mercredi 29 août 2012

Les crayons de Soleil


La main habile glisse sur la feuille, râpant le vélin et étalant le crayon grisonnant. La figure se tord en souriant, dodelinant du cou et hochant du menton…

C’est simple la bande dessinée et le dessin. Oh bien sûr, j’ai noté quelques idées banales et coupé du papier. Le Vélin c’est trop cher alors j’ai pris quelques rames de papier ordinaire, c’est plus léger et je peux découper au cutter plus facilement dedans. Tout ça c’est de l’artisanat et je me régale à mesurer les cases et les bords. Quelques millimètres par ici, une inter-case par là !

Je mords un peu mes lèvres quand je tente un effet, mon trait est élégant mais j’essaie d’être juste. Mes croquis d’études sont là et j’ai quelques photos de modèles au cas où…Je prends un stylobille et je commence à encrer, ou à noircir plutôt. Le pinceau du produit masquant est presque sec et ça m’arrange, car le brouillard est là recouvrant mon aventure, me donnant du fil à retordre et des bidouillages à trouver, vite. Car la somme des dessins est énorme, le délai incroyable au point que je suis déjà en retard ! Des mois de boulot sans satisfaction, tel un forçat galérien sentant les coups de fouet et ramant sans arrêt…

Mes mise en place sont définies et mes personnages au point. Tout est si habituel que je relis à peine le scénario, cinquante fois qu’est-ce que c’est, compulse quelques bouquins et secoue la bombe de colle, pour éviter qu’elle se fige, surtout en pleine nuit quand tout est fermé !

Mes douze heures par jour ne me font pas peur et le midi, je casse la croûte vite fait. Pas question de se taper un gueuleton au resto du coin, la sieste est pas payée et même pas les retouches. Oui oui, c’est ça la bande dessinée. Mais…

A chaque fois la même chose…

Le temps s’arrête et les fenêtres sont ouvertes laissant entrer les rayons du soleil, qui prennent le papier, mes notes et mes croquis. Un ballet commence où les cases se construisent et les planches se forment. Puis basculant dans une autre dimension, je plane jusqu’à la fin de l’histoire, apposant ma signature comme un soulagement de chef d’entreprise !

Tu rigoles, Jack, c’est pas comme ça ! Dit le petit Paul.

Ah, tu crois ? Il n’y a pas de petites mains qui viennent m’aider tous les jours ? Répond Jack.

Ben non, tu penses mais c’était bien vu ces crayons de soleil, tu as failli m’avoir...


*

« Plus tard, je serais dessinateur de Bandes dessinées ! ».

C’est une phrase que j’ai dit un jour et je ne l’ai jamais regretté…^^

Paul Glaudel

Dessins : Saïmon et Janry / Loisel.

vendredi 24 août 2012

Loup et Chatte


Les deux amants se prélassaient tendrement après leurs ébats et des effluves de senteurs de désirs embaumaient la grand’pièce.

Sa peau cuivrée respirait encore les efforts et la transpiration, et à côté sur le drap, elle n’en perdait pas une, le naseau en alerte qui respirait la bonne odeur de l’amour animal.

Il aimait quand c’était après car il éprouvait contentement et puissance, tous ses pores et ses poils semblant capter l’univers…Elle posa son bras contre son torse et embrassa en dessous de son téton puis le lécha un peu pour goûter encore sa virilité.

Elle se leva brusquement, soulevant le drap d’un coup sec puis il la suivit. Son museau renifla l’espace pendant que ses oreilles cherchaient la direction du bruit.

Elle grogna un peu puis les deux s’approchèrent du bord de la pyramide et nus comme des dieux, ils regardèrent le ciel longuement. « Il n’y a personne. Quelques oiseaux qui ont traversé le champ magnétique par mégarde. »

« Tu as raison. Retournons nous coucher, j’ai encore envie… »


J.R.

Dessin : Enki Bilal.

samedi 18 août 2012

La Photo de Sophia


Sophia s’assoit sur le tabouret que j’ai mis là à cet effet et je la regarde.

Elle soutient mon regard mais sans agressivité. Elle est presque absente…

Je me rends compte de son corsage et sa poitrine, et je rougis un peu.

