer les lieux à 18 heures tapantes, c’est dans le contrat d’entretien.

Et puis, faut du temps pour faire le boulot. Ça y est, ils s’en vont. Pile à l’l’heure.


Un, deux, tr…










Photos : Miou-miou dans Josépha et
dans les Valseuses ( avec Dewaere et
Depardieu)



vendredi 8 février 2019

Rackham et La Fureur du Foot


Personne ne le sait vraiment (hormis mes amis Facebook, se tapant régulièrement Jump de Van Halen à l’occasion) mais je suis un amateur de football. Et aussi un faiseur de BD… Le moment est donc venu pour montrer ici un condensé réuni de deux de mes passions (auxquels je rajouterais le Cinéma, l’astrologie et l’écriture). Et pour la première fois de publier ici sur le blog Rackham Le Rouge, une BD, juste pour lire…^^

Jack le Pirate 



              PS : Extrait de la BD "La Fureur du Foot" (c) 2003 Jet Stream / (c) 2008 Idées Plus.

vendredi 1 février 2019

Le Petit Rackham et la Femme du coiffeur



Quand j’étais petit, j’étais tombé sur un gentil coiffeur. Tombé était le bon mot car c’était par hasard en sortant de l’école, tombé de tout mon long vers la porte de sa boutique que je percutais faisant sonner le drelin d’accueil. Et gentil car il semblait dénué de toute vindicte hormis quelques parties de cartes qui avait mal fini au bistrot d’à-côté.

Je passais un mercredi sur deux, car les cheveux poussaient fort comme la forêt équatoriale ou les lentilles dans le coton mouillé. J’aimais venir dans ce salon coquet, décoré avec goût et sentant bon le parfum de Madame la coiffeuse, son épouse. La femme était discrète et souriante, levant la tête vers le nouvel entrant comme une horloge. J’y avais droit même si j’étais petit, trop à mon goût mais bon.

A chaque visite, je retenais un détail, un souvenir, une anecdote sur elle et je pouvais peu à peu cerner le personnage jusqu’à en tomber réellement amoureux, foi de petit Rackham. Ses longs cheveux tombants se bouclaient en descendant dans son dos et elle ressemblait aux actrices de Cinéma qu’on voyait sur les écrans au bas de la rue. Je devinais ses pensées, ses petits rictus d’étonnement ou ses grands froncements de sourcils.

Quand un jour… Son mari venait me de couper des poils du nez imaginaires, voulant sans doute m’encourager dans ma croissance, que j’aperçus un tic inconnu sur le visage de ma bien-aimée soupçonnant une manigance voir même un amour secret. Ce qui fut confirmé par quelques massages lascifs sur le bras, le nez au plafond et les pieds se chevauchant tournés l’un vers l’autre.

C’était écrit, elle me trompait en pensée avec un autre même si je n’imaginais pas encore les turpitudes de la sexualité,  faite de souffles, de poils, de grosses mains palpant et empoignant, sans compter les odeurs de toutes sortes.

Je regardais en sortant une dernière fois le visage bouffi de cette chère et tendre, et jurait de ne plus remettre les pieds chez ce coiffeur malhonnête. Malgré cela, j'allais traîner toute ma vie durant ce chagrin insurmontable et aussi la pousse inattendue mais incessante et toujours grandissante, des poils de mes oreilles.  

Ah ces petits coups de rasoir donnés dans le feu de la discussion le temps d’une coupe de cheveux mais des mois ou des années durant, perdu dans mes pensées plus très innocentes, mon gentil coiffeur m’avait bien eu...

 Jack

PS : Orfénique étant partie chasser le viking, déjà à cette époque, et Maia n’ayant en tête qu’à faire des confitures, j’ai du fouiller dans quelques souvenirs de jeunesse où je jouais les héros solitaires ^^

Images : Tome et Janry (dessin) et Le mari de la coiffeuse (film de Leconte, avec Anna Galiena)