samedi 29 janvier 2011

La Bouteille a l'amer

Accoudé à la rambarde, je souris déjà d’un prochain soleil brûlant et j’ajuste mon tricorne comme pour le faire venir. Je plisse les yeux, souvenir d’une nuit de rêves appétissants et je tâte mon ventre d’un bacon et d’œufs qui vont bientôt remplir ma panse accueillante. Mes yeux saisissent quelque chose sur le bord de la plage, une pagaie, une branche, un je-ne-sais-quoi…

Mon acuité devine plus qu’elle ne voit et mes jambes déjà se mettent en route pour me rapprocher  de cet inconnu. Je balance comme un singe jusqu’à la plage, saluant d’un toussement le ponton. Plus j’approche et plus je cerne l’objet qui m’attend…

La mer bruisse de mille gouttes et je me baisse mollement, englué dans le sable mouillé qui semble aspirer mes sandales. Je flique-floque en revenant, tenant à la main mon trophée : Une bouteille à la mer !

Je la tourne et retourne, caressant son verre dépoli, pour savoir si elle cache un message, comme il est de coutume. Le bouchon est docile et  je tourne ma pogne doucement, libérant le goulot. Mon œil se glisse dans le verre protecteur et je vois du parchemin blanc m’inviter à le prendre. Mon doigt agile accroche le mystère et je sors le vélin.

Le vent fouette mon visage et filandre mes cheveux pendant que je lis mon message. Je dis bien mon message car il m’est adressé, en plein visage. Je connais cette écriture mais pas les mots qu’elle me conte. Je relis lentement et n’ose y  croire.

Des relents de souvenirs me remontent. Je ressens  ses cheveux, sa peau et son envie, comme une dernière fois. La marée de la vie a recouvert notre aventure de sable pour l’enfouir à jamais. Les mots sans équivoque durcissent mon cœur de pirate, qui repousse le chagrin et la peine d’un revers de manche.

Mais je sais bien que mon âme meurtrie va mettre du temps à déglutir oubli et palanquin de larmes. Je fais quelques pas de plus et je remonte la passerelle vers mon univers de Capitaine. Les hommes vont et viennent et ma gorge ne crie rien. Mon cou est pris comme dans de la glue pour invectiver mouettes et saligauds. Je prends un peu d’élan et je rejette la bouteille, à la mer. Très loin.

Je tiens le gouvernail et prends du vent comme pour me punir. Je sens ma gueule et mes sourcils qui froncent et je fais virevolter mon volant pour aller vers l’océan.

J’ai besoin de sentir des embruns d’aventure pour éviter de hurler jusqu’au Cap Horn.

Une simple bouteille m’a circoncit de ma jeunesse, coupant un lien et mon amour propre.

Une larme coule de ma joue rougie mais je serre les dents.

Je n’ai rien…

mercredi 26 janvier 2011

Le Portable de Superman

Je fis la connaissance de Tim il y a bien longtemps, au début de mes premières traversées de l’Atlantique. Oui, de l’Atlantique…

Les gamins que je gardais le mercredi me regardaient ébahis, ne connaissant ni l’Amérique du Nord ni les océans. Reprenant ma plus belle gueule de raconteur d’histoires, je faisais mine de creuser dans le plus profond de ma mémoire une histoire dont les mots me venaient naturellement et au fur et à mesure :

« Nous nous étions perdus lors d’un voyage dans le temps avec Tim. Nous venions de nous marier et nous avions atterri à Metropolis, une grande ville ressemblant à New-York, Tim voulant connaitre la vie moderne et tous ses avantages. Et Metropolis était de surcroit la ville de Superman ! Et nous avions même acheté un portable, une sorte de téléphone mobile, pratique pour appeler de n’importe où mais surtout qui on voulait qui avait le même appareil… »

Les enfants avaient du mal à imaginer l’objet mais quelques mimes avec deux coquillages et ils eurent vite pigé le système !

