mercredi 27 février 2013

Like Casablanca


Le costume de Rick m’allait comme un gant même si j’avais du abandonner mon tricorne, Ilsa Lund avait pris les traits de Rita, et Bosco allait nous entonner une sérénade endiablée à la Dooley Wilson intitulée « Trinidad »...

Le bar de la goélette calée dans le port foisonnait de clientèle étrangère et je m’affairais à quelques courriers diplomatiques sur l’insistance du Capitaine de la police locale Peugeot. Le képi et la moustache lui allait bien, ce qui ajoutait à son côté dandy, et en faisait un compagnon de comptoir fort apprécié. La ville étant occupée depuis la 2ème guerre des Caraïbes, il y avait besoin d’une milice pour y faire régner un semblant ordre, espionnage et marché noir oblige. J’entendis alors Bosco qui reprenait cette chanson me rappelant…Mon sang ne fit qu’un tour et je me précipitais vers la salle commune, jurant de lui donner un bon coup de semonce.

J’arrivais sur lui tel l’ouragan et lui demandait quel mouche l’avait piqué pour chanter « Trinidad ». Son signe de tête m’invita à prolonger mon regard vers la table voisine et je fus saisi par la vision d’une personne que je pensais ne jamais revoir : Rita.

Un tourbillon de souvenirs m’envahit et je fus comme drogué de la revoir. Son sourire, ses yeux, son charme naturel, tout me rappelait  Trinidad et notre aventure. Le moment fut court car au même moment arrivèrent le Capitaine Peugeot et le mari de Rita, un certain Roberto  Alcazar. Il répondit simultanément à mon bonjour alors que je ne pouvais quitter des yeux Rita. On discutait de choses et d’autre mais ce ne fut qu’un brouhaha qui me montait aux oreilles. Les images de notre romance revenaient comme des litanies et j’avais oublié ma rancœur et ma colère après son départ que j’avais pris pour une trahison…

Je gardais ma contenance mais mes doigts se remémoraient à nouveau le corps de Rita, sa peau, et son regard me disait la même chose. Pourtant je regardais cet Alcazar et fronçais à nouveau, tel un écolier.

Les trois se levèrent et on se dit au revoir. Rita était là me regardant de ses yeux habituels et sa bouche me prodiguant quelques mots agréables de retrouvailles, elle me frôla comme au temps ancien de nos amours. Son mari derrière lui ne semblait rien voir de nos connivences ou alors il connaissait trop bien sa femme.

Rita me prodigua un dernier sourire puis fila devant moi, suivit des deux hommes et d’une trace de son parfum. Quelque chose me disait que j’allais la revoir bientôt. Je m’assis, comme ayant retrouvé plus que des souvenirs et commandais un double whisky.

« Mais vous ne buvez plus, patron ! » M'interpella Bosco.

« Je sais bien Bosco, je sais bien… » Répondis-je, un petit sourire aux lèvres…


*




CASABLANCA est un film américain de 1942, réalisé par Michaël Curtiz. Avec Humphrey Bogart, Ingrid Bergman, Paul Henreid, Claude Rains, Peter Lorre…La chanson As Time Goes By est de Herman Hupfeld, interprétée par Dooley Wilson.



                                            

                                       

lundi 18 février 2013

Tub



Je la dévorais de mes lèvres, goûtant la flore environnante et les pigments marins comme des sucs au miel. Pourtant elle ne broncha pas, ce que je pris pour une invitation à aller plus loin…

Ma langue s’immisça dans une forêt d’algues brunes puis tourna à gauche, puis à droite, puis à nouveau à gauche. Elle sembla réagir un peu et écarta ses jambes un peu plus.

Ma barbe se mélangea avec d’autres pilosités du cru et j’ôtais mon tricorne qui bloquait mon avancée vers des mondes inconnus des pirates !

N’ayant plus d’air, je remontais d’un coup à la surface et éclaboussait Sandra et mon orgueil. « T’es pas marrant, Jack. Juste au moment où je commençais à m’amuser un peu… »

Ah, les femmes !

 TAG à toutes et tous  : Salle de bain, piscine, jeux d'eau en tous genres, racontez-moi une anecdote marquante dans un de ces lieux d'eau où on aime jouer...

mercredi 13 février 2013

La Nuit Américaine


C’est l’appellation pour un procédé cinématographique faisant passer via un filtre, le jour pour la nuit et la traduction américaine .

François Truffaut avait réalisé son premier long métrage en 1959, les 400 Coups, et son plus beau film était incontestablement celui qui rendait hommage à son métier de réalisateur : La Nuit Américaine, sorti en 1973. Un Oscar du meilleur film étranger avait marqué d’une pierre blanche son passage sur la planète Cinéma et récompensé son amour pour le 7ème Art.

