jeudi 31 décembre 2015

Les Joyeux glands



Quelques jeunes qui posent sur une photo tout juste assez grande pour leur laisser la place de respirer. Les garçons se poussent, se pincent, et les filles ouvrent des grands yeux en se tripotant les  cils, chacun faisant comme si l’instant était crucial pour le reste de sa vie, immortalisant à jamais cette part intime d’eux-mêmes.

Le nouvel an approchant vient d’ouvrir une porte secrète dans mon cœur. Celle de mes jeunes années d’étudiant,  parachuté dans la nature à l’autre bout du monde par des parents inconscients et ignorants de la valeur réelle des études. J’avais quand même choisi quelque chose dans mes cordes, les beaux-arts s’approchant le plus de « Bande dessinée », et m’étais retrouvé propulsé dans l’aventure avec quelques autres camarades de lycée. Et il faut croire que loin de chez soi, on est si content de reconnaitre quelqu’un qu’on fait tout pour ne pas le lâcher et qu’il devient presque votre meilleur ami. ^^

Là, on s’était regroupé en bande et on avait pris de nouvelles habitudes, comme dans une communauté hippie située en cité universitaire, et on avait une excuse : 1980 n’avait pas encore pointé son nez, et Jimi Hendrix et Janis Joplin venaient à peine de mourir. On écoutait les Beatles et les Stones mais aussi la musique planante des groupes Génésis, Yès, Caravan, Pink Floyd ou rock comme Deep Purple, ACDC, Téléphone, et même les Clash ! Moments de sérénité aussi avec Léonard Cohen, Kate Bush ou Graeme Alwright. Sans oublier Brel, Lavilliers, Renaud, Patti Smith…On avait un peu zappé le Disco mais bon, on n’écoutait pas n’importe quoi !

Il y avait une bonne ambiance et on avait des coutumes, comme une petite famille, ayant l’habitude de manger ensemble le soir ou prévenant les autres en cas d’absence. Le thé à la mûre ou les saucisses au chou auront toujours un souvenir particulier pour moi... 

La politique n’avait pas beaucoup de place dans nos relations, malgré une tendance générale très gauchiste. Souvenir d’une manif perché sur les épaules du plus costaud, contraint de soutenir Mandela…Mais qui c’est ce type ? ^^

Et puis les concours de ping-pong en CU, les ateliers gravure ou dessin interminables où tout le monde se prenait pour Crespin (Marseil- Metal hurlant), les opérations « emprunts » Cassettes/BD/bouquins à l’hypermarché du coin, les soirées « volutes du Maroc » sur Caravan où je fus tellement malade et convaincu ensuite que la bière et le vin étaient meilleurs pour moi ! 

Puis la participation au tournoi de sixte de football d’un village local où on avait confectionné nous même des tee-shirts avec un titre cinglant : Les JOYEUX GLANDS !!! Et le speaker du stade ayant du mal à le lire, répétant plusieurs fois dans la sono : Les Joyeux…OranGinas ! On fut battu de justesse au deuxième tour, mais ce fut notre moment de gloire dont il reste quelques photos mais que je ne montrerais à personne, pour rien au monde...

Et les nanas bien sûr…On en avait quelques unes mais comme on dit pour les cigarettes, on avait du mal à les fumer nous même. Quelquefois, après une longue soirée, il arrivait qu'on s'endorme tous ensemble, oubliant l'heure et le temps, passant la nuit plein de rêves inassouvis mais rassuré de ces présences alentours, heureux.

Le temps a passé et a fait son œuvre. Je n’en ai revu que quelques uns de ces « Joyeux glands », d’autres ont disparu de la circulation, et certains pour toujours…C’était une autre époque, sans portable et sans ordi, on était jeunes, presque beaux, on était immortels et on emmerdait le monde!

Un jour, longtemps après, je faisais un long voyage en train vers l'Est pour aller dans un festival de BD car j’avais réussi à en faire mon métier. Il y avait avec moi un autre dessinateur, avec qui je discutais durant tout le trajet comme avec un vieux copain. Je l’avais même saoulé de tant de paroles qu’il me demandait un petit break avant d’arriver, histoire de se reposer un peu les neurones. 

C’était Michel Crespin, de Métal hurlant…


Jack Rackham

A Didier, Frédéric, Jean-Marie, Valérie, Evelyne, Sylvain, Pascal, Guy...