« A l’époque, Tim avait la fâcheuse habitude de la vantardise et à défaut de tout ramener à elle. Ce qui à mes yeux la diminuait devant les donzelles blondes que nous rencontrions, si douces et si gentilles. Tim grommelant sans cesse en se targuant de tant de qualités, je n’avais d’yeux que pour des princesses brunes de retour de Cornouailles ou des sorcière rouquines aux pouvoirs incroyables et au tenu de manche à balai à faire damner un saint. Saluées parfois par Superman qui passait devant nous en rasant le sol. Ce qui mettait en rage Tim encore plus, et les journées n’en finissaient plus de chamailleries et disputes de toutes sortes… »

Pendant que je racontais, je voyais bien les petits garçons jetant des regards d’opprobre vers les petites filles mais malignes, elles se turent et je pus continuer sans hurlement, ni tirage de chignon.

« Pourtant, l’occasion fut offerte de clore une bonne fois pour toute la bouche fleurie de Tim, et je pensais sur le moment qu’être mise à l’honneur la calmerait… »

Et alors ? Dirent les enfants, en cœur.

« Et bien voilà : Un jour que nous visitions le commissariat de Metropolis, une idée à Tim, quelques super-méchants avaient neutralisé toutes les ondes téléphoniques de fréquence moyenne afin de couper tout secours en vue de dévaliser la plus grande banque  de la ville ! Et donc pas moyen d’appeler Superman…C’était sans compter le nouveau portable cellulaire de Tim, utilisant une bande fréquence  parallèle, moins dessinée et immunisée contre les parasites des malfaisants !"

Prenant ce portable salvateur, on entendit le commissaire lancer un « Allô Superman ? » et tout fut arrangé rapidement. Sous les clignements de cils de Tim, rougissant…
  
- Alors Tim, il est formidable ce Superman ?
- Ouais, un beau gars !
- Il a sauvé la ville de la ruine, et heureusement que le commissaire ait pu le joindre sur son portable…
- Oui !! Il a pu joindre Superman…avec MON portable !! Osa Tim, dans un sourire suave. 


Incorrigible Tim !!


Jack Rackham

samedi 22 janvier 2011

Un Beau

Il est arrivé par hasard sur l’île du Crâne, débarqué d’un navire anglais ou d’un ferry mexicain venant des Amériques.

Sa démarche est légère et son sourire fait fondre dès qu’on le voit. Sa barbe de trois jours lui donne un air décontracté et les femmes se retournent sur lui. Les hommes aussi parfois. Son destin l’a conduit évidemment sur le Poséidon, après avoir écumé le bourg de l’île.

Les cœurs brisés crient encore au dessus des toits jusqu’à nous et c’est avec hésitation que je l’ai embauché comme matelot, je ne veux pas d’embrouille sur mon bateau.

Le bougre est  plutôt gentil, s’appelle Mattéo et Tim lui conte fleurette entre deux cargaisons déchargées dans la cale. Elle se pomponne plus souvent depuis son arrivée et disparait de temps en temps vers le coup de midi et 19 heures, revenant essoufflée mais avec un petit sourire que je reconnais bien.

Ah, c’est ma vie. Quand un beau arrive…

Et justement, j’ai beaucoup de visite en ce moment, Maia qui devait venir prendre le thé depuis longtemps, Emma qui propose des cours d’anglais gratuit à mes matelots, Eloïse qui est revenue de son exil et a pensé à une épicerie à domicile bihebdomadaire et verrait bien mon nouvel  employé comme coursier pour faire les aller-venues.

Même Katia à eu besoin de lui pour refaire les peintures de son Cabaret. Seule Lady Ania, mon attachée de presse n’a d’yeux que pour moi. J’aime quand elle regarde mon tricorne en faisant mine de rien, ses cheveux longs noirs s’entortillent de pudeur et sa bouche de poupée  me lancent des invitations à prendre un café de délices avec des langues de chat…

Mattéo semble s’être parfaitement intégré à la vie de l’équipage, et afin de lui épargner des travaux trop pénibles et usants à la longue, je le mets aux cuisines avec Bosco qui semble ravi d’avoir un assistant. Reconnaissant, des tournées de part de tarte aux fraises sont offertes à tous les hommes et moi-même. J’imagine le bon vouloir et la générosité de ce Mattéo, celle de Bosco n’étant que  légendaire…

Puis un jour, notre ami disparut. On ne sait ce qu’il devint, quelque chose  avait du lui déplaire. Qui sait ?

Ah, c’est la vie des beaux.