Toujours placide, elle remet sa main sur la hanche pour se donner contenance, elle s’impatiente.

Sa bouche est bien dessinée et je l’imagine en train de m’embrasser.

Elle a du deviner mes pensées car elle fronce les sourcils.

Je fais mine de manipuler une plaque et je tousse un peu, histoire de meubler.

Je lui demande d’écarter un peu les cuisses et elle s’exécute.

Je pousse le rideau d’une fenêtre, pour créer l’ambiance…

Ses cheveux sont parfaits et je crois que c’est le moment.

Elle n’a plus bougé depuis un moment, peut-être s’est elle endormie.

Je rabats le tissu noir sur ma tête et zyeute dans l’objectif.

Elle est belle et resterais là jusqu’à la fin de mes jours…

J’enlève l’obturateur pendant que je déclenche le flashe au magnésium.

Ca sent un peut le roussi mais elle n’a pas bougé !

Voilà c’est fini, je m’approche vers elle.

Son accent italien me charme et je fixe sa bouche…

Elle s’en rend compte et me vole un baiser, en disant : 

"Et vous croyez en plus que nous les femmes on adore tricoter et cuisiner, en attendant de mourir ? "

On rigole ensemble et je lui promets sa photo pour la semaine prochaine.

Elle croise Mr Davenport le photographe qui rentre, faisant sonner la clochette à tue-tête.

 "Jack ? Tu fais quoi, tu es photographe à présent ? Tu devais me garder le magasin…"

"Bien gardé, j’ai même travaillé pour toi et photographié une cliente ! "

"Sacré Jack…"


*
Sophia Loren est une grande actrice de Cinéma du XXème siècle. Elle a démarra sa carrière au début des années 1950 et a joué notamment dans La Cioccara (1960) pour lequel elle a eu l’Oscar, Mariage à l’italienne (1964), La Comtesse de Hong-Kong (1967), Une Journée Particulière (1977)…

mardi 14 août 2012

Le Rendez-vous d'Orfeenix


La mi-août sonnait le tocsin des premiers retours de vacances que la vigie du Poseidon recevait les premiers signaux de fumée annonçant le retour de mon amie Orfeenix. Confirmé par un SMS sur mon portable, car on a beau être un pirate perdu au fin fond du temps dans les Caraïbes, on est organisé…

Elle était là bronzée et pimpante sur le ponton, balançant son sac à main fashion contre sa hanche féminine. Le galbe de ses jambes mettait en valeur sa mini robe une pièce et je ne voyais aucune marque à travers la transparence de celle-ci. Nous avions rendez-vous pour partager un café, une tarte aux fraises ou une glace à la vanille, afin de rattraper le temps perdu de nous pendant ces vacances.

Coquin j’étais d’avoir gardé un filtre de mon ami le Magicien, que j’arrivais en tenue de félin et miaulait un peu pour voir si tout fonctionnait bien. Orfeenix un peu en avance me prodiguait quelques caresses puis me reposait à terre en continuant à guetter son Capitaine, fronçant et piétinant sur place pendant que je me glissais entre ses jambes.

Levant la truffe au ciel, je me régalais d’elle pendant qu’elle languissait de mon arrivée…


*


Bon retour de vacances, galinette


Ah oui: Lien du dernier billet du Blog d'Orfeenix Galatéerato !

jeudi 9 août 2012

La Croupière


J’empilais dans ma main gauche une pile de jetons et envoyais devant moi le regard qui tue de celui qui vient de trouver le bon numéro. En fait, je regardais cette fille au bustier de cuir noir qui faisait tourner la roue de mes espoirs.

Quelques millions de pesos auraient suffit à mon bonheur, ce n’est pas si cher pour entretenir l’équipage d’une goélette et ses soubrettes de passage. Bosco et ses tartes aux fraises m’avaient fait faire ô combien d’économies, mais un revenu substantiel à la roulette était le bienvenu…

Comme d’habitude, la fille lança la boule dans la roue défilant à toute vitesse, et nous attendîmes qu’elle se fiche dans une des cases. Je ramassais mon gain, ponctué d’une grimace, mais j’attendais surtout  le moment habituel où la donzelle se retournait sans quitter la table, juste en pivotant pour donner la différence gagnée par la banque à un comparse.

