samedi 28 mars 2020

Le Magicien 2



"Une drôle de semaine, une drôle de période, de drôles de personnes. Mais je ne suis pas magicien, je suis pirate…"

Tel avait été le post-scriptum de la première publication du « Magicien », écrite sous le coup de la colère, en 2009. Une époque bien lointaine, à la colère bien dérisoire vue d'aujourd’hui.

Avec un petit coup de peinture en plus, pour l’occasion…

*

Il passe de bateau en bateau, pour faire quelques tours de magie, tours de cartes et autres apparitions de lapins…Justement, il est sur le Poséïdon, participant à un un spectacle dont j’ai eu l’idée pour distraire le public de l’île et l’équipage. 

je relève la tête de mon portable, il me sourit. Ses dents blanches inquiètent un peu mais son habit de lumière en impose, c’est un Magicien…

Il a le don de vous faire voir ce qu’il veut, ses mains voltigent et ses cartes mélangent leurs couleurs, le pique se tient à carreau et son trèfle fend le cœur. On ne peut pas dire qu’il plaît aux femmes, mais quand il les charme elles se voient comme il les voit, toutes belles ou pas comme les autres, le temps d’un instant ou même d’un été.

Il ne regarde pas leur condition humaine, peut importe qu’elles soient Comtesses ou femmes de chambres, il les aime comme des femmes entières. 
Justement celle-là lui plaît, elle est cuisinière et a bonne figure. Il l’a repérée après le spectacle de la veille. Tim ma lieutenante est vexée car elle a tout fait pour attirer son attention, mais il ne regarde que l’autre…

C’est vrai qu’elle est belle, intelligente, et il lui conte fleurette comme à ses plus belles heures. Son sourire est enjôleur et sa magie opère. Il raconte ses voyages, ses buts, ses projets, confie ses tours de cartes, ses secrets, ses misères…La fille l’écoute comme une oreille, le Magicien fait tomber son masque, ils sont en harmonie, ils sont heureux…

Les soirées succèdent aux spectacles, lui joue de son art, elle cuisine, ils se retrouvent après et refont le monde, projetant leurs rêves. Faire un projet commun, trouver quelque chose pour se rapprocher, pour ne plus se quitter. Ce sera fait, promis, leurs yeux brillent de mille feux. On ne sait ce que c’est, pas besoin de tout se dire, la chose n’est pas commune et ils se comprennent.

Pourtant au fil du temps, quelque chose à changé. Elle est moins présente et hier, elle a même manqué un spectacle du magicien. Ce n’est pas bien grave, pense-t-il, il y en a tous les soirs…Il se recule un peu pour la laisser respirer, elle a ses projets qui grossissent, un grand mariage à la cour d’un Roi, une publication dans un Almanach, elle se sent le courage de tout…Tout le monde va bien voir ce qu’il va voir !

Sa carrière et sa cuisine prennent de l’ampleur, elle l’a oublié un peu mais de temps en temps, il vient la voir. Ses tours de magie lui paraissent dérisoires à présent, ses recettes à elle dégoulinent d’ambition. Mais elle se sent de plus en plus belle, c’est la Reine du monde avec un ballet de courtisans qui est là pour son miel…Au diable les jaloux !

 Il est là qui la regarde. Il se souvient leurs projets, de leur amour…Ce n’est pas grave, il est content pour elle.

Le Magicien est sur le pont, elle n’est pas venue, comme hier soir, avant-hier et les autres soirs. Il a compris et il va partir. Sa tournée va l’emmener loin, au delà de l’île du Crâne, et il ne la reverra peut-être jamais.

Sa magie a opéré. Comme deux miroirs, il a transmis son reflet sur l’autre, elle croit connaître tout de lui. Son mystère a disparu et elle trouve qu’il est assez banal. Elle, par contre, sent la vie devant elle, a des beaux projets, et justement elle pense à quelqu’un qu’elle a connu jadis, un homme de son pays, elle rêve de celui-là.

Il tourne au bout du quai et va vers une prochaine rencontre, un prochain amour peut-être. Il est habitué à ces vases communicants entre les gens, à se faire dépouiller par ces personnes de son habit de lumière. Il est habitué mais il continuera à parcourir le monde et il va recommencer, encore et encore.

C’est un Magicien…


Jack Rackham.


PS : Depuis longtemps, Roger le Magicien a oublié Zoë la cuisinière. On dit qu’elle a tout laissé tomber. Un homme lui avait brisé le cœur, et prit tout l’argent qu’elle avait gagné. Un homme de son pays, un pirate…^^
  (Photo : Guy Verhofstadt )

Version 1 du Magicien :  Cliquer ici

mercredi 25 mars 2020

La Femme entre les Pages



Son menton est décidé, ses yeux courent sous ses paupières, son corps frémit sans le vouloir, et le livre posé-là raconte son histoire et la berce d’une aventure qu’elle-même n’aurait jamais imaginé.

Tout avait commencé par un début de fin du monde, un grand chambardement qui avait bouleversé la vie des gens et leurs habitudes. Un confinement inattendu, et elle était là coincée dans une grande maison avec un jardin immense, si grand qu’elle n’avait même pas songé à arracher quelques mauvaises herbes qui dépassaient. Son ami Magicien lui avait simplement demandé d’attendre son retour, frigo plein et courses faites pour un régiment. Une pile de livres aussi, rien que des romans d’amour.