Quand un pirate arrive…^^


Jack Rackham.

mercredi 19 janvier 2011

Le Goût des Autres

Les amis étaient réunis à table et avant de commencer le repas, échangeaient quelques mots sur l’Art, les nouvelles du jour ou même les derniers abordages recensés dans la Mer des Caraïbes...

- Le seul et unique pirate qui mérite d’être cité est Barbe-Noire, bien sûr. Son allure, ses pistolets, son sens tactique, tout lui donne une légitimité dans la chasse aux butins, partout dans le monde ou tout au moins dans les Caraïbes.
 L’homme appuya sa phrase d’œillades entendues vers sa compagne, une certaine Caroline, et ils semblaient jouer un numéro de théâtre ou un double de tennis.

- Je préfère le Capitaine Crochet, dis-je. Un côté romantique, une dimension humaine et fragile, il a plus de gueule en tous cas !
- Sans vous offenser, Monsieur Jack, ce Crochet n’est qu’un pitre de foire, juste bon à faire peur aux enfants et son seul ennemi, ce Peter Pan, semble prouver que j’ai raison, ha ! Ha ! Regardant vers sa chère et tendre mais aussi vers un public imaginaire, car seul Bosco se trouvait au comptoir, resservant une tournée sur ma demande.

Mon tricorne rasant semblait flirter avec mes yeux et je me contenais, réservant mon courroux pour d’autres vengeances ultérieures. Il continuait :
- Aborder est un Art, fait par des gens sérieux, au fait de la balistique des navires en collision. Pourquoi pas Jack Sparrow ? Mais ça me plait. J’aime m’encanailler dans des lieux populaires ! Il est chou ce Jack, ne trouvez-vous pas, chère ?

La fille riait et Bosco continuait de servir des verres de gnoles, pendant que mon nouvel ami expliquait à qui voulait l’entendre, la tactique de l’abordage, le maniement des grappins, le mouvement du poignet à l’épée en corps à corps…

 Justement, un peu groggy des effets de la blanche des Caraïbes, je me chargeais d’accompagner sa  demoiselle aux toilettes pour un besoin pressant. Nos frôlements dans les couloirs nous rapprochèrent et en toute modestie, je mis mon sabre à sa disposition.

Goulument et avec une soif de mieux me connaitre, la petite Caroline gâta mon amour-propre et levant la tête entre deux apnées, me dit :
« Vous avez bon goût ! »

Ce dont je n’avais jamais douté.
Enfin, à mon avis...


Jack Rackham.
PS: Ce texte en réponse à une publication sur le blog d'Isabelle, LA TETE DANS LES ETOILES...LES PIEDS SUR TERRE que je vous invite à découvrir : http://etoiles-isa.blogspot.com/2011/01/le-gout-des-autres-revoir-absolument.html   ( Voir aussi dans ma blog-liste, colonne de droite ).

lundi 17 janvier 2011

Les Anges

Ils se mélangent aux mouettes, volant au dessus de mon bateau en faisant de grands huit, toutes ailes déployées…

Ils ne font pas de bruit quand ils se posent sur le pont, légers comme des plumes perdues par le vent. Ils viennent se confier quelquefois aux marins, et l’un d’eux accepte de temps en temps, de me rejoindre pour un café ou un lait.  Rarement un rhum ou du houblon pour ces gardiens blancs, voler est périlleux.

L’un d’eux me visite par sympathie mais j’ai contracté  quelques fièvres qui m’ont cloué au lit. Je suis un piètre convive pour recevoir mon Ange qui déploie ailes et compassion. J’ai l’impression de rêver quand je le vois suspendu au plafond et les cloisons de ma cabine ont du pousser la mer et les airs, et me parait immense…

Nos esprits communiquent et il me raconte son histoire. L’histoire de tous les Anges…

Ces êtres trop tôt disparus qui reviennent protéger ces personnes qu’ils aiment encore et qui leur manquent. Drapés de blanc, ils surfent mués par leur chagrin et se mêlent  aux gens qui continuent de vivre avant d’atteindre leur paradis…Celui-ci a perdu sa mère, et son cœur est encore plein d’elle et de son amour. Invisible, il lui donne la force de supporter leur séparation et la couve de ses bras de tendresse immense, évitant qu’elle ne succombe au désespoir. Il la frôle et l’enrobe tant et tant, lui insuffle tant de sa présence que peu à peu elle croit l’oublier alors que c’est le contraire, il est avec elle comme jamais !