Celui-ci était motivé par son goût des femmes et de les filmer, malgré une ignorance évidente du sujet au vu des histoires qu’il racontait, comme dans Baisers Volés ou les autres films où il mettait en scène Antoine Doinel, préfiguration de lui-même interprétée par Jean-Pierre Léaud.

Sa dernière compagne fut Fanny Ardant, héroïne de son dernier film « Vivement Dimanche » en 1983, qu’il quitta en 1984 pour sa dernière demeure.

*

Georges Delerue est l’auteur de Day for Night, musique illustrant les images de cette « Nuit américaine ».



jeudi 7 février 2013

Tadzio



L’été vénitien n’avait pas encore rendu son dernier soupir quand je profitais des ultimes jours de vacances pour déambuler dans les dédales de la vieille ville, à la recherche d’aventure ou alors de marchands de glace aux parfums inconnus.

Quand j’errais les mains dans les poches, vêtu de mon costume du dimanche et la mèche blonde flottant au vent, une sorte de transformation s’opérait en moi, tel le loup garou qui faisait basculer la dent de lait en croc carnassier assoiffé de sang ! Ma virilité en bandoulière m’avait attiré en une sombre cave, pour trouver ce que ma curiosité et mon envie attendait depuis longtemps : Une femme.

Se laissant prendre à mon apparence nouvelle d’homme accompli, j’en éprouvais un désir de conquête immédiat et je reluquais sa mèche rebelle de rouquine endiablée, sa croupe de femme campée sur des jambes galbées qui avaient l’habitude de se cramponner à un homme, pour mieux éprouver sa féminité. Sa voix était douce et elle me susurra : « Tu cherches la même chose que moi, un amour éternel  et éphémère à la fois. »

Elle avait raison. Nos corps s’emboîtèrent comme par magie et j’aimais qu’elle m’appartienne telle une putain sans vergogne. Sa peau était dure comme étaient douces ses lèvres, et entre ses cuisses j’étais encastré comme un dans un canoë-kayak, pagayant sans se servir des mains pendant qu’elle plongeait ses yeux tout au fond des miens. Toute retournée, je voyais son dos zébré d’une mèche rousse m’accrochant par son plaisir que je lui donnais du mieux que je pus.

Sentant le sortilège bientôt s’interrompre, je remontais mon pantalon de jeune homme et retrouvait la surface du soleil, laissant derrière moi la courtisane remplie de mon amour et ma jeunesse…


*
Mort à Venise est un film italien  de 1971, réalisé par Luschino Visconti d’après une nouvelle de Thomas Mann. Dirk Bogarde et Silvana Mangano y jouent les rôles principaux, Björn Andresen interprétant celui de Tadzio.



samedi 2 février 2013

Brazil


« J’avais quitté les Caraïbes pour un autre monde, perdu de l’autre côté des Amériques, échangeant mon costume de Capitaine pour celui d’un aide comptable. Une mouche avait changé mon destin en plongeant dans les rouleaux d’une machine à écrire, m’entraînant dans son suicide pour m’aider à trouver la femme de ma vie.

Je n’aimais pas trop cette ambiance de bureaux fourmillant aux airs de Casablanca nous entonnant une Marseillaise. Cherchant Ingrid Bergman que je ne trouvais point, j’étais propulsé dans un tourbillon de plombiers chauffagistes et de formulaires 27 B-6 qui me conduisaient direct sur une chaise électrique de dentiste, où sans l’intervention de Harry Tuttle je périssais illico… »

Je levais le nez au ciel pour continuer mon texte sur mon film préféré mais un sourire se dessina entre mes dents, me remémorant les meilleures scènes comme si je venais de les revoir : Attaque de l’appartement de Buttle pour lui signifier son arrestation et Madame Buttle signant avec application le formulaire approprié, le lever de Sam Lowry revenant du ciel comme un ange et son petit déjeuner en accéléré finissant par un toast récalcitrant, sous-sol grouillant de paperassiers bardés de consoles grossies par des loupes géantes, déjeuner avec  la mère de Sam curieusement coiffée d’un soulier retourné et must de la restauration, des repas aux ronds de purée colorés pour des menus variés…

Un film préféré est comme un meilleur ami qui évoluerait au fil de son âge et du nôtre. On le redécouvre à chaque visionnage mais jamais la scène attendue ou comme on le croyait. Au bout de plusieurs années, on remarque encore un détail oublié ou carrément ignoré, et c’est reparti comme aux plus jours de sa jeunesse…

Et vous, quel est votre film préféré ?