Juste à ce moment-là, je comprenais le vrai sens de son métier.

Puis j’oubliais tout et je rejouais. Jusqu’à ce que tout recommence…




Jack Rackham

dimanche 5 août 2012

La Dernière nuit de Marilyn


Les mois d’août sont plutôt tranquilles sur l’île du Crâne et le Poséidon, aussi j’avais pris l’habitude de filer quelques temps via mon hamac vers d’autres univers…

Je m’étais retrouvé vers une crique de Santa Monica, sur un drôle de canapé pourri, plein de morpions d’une nuit de débauche locale. Ni une ni deux, je filais aussitôt avec mon tricorne en direction d’Hollywood où j’avais le souvenir d’actrices blondes aux mœurs faciles et sans vergogne. Un petit creux me fit faire un détour vers une épicerie de nuit de Beverly Hills, quand une nouvelle projection dans l’espace m’amena au XXème siècle, pas loin de là, mais dans le lit d’une gentille fille qui me fit visiter son cœur, son âme et tout ce qui pouvait lui appartenir en propre.

 - Tu es un Capitaine ? Me demanda t-elle, avec un accent charmant qui me rappelait cette anglaise de l’épicerie de mon île.

- Oui, un vrai. Mais quelquefois je m’échappe au-delà des mers pour voir d’autres mondes…

 - Tu as bien de la chance, je m’ennuie par ici…Je fais des choses marrantes où on me paye pour faire semblant mais je rigole peu souvent. Je n’ai pas la vie que je veux mais je suis une étoile dans le ciel qui me fait dire ou faire des choses que je n’aime pas. Des hommes me veulent mais je me demande si c’est bien moi qu’ils veulent.

- Tu devrais changer de région. Nul n’est prophète en son pays, c’est bien connu…

 - Tu as raison Capitaine, je vais te suivre dans ton hamac et tu me trouveras bien un petit coin dans une cale secrète, je ne dirais rien et ne ferais pas de bruit.

 - Tu as raison galinette, je trouverais bien un endroit pour toi, elle est bien grande ma goélette (et Tim et Maia n’y sont pas très souvent en ce moment, à vrai dire ! Pensais-je tout bas.).

Je repoussais le drap blanc du lit pour la voir nue et je me disais que j’étais chanceux d’être en si belle compagnie. Un gentil caractère en plus, comme un oiseau tombé du nid comme je les aime…

Nous fîmes l’amour toute la nuit et au petit matin, on but de grands verres de lait avec des œufs frais dont elle me cassait le jaune au dessus, comme dans ces films de boxe que je n’avais pas encore vus…Son sourire d’ange ravissait mon tricorne ébouriffé et elle avait l’air heureuse !

Mon bras l’attrapa, enroulant le drap, et elle agrippa ses cuisses autour de ma taille pour ne pas tomber. Son lit sembla s’évanouir et je ne vis plus la pièce jusqu’à ce qu’un ciel lumineux m’éblouisse sur le ponton de mon navire. Je mis ma main devant mes yeux pour voir où était le soleil et si l’heure du déjeuner était passé. Une voix m’appela et je me retournais :

- Hé Jack, vous venez ? Bosco a préparé du café, et tout l’équipage veut déjeuner avec nous…

C’était bien ma donzelle blonde qui avait trouvé amis et avait atterri avec moi à mon époque de pirates. Sa bonne humeur me faisait sourire et je me dirigeais vers la cantine en la prenant sous le bras.

- De la tarte aux fraises, Jack ? J’en ai commandé pour tous les hommes, tu es content ?

- C’est de ma part Capitaine, coupa Bosco. La petite est nouvelle, je voulais  pas l’effrayer tout de suite…

Le ciel bleu, les mouettes qui encerclaient le bateau, la chaleur de l’été, le tableau était encore plus magnifique avec cette jeune femme heureuse dont je ne connaissais même pas le nom…


*

Marilyn Monroë, l’actrice de Cinéma, est morte à Los Angeles, dans la nuit du 4 au 5 août 1962. Mais c’est faux…Elle est partie dans un autre monde où elle est plus heureuse, voilà tout.