Mon ami volatile reprend un peu de lait et nos conversations télépathiques le mettent en confiance. J’en profite pour lui poser des questions. Enfin une, sur une amie disparue.

D’un regard, il apaise ma souffrance et je comprends qu’elle est là, diaphane et toujours sensuelle.

L’Ange s’en va. Il va retrouver sa protégée, et d’un coup d’aile, s’envole au firmament.

Rita.

Tu me manques…


 Jack Rackham.

vendredi 14 janvier 2011

Un moment d'attente

Bernardo met sa main sous son menton et même sans pousser de soupir, a les yeux qui s’impatientent en roulant du plafond vers la caméra. Son film prend tournure, et le temps qui s’est arrêté lui donne l’occasion de profiter du moment magique de son talent…

Marlon s’en grille un petite et pense aux choses de la journée. Son texte est su et son jeu est à son maximum. Il aura l’Oscar pour ce rôle c’est certain…La petite Marita l’attend à l’hôtel ce soir, elle va baiser son héros de Sur les Quais…

Les temps d’attentes sont les moments clés de la vie. Ceux où la pensée s’aiguise et se concentre, et les muscles se décontractent une dernière fois. La gorge avale et la langue humecte, on est hors le temps quelques secondes, on se prépare…

Pour écrire c’est la même chose. Je suis entre mes cordes, prêt à bondir sur le premier flux Internet et j’écris le prochain texte de mon blog. Le mot est ciselé, le verbe efficace, l’ambiance lourde de sens…Je publie et j’attends déjà le premier commentaire. Je les compte, j’écris les noms, je coche. Je rumine contre l’une ou l’autre, celle-là elle peut m’attendre, l’autre est rayée de la carte de ma blog liste, c’est la vie…

Le tic-tac de l’horloge va reprendre, je réponds au premier commentaire et redoute le dernier. Marlon écrase sa cigarette et Bernardo se lève. Elle est là qui revient, se met la main dans les cheveux et souffle. Tout le monde sourit sur le plateau…

- Ben quoi, j’avais envie. J’ai bien le droit non ? Une envie urgente…Quelqu’un a du papier ? Ben, quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?

Maria est revenue. Le temps peut reprendre…



Jack Rackham.

Sur « Le Dernier Tango à Paris » de Bernardo Bertolucci, avec Marlon Brando et Maria Schneider.

mercredi 12 janvier 2011

Blonde, Brune ou Rousse ?

Le soleil était revenu au dessus de l’île du Crâne et j’avais décidé d’une petite balade en goélette. J’avais invité quelques amies chères que je n’avais pas vu depuis longtemps, et trois d’entre elles répondirent favorablement à mon invitation.

Elles arrivèrent presqu’à l’aube pour bien profiter de la journée, et essayer aussi de poser ses valises dans la meilleure cabine, car elles étaient assez inégales il faut dire. Josépha fut la plus matinale et son sourire illumina tant l’aube, que la lumière du jour parut fade. Je l’accompagnais dans ses quartiers choisis et un baiser récompensa ma galanterie bien naturelle.

J’avais les yeux encore ébouriffés d’elle, quand ce fut au tour de Cameron de grimper la passerelle du Poséidon. Je l’aidais dans sa marche avec précaution, car j’avais aperçu un peu de rondeur sous sa capeline. Son sourire d’ange et sa bouche amoureuse avait du plaire à un autre Capitaine, mais je le comprenais.  Un tel jardin donne envie d’y faire pousser des fleurs et pas que…Sa chambre lui plut, Bosco avait mis de jolis rideaux roses et bleus et je la laissais s’installer dans ses froufrous.

Un cri strident sur le coup de 9 heures, coupa l’air en deux et une mouette se prit même le mât de misaine tant elle fut surprise. Maia était venue à pied, une grève de balai subite empêchant un vol rapide jusqu’ici, et elle s’était pris le pied dans un nid de poule sur le chemin du ponton. Je courus pour l’aider à se relever et mon tricorne croisa le bleu de ses yeux de sorcière, me charmant comme un Prince…Après une visite détaillée de sa cabine, je la laissais se faire coquette et poudrette. Ah, les filles…

L’équipage avait consigne d’être le plus discret possible pour me laisser avec mes invitées, et je les contemplais toutes les trois, accoudées à la rambarde, s’étonnant des dauphins, lançant du pain aux mouettes et jetant un œil de temps en temps vers quelques matelots curieux.