 S’il y a un groupe qui nous symbolisait, ce fut bien Téléphone, que nous avions tous vu en concert en 1980. Je me souviens d’une chanson dont nous avions changé les paroles en « Putain, ma roue ! » mais je n’ai jamais retrouvé laquelle…^^



samedi 26 décembre 2015

Le Prince Charmant



Les fêtes de fin d’année sont des moments propices pour raconter de belles histoires, celles qu’on ne raconte pas toujours aux enfants, même s’ils sont cachés sous le lit ou à proximité des écoutilles à ouvrir grands leurs yeux et leur cœur...

« Je me souvenais de cette épicière de l’île du Crâne qui avait un certain tempérament, un peu trop même. Mais comme elle, les affaires étaient bonnes et son mari ne s’en plaignait pas trop. Pourtant le bouche à oreille aidant, l’épicerie fut bientôt un carrefour de la civilisation caribéenne et accueillant un peu trop de monde, tel la grotte de Lourdes ou le parking du Mont-Saint-Michel (au galop).

L’épicier appela alors un sorcier de ses amis à l’aide, afin de canaliser les énergies de sa tendre épouse et de lui dévouer un seul et unique amant pour satisfaire tous ses désirs. Un sort fut donc jeté à la belle et son emprise la cantonna à un Prince charmant pour tout compagnon de jeu

Et les alentours de l’épicerie furent à nouveau abordables, même si le mari ne le trouvait pas très sympathique, à vrai dire.

- Robert- c’était son prénom- est pourtant un homme courtois, et son physique n’est pas très engageant, je l’admets. Lui répliquait sa femme.
- N’empêche…Continuait t-il de ronchonner.

La belle épicière avait bien du supporter la laideur de son amant, avec ses dents de gorille, ses cornes de taureau, ses pieds crochus et son bide dégoulinant. Mais…il était doté d’autres qualités bien naturelles et qu’une femme savait apprécier à leurs justes mesures, si l’on pouvait dire.

- Oh, Robert. Vous êtes…Tournant alors le regard, en faisant mine de se cacher le visage ! »

Je posais alors mon vieux grimoire grand ouvert, jetant un coup d’œil vers Maia, Orfeenix et Célestine qui se tordaient le cou pour voir le joli dessin qui illustrait cette histoire…

Jack Rackham
 Dessin : Paolo Eleuteri Serpieri.

mercredi 23 décembre 2015

MAIA LUNA Le Retour de la petite Sorcière


Hier, j’ai reçu un texte sur ma messagerie, j’en ai encore les doigts qui tremblent…

 « Cela faisait quelques années qu'elle n'avait pas navigué dans ces hautes mers, se souvenait elle encore du chemin ?.. Il y avait fort longtemps qu'au placard elle avait rangé son balai, revendu sa boule de cristal et donné aux mites ses vieux grimoires poussiéreux. Pourquoi ce soudain retour dans le passé ?

Elle fit un atterrissage en douceur sur le pont du bateau qui ne broncha pas. Elle eut un sourire, Jack entretenait toujours aussi bien son navire. Elle retint un instant sa respiration. Jack... Son plus vieil amant, celui qu'elle avait délaissé pour des plus jeunes, des plus fringants ! Sottises et billevesées de sorcière mal dégrossie. Tant pis, elle assumait les choix qu'elle avait fait et était désormais prête à affronter le courroux de son pirate favori. Elle se faufila dans la cabine et se dirigea vers la couchette d’où s'élevait un doux ronflement. Elle tendit l'oreille pour écouter si une deuxième respiration se faisait entendre, ce ne serait pas la première fois, qu'elle arriverait comme un cheveu sur la soupe de Jack. Courage ma Fille, il est temps de faire ton mea-culpa... s'encouragea-t-elle.

Elle s'avança à pattes de velours vers le corps étendu hésitant sur la manière de procéder... Lui sauter dessus comme on aborde un navire, échevelée, écumante et hurlante ? Se faufiler sous la couverture, dévêtue, moite et haletante en baladant ses mains partout, elle n'avait pas oublié ce dont Jack raffolait. Ou le secouer en douceur, lui susurrant son prénom doucement à l'oreille ? 

Elle hésitait tant, qu'elle n'amorça aucun geste vers lui, le respirant simplement, laissant les souvenirs affluer dans son esprit. Leurs parties de jambes endiablées, leurs disputes mémorables, leurs aventures rocambolesques en diable. Elle saisit juste le poignard posé sur la tablette, se coupa une longue mèche de sa tignasse rousse, et l'enroula autour du manche du poignard, rebroussant chemin les larmes aux yeux. 

Plus tard... Elle reviendra plus tard... se faire pardonner.

À Jack... Amis par delà les ans.

