dimanche 30 septembre 2012

La Femme abandonnée


Sa nudité lui importait peu et ses escarpins traînaient derrière elle avec son chemisier, posés sur le sable mouillé comme des vestiges de ses espoirs. Une vague allait bientôt effacer toute trace de son passage et si elle s’enfonçait un peu plus dans la mer, elle sentirait le froid sur son pubis et aurait en vie de faire demi-tour.

Elle l’avait attendu assez longtemps et son regard perdu vers l’horizon imaginait une autre vie, un autre homme venant l’enlacer, la caresser, la prendre. Un homme qu’elle n’avait sans doute pas imaginé, le contraire même de ses attentes. Elle l’aimait déjà, elle souhaitait fort sa venue, elle ferma les yeux…

Il regardait avec force cette photo et remarquait les fesses, les hanches larges, le dos cambré, la chevelure accueillante. Il l’imaginait de face, avec son ventre rond, ses mamelons aux aréoles en érection à cause du froid et de l’eau, son pubis fourni de poils noirs descendant jusqu’entre ses cuisses.

Il l’imagina l’enlaçant, la caressant, lui faisant l’amour. Les escarpins posés sur la chaise semblaient parler au chemisier froissé tombé par terre.



« Tu m’aimes ? » Lui demanda-t-elle, pendant qu’il reposait la photo sur la table de nuit…

samedi 22 septembre 2012

Un Conte Malaki


Au cours de mes nombreux périples de jeunesse, qui curieusement s’étendent et se multiplient au fil des années, je débarquais un jour sur le continent africain en bordure de l’Océan  Atlantique sur la côte du Gabon. L’air du pays était très vivifiant, surtout le long  de la réserve Wonga Wongue au sud de Libreville. Malheureusement, le commandant instructeur de la Licorne Barton qui était un peu distrait et peu aux faits de la région, se trompait de route pour aller à Port-Gentil et nous fûmes capturés illico par une tribu locale.

Les gens de la peuplade, les Malakis, étaient heureusement pacifiques et ne pensaient qu’à nous étudier et nous nous laissâmes faire durant quelques jours, choyés et gâtés comme des princes, chacun dans une cabane, afin de ne pas être influencés les uns par les autres. Les sorciers et savants locaux notaient soigneusement nos réactions sur quelques écorces polies, et ils nous avaient alloué deux compagnes pour agrémenter nos vies et étudier nos comportements sexuels.

J’étais donc en compagnie d’une charmante princesse turque originaire d’Istanbul, brune comme la suie et douce comme le duvet qui la recouvrait entièrement. Elle aimait me rejoindre tard dans la nuit après s’être rasée complètement le corps, gainée d’un onguent aux senteurs luxuriantes, parfum unique qui embaume mes naseaux encore aujourd’hui et qui symbolise en moi le summum de l’érotisme et la volupté…

La petite allait de pair dans ma cabane avec une grande religieuse rouquine, capturée l’année précédente mais qui avait décidé de rester pour aider les Malakis dans leurs expériences. La belle était d’un doigté et d’une perversité sans nom alliant aussi la grâce pour mon plus grand plaisir. En échange, je lui prodiguais avec fougue la célèbre « Bascule à rognons » autant de fois qu’elle le souhaitait, ce qui n’était pas rien. Malgré tous les talents de Tim et Katia, elle me manque encore aujourd’hui et je me réveille parfois la nuit, croyant l’avoir entendue arriver près de mon hamac…

Trop grisé parfois entre les délices de ma princesse et ma nonne, j’écoutais aux cloisons des paillottes d’à-côté et j’appris que certains apprentis avaient filé avec butins et bibelots du village. Ils n’avaient pas eu ma chance de tomber sur de belles sacripandes et s’étaient enfuis. Le Commandant Barton avait lui-même dirigé une patrouille de recherches avec les indigènes et on avait appris que des statuettes volées avaient été vendues puis l’argent dilapidé au jeu de poker, contre des escrocs locaux.