Et un petit mot aussi : Pour le reste et en cas d’urgence, appeler Fernand au…

Daniela se mit à dévorer les romans et se plongea hors du temps dans l’ivresse de passions amoureuses savamment racontées. Fermant les yeux, elle sentait des mains la frôler, entendant des mots doux et d’autres plus interdits, ceux qu’elle préférait en fait car l’eau tiède ce n’était pas pour elle…

Elle aimait l’évocation des baisers fougueux, des langues sauvages et expertes, des croupes saisies à pleines mains, des pénétrations multiples et autres us de notaire. Sa peau était tendue et sensible, frissonnant de tous les désirs et une fois la dernière page du dernier livre finie, elle fut comme une femme délaissée à la soif inassouvie. Elle essaya par suggestion de prolonger encore les tréfonds de son imagination mais décidément, elle n’était pas écrivain…

Peut-être que ce Fernand lui amènerait d’autres livres ?

Un peu plus tard, on sonna à la porte. Le soleil rasait encore l’horizon et Daniela mit sa main contre son front pour éviter l’éblouissement de mille étoiles.

-Je suis Fernand, Madame. Et voici les livres…

« Madame ! » Elle secoua la tête en souriant, elle qui n’avait pas trente ans !

Elle le prit par le bras en l’invitant à rentrer, posa les romans sur la table et se dirigea vers le canapé Louis XV. Plus moelleux que d’autres pour certaines occasions.

Croisant bien les jambes sous l’œil du beau Fernand, histoire de lui montrer sa jeunesse encore vivante, elle lui demanda :

Vous faites le jardinier à l’occasion ? On aurait besoin de vous par ici, certaines plantes doivent être taillées et le gazon arrosé…


Jack Rackham


PS : Fernand et Daniela vécurent une belle histoire d’amour on ne dit pas s’ils eurent beaucoup d’enfants mais ils essayèrent, en tous cas !
(Photo: Adam Levine)




vendredi 13 mars 2020

L'Affaire du Coronavirus



Nous avions, avec Bosco et quelques hommes, décidé ce jour-là de faire un tour vers cette Île secrète aux allures de paradis, pour s’y dégourdir les jambes et le reste. Bien nous pris car bientôt le ciel allait s’obscurcir au dessus de nos tricornes et sans le savoir, nous allions devenir les sauveurs du monde…

Nous avions pris, comme de fraîche habitude, le chemin de traverse sous la montagne avant d’arriver vers le Poseidon pour partir en promenade. Un ciel noir d’Apocalypse nappait déjà l’horizon sans qu’on s’en soucie plus que ça car l’important était déjà entre nos paluches : Trois tonneaux de rhum remplis jusqu’à plus-soif pour honorer quelques soirées de parties de cartes « garnies », c'est-à-dire accompagnées de donzelles consentantes venues tout droit du village d’à-côté. Mandelieu-La Napoule, un joli nom prémonitoire de bien des spécialités de la Côte d’Azur.

Nous avions mis un certain temps à traverser ces traboules niçoises, en forme de passage secret rappelant celui d’un héros masqué dont j’avais oublié le nom. Quelques éclairs retentirent même, que nous attendîmes un moment avant de ressortir à l’air libre. Le ciel avait du évacuer par ses orages ses mauvaises pensées car le temps avait retrouvé son bleu ciel. Pourtant, devant le ponton de la goélette traînaient des hommes en souffrance, cherchant leur respiration et crachant du sang. Nous réalisâmes alors que le rhum, les cartes et les filles, ce serait pour une autre fois, en rebroussant chemin et trouvant un peu partout des hommes et femmes atteints par une drôle de maladie respiratoire…

Ne sachant que faire sur le moment, Mildred alla prévenir les demoiselles de La Napoule du changement d’endroit pour la soirée. Mais que ne fut pas notre déception quand on les vit arriver, crachotantes et haletantes, atteintes elles aussi de la terrible maladie. Quelques damoiseaux les accompagnaient aussi, ce qui fendit le cœur de Bosco, les attrapant dans ses gros bras et disant :

- Mais on va pas vous laisser tomber vous non plus, nous on est des vrais pirates : Tartes aux fraises pour tout le monde ! Brandissant le plus gringalet comme un étendard…

Ce fut une belle soirée de communion, d’amour et de rhum qui fit trembler les murs et il y eut des tartes aux fraises et d’autres spécialités pour tout le monde. Au petit matin, on eut l’impression que le mal avait disparu, gars et filles étaient pimpants comme à leur jour de naissance…

Le bruit couru vite sur cette guérison subite et on se passa le mot. Le mal avait envahi beaucoup de territoires de la région et contaminé beaucoup de personnes, surtout celles qui n’avaient pas été protégées de ces orages diurnes.

Bosco et les autres comprirent vite qu’ils pouvaient tirer avantage de ce pouvoir viril inattendu, même s’ils firent don  de litres de leur semence dont on pu faire un antidote. Et même, ils prirent à volonté la route d’autres contrées lointaines pour sauver nombre de personnes atteintes de ce mal presque incurable…

Même si le bougre recommandait toujours d’inoculer lui-même le « vaccin » :

«…Surtout devant le mari, c’est encore meilleur ! »

Sacré Bosco !

Jack le pirate

PS : De mon côté, je m’occupais de mes amies Maia et Orfénique mais ça c’est une autre histoire…^^


Photo du bas : Rocco Siffredi et Amira Casar ( Anatomie de l'enfer/ C. Breillat)