lundi 24 juin 2019

Le Cri




J’ai sursauté une première fois machinalement car comme je ne m’attendais à rien, ce fut comme une visite à l’improviste où l’on se dit à soi-même :  « Ben elle aurait pu prévenir ! » même si tout compte fait, on n’aurait pas sursauté du coup.

Je ne sais pas ce qui m’a pris, c’est sorti tout seul et ça venait de loin, sûrement ; un trop plein d’énervement contre tout, surtout les trop-pleins de la vie qui racontent le manque de tout, surtout de ce dont on ne sait si on en a envie ; avec le contraire du reste, et l’acquiescement de tous les refus. Une vraie fille, quoi…

Je crois que j’avais repéré le coup, comme un pressentiment de l’inévitable car les amours de marin sont rarement éternels (surtout vers la fin). Je frissonnais encore de la surprise, calmant mon tricorne, c’est émotif ces machins-là.

Marre des hypocrites et des larbins, suis assez grande pour savoir qui est avec moi ou contre ; ou tout contre, même si j’ai terriblement envie de dire le contraire…

Je vais faire celui qui fait mine de rien, et même faire l’idiot ; ça marche à tous les coups, surtout quand on est sûr de rien. Tiens, je sens un cri en suspens dans l’air, je vais attendre un peu, juste pour voir. Là ?

Je crois que je l’ai coupé en deux là…La surprise a été nette, parfaite, ça lui apprendra à ne pas m’écouter, surtout quand je ne dis rien ou ne voulais rien dire. Un ange passe, ça lui apprendra à ne pas m’aimer quand j’ai envie, je me sens une vraie boule de misère humaine quand je veux ; ma mauvaise foi est sans limite et je suis prêt à désaimer quelqu’un en lui faisant croire qu’il n’a rien compris…Qu’est-ce que je voulais dire déjà ? Heu...

Je n’entends plus rien, je dois avoir encore une oreille bouchée…


JR

Photo : Claudia Tagbo ?

vendredi 7 juin 2019

Écrivaing


Depuis quelques temps, le vent m’amène d’étranges nouvelles bien ou mal intentionnées. Telle cette histoire d’écriture inclusive qui divise alors l’humanité dans ses confins les plus profonds, bouleversant les plus belles amitiés comme les plus grands amours…

J’ai donc remis du bois dans le feu, défait mon ouvrage, fait table rase de mes préjugés pour réfléchir à ce nouveau langage. Et la requête m’a paru légitime, révélant là quelques sentiments ancestraux de frustration et d’inégalité. Mon tricorne avait tranché vite en faveur des féministes, voyant bien    que :

- Oui, chaque métier pouvait comporter son pendant féminin sans que le masculin regroupe toutes les personnes.

- Oui, on pourrait dire « Humanité » au lieu du récapitulatif utilisé « Homme » englobant habituellement la Femme, avec perte et fracas. Fini le H majuscule !

- Oui, le pluriel des mots ne ferait plus l’emporter le masculin sur le féminin mais tout serait spécifié précisément, même par des raccourcis compréhensibles tels Cavalier-lières.

Bien sûr, il faudrait affiner et voir ce que cela donne sur une œuvre majeure déjà écrite et publiée, telle Les Misérables de Victor Hugo. Chiche ?

Ou alors éviter les féminisations impropres ou pas jolies telle : « Auteure » au lieu d’ « Autrice » (Beurk).

Ce langage inclusif/épicène, neutre et non sexiste a bien du charme et rend à la femme son importance irremplaçable, au côté de son alter-ego masculin. Il restera aussi d’autres domaines où ce n’est pas encore gagné comme l’égalité des salaires ou le partage des tâches ménagères, mais là ce sont encore d’autres histoires…

Ah oui, il peut aussi y avoir d’autres différences liées aux accents, question de goût ou d’imagination.

La jeune femme brune vient de finir son roman, ses intentions sont magnifiques, sa motivation inaltérable et ses buts sans concession. Mais son accent du midi va lui jouer un tour :

- Je serais écrivaing.

- Non : Ecrivaingue !

- Voilà...

Jack Le Pirate ♥

Photo : Géraldine Nakache.