Les bons au trésor du sorcier avaient flambé au cours d’un incendie provoqué malencontreusement par l’un des fuyards au cours d’une soirée crêpes qui avait mal tourné. Et les terrains qu’ils achetèrent avec les lingots d’or volés se révélèrent marécageux et hantés. Bref, Tout ce qu’ils entreprirent avec leur butin volé au village tourna au désastre ou à l’échec. Même les chevaux avec lesquels ils s’étaient enfuis,  moururent un à un sous leurs pieds, au point qu’ils périrent de soif et de faim au milieu du désert…


Moralité :

Bien Malaki ne profite jamais.




mercredi 19 septembre 2012

L'âme du Violoncelle


Elle a posé un tabouret au milieu du pont et toise les marins qui se sont mis en rang les bras croisés attendant la musique. Le Capitaine l’a attendu longtemps mais la voilà qui sort l’engin de son étui, une sorte de grand violon, tatoué de deux clefs de sol se regardant. Mais ce n’est qu’une illusion, ce sont bien des ouïes en forme d’écoutilles percés dans le bois de l’outil.

Ses longs cheveux noirs se dérobant au vent, elle caresse la volute pendant que l’autre main règle la tension des cordes. Son sourire est suave mais son cou se tend comme pour accorder aussi son esprit et son corps. Elle mémorise des passages et prend l’archet et la pose, regardant très loin devant elle, fronçant les sourcils pour mieux lire les partitions posées sur les nuages à l’horizon.

Elle commence…

L’harmonie des accords est chevillée d’avance, partie sur ce morceau qu’elle sait par cœur et plus encore. Ses gammes de jeunesse ressurgissent soudainement, qu’elle oublie où elle est et rêve un instant. Mais elle revient à elle et aperçoit les hommes la regardant, concentrés sur son corps et son piquet, cherchant le Capitaine bel et bien là écoutant, calé plus bas entre deux cordes. Sa main virevolte pour montrer son envie et jouer du mieux qu’elle peut, qu’elle en tire la langue et sourit.

Elle chante en même temps, rappelant ritournelle, elle dégage la frange de son front d’un coup de tête et serre doucement son instrument entre ses cuisses laissant ouvrir son cœur et les pans de sa chemise noire. Le succès est là, dodelinant encore sa tête pour marquer la mesure accueillant les bravos et les applaudissements que son talent mérite, et une dernière fois elle pince une corde lourde de gravité sonore, en baissant les yeux vers sa félicité…



Elle joue bien du violoncelle, pense le Capitaine, cette passagère du vent !


JR

Photo du haut : Claire Menguy.


*
Suite à une promesse pour rédiger ce texte sur le violoncelle, j’ai surfé ça et là et fait des découvertes. Quelques violoncellistes aux atours aguicheurs, mais surtout cette Jen Grady, telle ma passagère du vent, qui joue aussi de la guitare. Je vous la fais connaitre…


     Photo de Jen Grady. Et ci-dessous, en vidéo...




dimanche 9 septembre 2012

Le Dernier roman d'Agatha Christie


La vieille dame avait trouvé une cabine aux fenêtres éclairantes, ajustant sa machine au clavier désuet mais se concentrant au dessus comme nulle autre. Ses notes bien rangées dépassaient à peine de la table étroite et le nez décidé allait bon train pour raconter son aventure.

Elle aimait échapper de temps en temps à son quotidien et nombre de ses escapades n’avaient jamais été répertoriées par les journalistes. Qui pouvait s’inquiéter d’une vieille dame habillée comme une dame de compagnie faisant du tricot dans sa cuisine aux rideaux à carreaux ?

Un petit homme au visage arrondi et à la moustache coquine la regardait taper avec délectation et s’engageait parfois une conversation qui aurait intéressé bien des amateurs de romans policiers comprenant mieux les subtilités de leurs échanges…

- Vous m’avez fait mourir de peur qu’on reprenne mes aventures et vous avez écrit ce livre longtemps avant, pour ne pas être prise au dépourvu par l’inconstance due à l’âge, l’inspiration étant aussi tremblotante que les doigts…

- Mon brave Hercule, je savais bien que ma vie terrestre arriverait un jour à son terme et que les éditeurs sont pleins d’idées malignes qui m’auraient déplu, même au-delà de la tombe. Alors j’ai pris les devants, y compris pour mon dernier roman que j’avais mis au frais pour la circonstance, bien longtemps avant mon dernier soupir.