Signée Maia Luna. »

Je répondais, fébrile, par un autre texte, plus succinct :

« Je me réveille brusquement, j’ai senti quelque chose, comme une odeur d’encens que je crois reconnaitre…Une de ces senteurs épouvantables mais qui me rappelle quelques-uns des meilleurs moments de me vie de pirate, et notamment ceux passés avec une petite sorcière bien connue de mes aventures et qui me manque terriblement...

Je vois là une mèche de cheveux roux, et je comprends mieux cette atmosphère spéciale qui me trouble. Je l’enroule autour de mon…sabre, riant dans ma barbe de la plaisanterie et jouant avec ses cheveux qui sont doux et me font de l’effet. Je me souviens des jeux auxquels on se prêtait  jadis, où on se donnait tout des heures durant, toujours à se chicaner l’un l’autre tout en étant inséparables… 

Même un balai avait failli y laisser son manche, c’est dire !

Je séchais mes yeux, souriant déjà de nos prochaines retrouvailles et montant vers le ponton désert du Poseidon, je regardais pensif vers l’horizon tapissé d’un soleil levant flamboyant. J’imaginais déjà son air mutin, sa frimousse rousselée et sa peau douce…

J’avais encore du mal à le réaliser mais cette fois, ça y était :

Maia Luna, elle était de RETOUR !!!
 
Signé Jack le Pirate. »


Par Maia Luna et Jack Rackham ♥ ♥  > Sort-Céleri, le Blog de Maia-Luna !

   - Tu as rajeuni, mon Jack, C’est la joie de me revoir ? Hi hi.
- Tu parles…Quand tu tiens sous la mousse mon gouvernail spatio-temporel, je ne réponds plus de rien… ^^

                                         Maia, en plein travail...

dimanche 20 décembre 2015

Blue Velvet

Je m’appelle Jack Rackham et quelquefois, au détour d’une escale ou d’un grain trop fort, je mets en veilleuse mes aventures de pirate pour endosser un autre costume : celui d’un chroniqueur amoureux du Cinéma, me replongeant alors dans mes souvenirs cinéphiles  tout en y mêlant d’autres, plus personnels...

Ce jour là, mon inspiration avait choisi d’évoquer un grand film de David Lynch, celui qui l’avait consacré à mes yeux comme un génie du 7ème art, Blue Velvet. Et ce malgré l’antériorité du majestueux et mystérieux Eléphant Man au « noir et blanc » mythique que je rangerais néanmoins au rayon des films à caractère historique.

Comme beaucoup de films étrangers, son arrivée sur les grands écrans des salles de cinéma françaises était en décalage avec sa sortie originale en Amérique du nord pendant la fin de l’été 1986. Ce 21 janvier 1987, la France accueillit donc Blue Velvet via le Festival du film fantastique à Avoriaz, lui permettant un peu plus tard de rafler le Grand prix du Festival, Lynch faisant la passe de deux avec le précédent Eléphant Man, déjà cité.

Je découvrais donc ce cinéma chirurgical et réaliste mêlé à cette ambiance mystique et ésotérique, suggérée copieusement par une musique envoûtante et omniprésente, en même tant que le héros interprété par Kyle Mac Lachlan trouvait sur son chemin quelques indices l’amenant à venir en pleine nuit frapper à la porte d’une chanteuse de bar, jouée par Isabella Rossellini. Un trio allait se former avec le démoniaque Dennis Hopper, dit Frank Booth dans le rôle d’un gangster sacrément allumé.

En dehors du scénario original que je vous invite à découvrir en regardant le film dans son intégralité, j’ai aimé, entre autres :

La pulpeuse et un poil vulgaire Isabella Rossellini établissant une relation trouble avec tous les autres personnages, donnant une version diabolique de sa féminité ; à contrario de l’angélique et pure Laura Dern, aux pleurs brisant le cœur avec sa bouche en forme de huit...^^

Dennis Hopper et sa fureur de vivre non intériorisée, jouant avec son masque à oxygène tel un revolver et s’opposant aussi avec un Dean Stockwell déjanté et encore plus défoncé que lui. Un grand numéro de karaoké interrompt une grande scène de road movie où tout peut basculer d’un moment à l’autre. Où tout va basculer...

La vision très précise du réalisateur pour des scènes demandant du réalisme et un sens du détail, comme cette scène d’ouverture avec cet homme ayant un infarctus, et qui se touche la nuque en tombant. Entre en scène son chien qui croit que son maître veut jouer avec le jet d’eau et en profite pour boire un coup...