- J’aimerais vivre dans les îles, dans un bungalow de paille, d’amour et de pêche…Dit Jo la brune.
- Je descendrais les torrents en pirogue et je bronzerais le reste de la journée…Répondit Cameron la blonde !
- Trop de tracas tout ça ! Coupa la rouquine Maia. Je me mettrais à la colle avec un bon génie, à faire des vœux en veux-tu en voilà. Mais je passerais vous voir souvent Capitaine ; on jouerait au rami hi hi…Je rigole !

Le programme de la journée fut une partie de pêche, un concours de gâteaux et une chasse au Trésor avec cartes et instruments, pour finir par creuser un grand trou rempli de diamants et pièces d’or où chacune emporterait ce qu’elle voudrait...J’aidais juste un peu Cameron, vu son état, mais j’eus du mal à les faire sortir du trou tant leurs poches étaient pleines !

Puis un goûter spécial fait de sucreries et de cocktails nous attendait à notre retour. Mais elles étaient tout de même fatiguées de la longue journée mes gallinettes, et une petite sieste avait été prévue avant la soirée aux chandelles, prévue dans la salle de réception du navire…

Je ne sais si c’était mon charme fou ou le bonheur engrangé de cette longue journée, mais mes trois donzelles étaient empressées à mon égard et  elles m’ôtaient tout à tour, tricorne, bottes et vareuses, avant de passer aux choses sérieuses. Entouré de ces femelles douces et aimantes ô combien, leurs mains agiles et leurs langues habiles essayaient de me faire parler, moi pirate survivant de toutes les mers déchainées et des tueurs et voleurs les plus sanguinaires :

- Oui, dites nous Capitaine, quelle est votre préférée…La blonde ?
- Humm mon pirate des cœurs, la Brune je crois…^^
- Meuh non, la Rousse, y’a que ça de vrai, pas vrai mon Jack ?

Je ménageais un peu le suspense puis je répondis, la voix claire :

« Assurément, j’ai un léger penchant pour la Rousse…Côté bière, bien sûr ! »

Le souffle coupé dans un premier temps, les trois se jettent se moi dans un concours de chatouilles à vous couper le sifflet. Pourtant dans la chaleur de la nuit, on entend les éclats de rire jusqu’à Cancun et sous la bénédiction des mouettes curieuses, les lumières du bateau scintillent avec amour jusqu’au petit matin…


Besos ^^
Jack Rackham.

dimanche 9 janvier 2011

Le Désir

J’aime arpenter parfois les couloirs du temps et des gens, parcourir d’autres destins dans d’autres yeux et d’autres corps. Calé entre mes cordes, je tape en furibond le destin de celui-ci ou le sort de celle-là. Je joue à l’apprenti-sorcier des vies de quatre sous ; je me jette à l’eau comme mon tricorne à la mer et j’ai choisi ceux-là…

*

Elle est là devant lui, il est là devant elle. Les mots n’osent sortir de leurs bouches, ils se sourient. Tom aime beaucoup Kathy et Kathy aime beaucoup Tom. Pourtant, ils ne se touchent pas et se saluent comme deux étrangers. Leurs yeux se croisent à peine, de leurs regards de chat, passant à travers l’autre comme s’il n’existait pas.

Et pourtant.

Leurs vies ont commencé il y a longtemps. Ils ne se souviennent plus depuis quand ils se connaissent. Elle a épousé John quand ils étaient bien jeunes, il a aimé Mary juste après ses études. Ils se sont revus souvent, encore et encore. Pour des anniversaires, des communions, des mariages, des veillées funèbres et même pour rien, en achetant le pain ou en marchant dans la rue ...Tout le temps. En fait, jamais ils ne se sont quittés.

Et pourtant.

Une fois de plus, ils se rencontrent. Ils ont un peu vieilli mais leur trouble est le même. Il reste droit comme un i et elle se tripote les mains. Leurs regards fixes tromperaient  un étranger qui n’imaginerait pas leur désir enfoui depuis si longtemps…Ils échangent quelques balivernes de convenance mais ils n’ont de pensées que pour l’autre. Ils croient que personne ne voit rien et ils restent à distance, pour ménager les apparences.