- J’ai eu plaisir à vivre toutes ces aventures et quelquefois, si on m’y autorisait, je remettrais bien le couvert, Madame…

- Mais je ne vous oublie pas mon cher Poirot ! J’écris de temps en temps  quelques feuillets que je laisse trainer en manuscrits oubliés dans un grenier et découverts par miracle par quelques archéologues urbains, qui s’empressent de les porter à mon éditeur qui peut les publier et relancer la poule aux œufs d’Or !

- Un bon titre parfois, pour repartir dans les librairies comme au bon vieux temps…

- Pas du tout mon bon Hercule. Juste mon nom, hérité de mon premier mari et dont seul le patronyme avait de la gueule, présenté de manière adéquate et énigmatique :

"Le Dernier roman d’Agatha Christie"…tout simplement !

- Evidemment, ma chère Agatha…

*
Agatha Christie (1890-1976) écrivit au XXème siècle à partir de 1920, plus de 80 livres aux contenus d’aventures policières, mettant principalement en scène une certaine Miss Marple et surtout le célèbre détective HERCULE POIROT ! Interprété par David Suchet dans une série télévisée internationale qui reprit l’intégralité de ses histoires de 1989 à 2013.


                                           
En supplément, un épisode entier d'Hercule Poirot !

mardi 4 septembre 2012

Un Nu instantané


C’était la rentrée des classes et pas un enfant ne pouvant assister à mon conte habituel du Mardi, donné gracieusement en accord avec la municipalité de l’île du Crâne, je me retrouvais avec une partie de l’équipage et quelques habitants curieux dans ma cabine, les doigts serrant de grosses portions de gâteaux au miel devant des pintes de bières pleines, qui avaient remplacé les jus d’orange habituels.

Je me fendais d’une histoire extravagante, bonne assez pour ébouriffer leurs yeux blasés de toutes sortes de perversités gauloises ou caribéennes , que j’imaginais à la seconde :

« L’autre jour, un de ceux du mois d’août quand la moiteur est si forte que même un bain d’eau glacée ne rafraichit pas les os, j’achetais à un brocanteur itinérant de passage sur le ponton de l’île, une sorte d’appareil faisant des images presque réelles après déclenchement d’un procédé à base d’impression d’un négatif… ».

Je regardais  un à un les abrutis qui m’écoutaient attentivement, pensant que leurs cerveaux comprenaient à peine ce que je disais, quand l’eux lança :

- Vous voulez dire une sorte d’appareil photo ?

Je reprenais en marmonnant :

« Donc, je me décidais à l’essayer et justement mon amie Sandra arrivait en grimpant la passerelle pour venir poser sa serviette et profiter des rayons du soleil particulièrement chauds sur le Poséidon… »

Je souris ? Dit-elle, pendant que j’armais l’appareil et dirigeais l’objectif vers elle. Je cliquais sur le bouton et attendais que la photo s’imprègne du produit révélateur et laisse apparaitre l’image de Sandra…

Le cliché apparu à nos yeux en quelques secondes et Sandra s’étonna :

C’est fou…Votre appareil m’a déshabillée, on dirait ! Je suis belle et bien nue sur votre photo ! C’est un truc de votre ami le Magicien, c’est sûr…Si on l’essayait sur quelqu’un d’autre…Vous Capitaine, dites oui !!
Je laissais faire bien sûr et Sandra reluquait avec insistance l’instantané en me demandant de garder la copie pour elle, ce que j’acceptais avec plaisir ! L’arrivée de Madame Willoughby coupa un peu nos jeux mais je pris un cliché d’elle et… »

Vous avez eu une drôle de surprise, Jack, non ? dit une personne de l’assistance, qui étaient tous émerveillés de l’aventure.

Vous savez, faut pas se fier aux apparences et puis cet appareil avait tendance à améliorer un peu la réalité…D’ailleurs, il est là derrière vous, je l’ai gardé depuis tout ce temps et si quelqu’un m’en offre un bon prix, il est à lui !

Ce fut le début d’une vente aux enchères endiablée et Jacob Lee remporta l’enchère et l’objet pour 12 725 pesos ! Sous l’œil complice de Bosco, avec qui je partageais la somme pour offrir à tout l’équipage une tournée générale de Tartes aux fraises…

Jack Rackham ^^