Les choix de couleurs jaune, bleu ou orange, pour les costumes et les cravates. Mais aussi pour les décors intérieurs ou même extérieurs du film, comme s’ils avaient été fraîchement repeints pour l’occasion. Même les fleurs !

Les chansons du film dont celles interprétées par Dorothy Valens aka Isabella Rossellini. Avec mention spéciale pour celle de Roy Orbison « In Dreams », vraiment symbolique de cet hommage évident aux années 60…

Voilà.

J’ai vu ce film à sa sortie durant ses premières semaines de projection. Ce soir-là, Il neigeait sur Aix en Provence et je venais de rencontrer une fille, avec qui j’étais donc allé au cinéma. D'autres choses me préoccupaient sans doute à ce moment-là, mais j’avais bien aimé ce film, et même plus. En fait, je ne tarissais pas d’éloges à son sujet, étant rejointe en ce sens par ma nouvelle amie. Je rangeais cette information dans un coin de ma tête quand quelques mois plus tard, je la demandais en mariage, ravi de partager ma vie avec une personne de goût…^^

Les années ont passé, essuyant parfois tempêtes et bourrasques, signe avant-coureur de ma double vie de  Capitaine, mais la barque a tenu bon et dans quelques jours, nous fêterons encore un nouvel anniversaire de mariage…(Faites le compte !)


Blue Velvet, ce fut vraiment un film porte-bonheur !

Bon anniversaire mon Bibou... 


Jack

PS : Euh…Et tu aimes toujours ce film, ma chérie ? ^^






Clip LANA DEL REY d'après Blue Velvet.

lundi 14 décembre 2015

Capitaine Achab



L’homme est  presque élégant et son collier de barbe lui donne le charme des aventuriers modernes même si son œil noir recèle le secret des grands destins, de ceux qui n’ont profité d’aucun privilège, et dont la seule force de caractère a suffi pour avancer dans ses conquêtes et vers sa gloire.

Achab serre les dents et son rictus effraye l’équipage, redoutant sa morgue et son courroux. 

Ils sont habitués à ses sautes d’humeurs, malgré la bonne pêche, le temps clément et les milliers de tonneaux d’huile déjà extraits et stockés dans la soute,  prêts à être vendus au premier port venu et au plus offrant. Mais la fortune ne suffit pas au capitaine et guettant le ciel et les oiseaux, il cherche une vigie imaginaire ou alors le signe d’une présence, d’un souffle bouillonnant des eaux dont le dos serait immaculé de blanc…

Mais non. Il refait un tour sur lui-même et ronchonne quelques mots en mastiquant du tabac qui finira par-dessus la rambarde, bardant au passage quelque mouette malchanceuse.

Il descend de guingois dans sa cabine, sonnant un tocsin de bois qui l’annonce à ceux du quart qui finissent leur nuit, déjeunant encore dans les cuisines. Un regard panoramique les fusille sur place puis il pousse la porte pour retrouver sa solitude, le seul compagnon qu’il apprécie en ce bas monde. Mais souvent les apparences ne sont pas celles qu’on croit…

- C’est toi Achab ?

- Qui veux-tu que ce soit ? Personne ne sait que tu es là, Rachel. 

- Viens me réchauffer. Ces chasses à la baleine sont interminables et je commence à tourner en rond dans cette cabine.

L’homme s’approche de la femme mûre mais encore belle qui attend quelque chose de son compagnon. Il sourit un peu mais reprend vite son rôle que son équipage connait bien, celui d’un bougon colérique et fou, obnubilé par une baleine blanche qui lui a mangé une jambe, jadis. 
Les draps s’agitent et semblent habités par des montagnes russes, libérant d’un coup les énergies positives d’un capitaine de roman qui redevient, le temps d’un rêve, un homme libre…


La cabine d’un autre capitaine s’éveille au même instant, donnant écho sans le savoir à d’autres ébats. Un coup de tête dans une poutrelle fait tomber son tricorne et une belle moussaillonne, ayant fait escale en tenue de polissonne, harangue son étalon.

- Jack ! Tu me racontes des blagues, « Moby dick » ne s’est pas du tout passé comme ça. Achab n’était pas marié !

- Ah, qui sait ? C’est un roman de Melville, dis-je en me frottant la tête et grimaçant, on peut broder un peu pour raconter une belle histoire qui finisse bien !

- Pour broder, tu joues drôlement bien le Capitaine Achab, la belle souriant et roulant des yeux vers son ami comme partageant là avec lui, un secret, une confidence…



Quelle jambe de bois ? 

 Jack Rackham ^^