Et pourtant…

Kathy est encore désirable et Tom bien planté devant elle. Sa main tendue pour ses retrouvailles reste vide de ses doigts, comme pour montrer qu’il n’attend rien, ne ressent rien. Mais les murs n’ont pas de mémoire à transmettre de leur ascétisme et  leur désir grandit de cette frustration.

Et pourtant…

Tom fait quelques pas hardis vers Kathy qui se raidit. Leurs ventres se frôlent presque et leurs souffles semblent  se mélanger. Ils profitent de cet instant hors le temps, et respirent de cette vie qu’ils auraient pu vivre. Sans ces préjugés, le poids de cette éducation, l’alternative de cet adultère…

Et Pourtant…

John est mort cet hiver et Kathy est restée seule. Mary a perdu la tête et Tom va la voir au centre de psychiatrie où elle a pris résidence.

Tom est venu rendre visite à Kathy, lui présenter ses condoléances. Kathy dit quelques mots gentils à l’encontre de Mary. Ils se sourient…

Ils s’approchent encore et se touchent. Elle est belle avec ses cheveux bruns et bouclés et il lui met la main dedans pour les caresser. Il est fort et protecteur, et elle se met contre lui, la tête sur son épaule.

Ils profitent de ce temps dont ils étaient privés et hument le parfum du corps qui leur manquait. Leurs mains se touchent et se palpent, lentement. Le vestibule retient sa respiration, ils vont s’aimer...



Jack Rackham.

PS = Qui n’a pas un amour secret ? Depuis longtemps, il est là qui attend et qui sait si un jour…Ca va faire mal !

Images extraites de "Le Village" de N.Shyamalan, avec Sigourney Weaver et William Hurt. 

jeudi 6 janvier 2011

Maîtresse

Les lendemains de fête font ressurgir les souvenirs perdus comme les bitures en rappellent d’autres…

Je me remémorais l’époque où j’étais le petit Trésor de Katia et où elle m’initiait aux choses de l’amour. L’amour avec un petit a, celui où les mains et les yeux engrangent de l’expérience, où le sabre s’aguerrit patiemment afin d’aiguiser souplesse et endurance, sensibilité et élégance.

Katia aimait me malmener en choquant mes préjugés de puceau fraîchement dégourdi, et nos rendez-vous dominicaux de chez la Veuve Sanders se transformaient parfois en lupanar ou autres réunions ludiques. Cela prit une autre tournure quand elle me « prêta » une semaine entière à une amie de régiment, Thania, reine de la nuit et des jeux de vilains.

J’étais ponctuel au rendez-vous et j’attendis sagement dans une salle décorée curieusement  de portraits roses mauves qui préfiguraient ma rencontre ultérieure avec le Capitaine Willouby, sur un divan psy. De charmantes créatures aux lèvres violacées, semblaient se faire de l’œil d’un pan de mur à l’autre, s’accordant sur mon sort prévisible de coquin comestible. Mais ce n’était rien comparé aux bruits qui commencèrent à résonner derrière le mur du fond…

Je m’approchais pour mieux entendre et collais même mon oreille à même la tapisserie. Et j’entendis tout…

Un crissement de vieux matelas semblait rendre écho  aux claquements de peau ponctués de « Oh oui, mon Chou » et j’imaginais la scène, ce qui me fit rougir. Une dame réclamait encore plus de promiscuité et son compagnon de jeu décrivait tout, comme elle le lui demandait. « Dis-le-moi… » répétait-elle à son cavalier, car j’entendais bien les bruits de bottes et de fouet, entre deux hennissements…Jeux de pouces contre des passages secrets, tirages de cheveux transformés en rênes, fesses écartées comme des globes de mille lieues, seins malaxés en pate de fruits de la passion, je ne comprenais pas tout sauf au moment où un « je vais dégourdir celui d’à-côté » me fit comprendre qu’il s’agissait de moi…

Une furie en cuir et coiffe de pirate fit irruption dans la pièce et m’interpella violemment :

 - Alors mon gaillard ! On écoute aux portes de l'amour sans donner son écot ? Viens par là, que je tâte le fruit envoyé par mon amie Katia...
- Mais M'dame..., répliquais-je, sans succès d'écoute.

Elle continuait de marmonner et vociférer, et commençait son ouvrage. Ses mains parcouraient mon corps comme une experte et je commençais à me laisser faire. Après tout…

Je la regardais pendant ce temps, parcourant sa peau tannée et ses grains de beauté. Elle donnait envie d’elle et ses gestes de maîtresse-femme donnaient encore plus envie de la laisser jouer avec ce que bon lui semblerait… Elle devait aimer le vin tant elle jouait avec les raisins et elle ne me lâcha qu’à la vue du nectar qu’elle lapa comme une mort de soif, sonnant le tocsin de mon plaisir.

Tout ne fut pas finit. Elle me fit visiter sa maison en me tournant le dos, prenant visée de sa croupe au-dessus de mon pic. J’écartais ses soupçons d’indécence et s’asseyant sur mon sabre, devenait mon fourreau.
Je regardais un peu en elle, y voyant une femme de cœur. Puis elle se retournait, reprenant les affaires et son galop sans fin. Je me risquais à tâter son popotin, basculant pour mieux me laisser téter ses seins, et mes doigts caressant et titillant son envie, nous nous chevauchâmes en corps et en corps…

Soudain, la porte de la cuisine s’ouvrit, et je décidais d’y faire un tour, un petit creux à combler criant à mon estomac son arrivée.

Des halètements annoncèrent le début des grandes  festivités, et je remerciais en silence mon amie Katia pour une semaine de menus sévices que je n’étais pas prêt d’oublier… 


Jack Rackham.

dimanche 2 janvier 2011

Le Rêve d'Ulysse

« J’avais cent fois rêvé de ce retour sur mon île. Les Dieux avaient voulu me mettre à l’épreuve et j’étais bien puni…J’avais pourtant été l’instigateur de ce cheval qui permit de prendre Troie. Fier de ma ruse, j’avais cru être invincible tout autant en défiant ce Cyclope aux moutons appétissants. Mon chemin du retour, sous le courroux de Poséidon, se transforma en chemin de croix…Circé la Magicienne, les sirènes, Nausicaa, Calypso, autant de rencontres maléfiques qui m’éloignaient de mon retour et mon épouse…

Là, j’étais à Ithaque et seuls quelques serviteurs fidèles et un vieux chien me reconnaissaient. J'étais comme seul au monde, oublié des siens, c’est ce que je croyais…Mais Télémaque mon fils m’attendait ainsi que mon épouse Pénélope, faisant patienter d’ignobles et cupides prétendants en défaisant l’ouvrage de sa délivrance à mon attente. Maintenant, Je suis là, sous les traits d’un mendiant et je vais tendre cet arc de ma jeunesse, prouvant mon identité, mon retour, ma vie…et bientôt ma vengeance. »

L’homme avait raconté cette histoire d’une traite et pensant à une pause, je lui resservis une pinte de houblon ambré, qu’il descendit aussi sec. Il reprit :
 - J'ai voulu faire une halte sur ce navire, car il porte le nom d'un Dieu, celui qui m'a causé tant de tourments...
- Poséidon est un joli nom, mais pour fendre ces mers de long en large, faut-il avoir celui d'un pourfendeur de châtiments. Répondis-je. 

L’œil de l’homme s’enfonça dans mon esprit tel un glaive et je regardais vers le ciel pour le soulager. Il se leva et me remercia pour l’hospitalité.
- Je reprends ma route vers les miens. Cette île du Crâne est accueillante mais j'ai hâte de fouler la terre d'Ithaque, je sens qu'elle n'est pas loin...

Derrière son apparence frêle, on sentait la force contenue de ses muscles et son envie. Descendant en quelques pas la passerelle vers le ponton et la route du village, le vieillard disparut vite de ma vue, comme poussé par une énergie surhumaine, presque divine.

Les couloirs du temps font quelquefois dériver les héros de leurs routes, mais avec la force et la ténacité, certains tel Ulysse, arrivent un jour à assouvir leurs rêves et leurs destins…


Jack Rackham.

Lisez donc « L’Odyssée », attribuée à Homère, racontant le retour chez lui d’Ulysse après la Guerre de Troie, et vivant quelques aventures hors du commun…