lundi 30 août 2010

I Scream

Je criais intérieurement à la vision de l’horreur que me reflétait ce miroir. Pourtant les bougies donnaient comme un air de fête à l’endroit et je mordis mes vieilles lèvres pour ne pas chantonner « Brasil » comme je le faisais souvent en cas de coup dur. J’enfonçais bien ma capuche sur ma tête, refermant ma tunique comme en hiver en m’agrippant à moi-même comme si mes bras en faisaient le tour, puis je sortais dans la rue tête baissée, ne pensant qu’à une seule chose : Rejoindre ma goélette et trouver un moyen de récupérer ma peau de pirate…

Je me cachais derrière un madrier moisi du ponton où je pouvais apercevoir ce qui se passait sur le pont du Poséidon. L’homme était là, grattant ma barbe, et contant fleurette à Tim qui semblait ne se rendre compte de rien. En un quart de tour, j’établissais visuellement un parcours pour récupérer mon portable entre les cordes.

Ce fut chose facile de me retrouver à tapoter sur mon clavier et je sautais allègrement sur le hamac spatio-temporel qui me sauverait momentanément de ma disgrâce et mon déshonneur. Je me retrouvais projeté illico au XXème siècle, en plein tournage d’une série d’horreur à succès…

«  Hey Skeet ! Déjà fini le maquillage ? C’est à toi…Scène 4, séquence 12. On t'attend sur le plateau… » 
Ca devait s’adresser à moi et je compris mon rôle en deux temps, trois mouvements : Courir avec un grand couteau vers des jeunes gens apeurés, en gardant ma soutane mais en me couvrant le visage d’un masque au faciès horrible, ce qui me permettait de garder mon incognito !

Je vis sur le dos d’une chaise, le nom d’une belle actrice dont je tombais tout de suite amoureux : Courteney. Son sourire suave me conquit tout de suite et ses yeux semblèrent décapsuler les miens comme du Coca-cola ! Je devais lui plaire aussi car elle s’approcha de moi et glissa sa main entre les pans de mon habit. Elle fit mine d’apprécier et je réagissais avec étonnement de ma vigueur ancestrale… « Rejoins-moi dans ma loge tout à l’heure, je m’occuperais de toi, grand fou ! »

Ce Skeet avait l’air d’avoir déjà fait tout le boulot d’approche et je comptais bien finir le travail. Je me souciais peu de mon corps décharné, j’avais l’impression d’avoir un canon entre les jambes et c’était bien le principal ! 

Je cherchais la loge de la demoiselle quand je me cognais à un homme sympathique et sans âge, bavard impénitent qui s’accrocha à moi comme une ancre à une île :

-         -  Je m’appelle Roberto et je vous trouve très sympathique, me dit-il.
-         - Moi de même, répondis-je surpris. Mon aspect sombre et mon visage horrible ne vous effrayent pas ? Vous êtes très flatteur vous savez…
-          - Pas du tout ! A vrai dire, j’ai une femme très jalouse et j’aurais besoin de mettre les voiles dans une autre vie. J’ai trouvé l’amour de ma vie et je dois filer illico…Je suis magicien vous savez et…

D’un tour de quelques doigts virevoltants, il me fixe et je me sens partir dans le néant. Tout disparait autour de moi. Je me dis que tout est un rêve et je me souviens de mon bateau et mes pirates, de Bosco, de Tim, de mes mouettes et mes moussaillonnes…

J’ouvre un œil et je crois être dans une prison. C’est peut-être du Cinéma, je vais me renseigner car je vois deux autres types, jouant aux cartes à côté. Je leur demande leurs noms :

-  Moi c’est Jack. Dit le premier.
- Et moi Zack…dit l’autre.

J’ai l’impression de devenir fou…Je connais bien un film de Jim Jarmusch qui s’appelle « Down by Law » et je suis perdu dedans ! Je m’appelle Jack Rackham…

…and i scream !

( A suivre )

Scream ou Frissons! au Québec est un film d'horreur réalisé par Wes Craven en 1996 sur un scénario de Kevin Williamson. Neve Campbell : Sidney, David Arquette : Dewey, Courteney Cox: Gale, Skeet Ulrich : Billy Loomis, Rose McGowan : Tatum, Matthew Lillard : Stuart,…et Drew Barrymore ! Après plusieurs meurtres horribles, un groupe de jeunes gens se réunit accompagné d'un policier et d'une journaliste de presse à scandale pour découvrir qui est à l'origine de tous ces meurtres.

Down by Law (Sous le Coup de la Loi) est un film américain en noir et blanc réalisé par Jim Jarmusch, sorti en 1986. Avec  John Lurie : Jack, Tom Waits : Zack, Roberto Benigni : Roberto, Nicoletta Braschi : Nicoletta. « Réunis dans une cellule de prison par « erreur », trois « innocents » se rencontrent sans avoir rien en commun. Ils se voient forcés de se supporter surtout quand vient la possibilité d'une évasion. Alors, des liens plus forts vont se souder. Mais la folie guette les évadés…» ( Wikipédia )

vendredi 27 août 2010

La Porte des Secrets


Je n’aperçus pas tout de suite l’idéogramme sur lequel je venais de marcher. Mes yeux étaient fixés sur les bougies et les miroirs disposés tout autour, et quelque chose d’étrange se dégageait de cette pièce secrète…

Au hasard d’un ponton, j’avais rencontré un homme à la tenue sombre et à la cagoule profonde. Ignorant les traits de son visage, une voix lugubre m’expliqua sa requête et c’est sans réfléchir que je me mis en quête de trousseaux de clefs, pouvant ouvrir une serrure de porte. J’empruntais à Bosco quelques spécimens pouvant servir puis je rejoignais mon homme à l’adresse qu’il m’avait indiqué.

Je descendais une vieille ruelle en contrebas du village puis j’arrivais devant une vieille porte rouillée au loquet délabré. Je toussais mollement par politesse et je vis l’entrée s’ouvrir doucement, découvrant mon bonhomme noir dont j’apercevais les mains centenaires. Sa voix rauque m’invita à passer devant, et bientôt il me présenta cette porte rebelle, qu’il fallait ouvrir.

J’essayais quelques clefs types à ma disposition, et dès la cinquième, entendit par bonheur un cliquetis vainqueur. Sentant derrière moi le souffle de mon inconnu, je poussais la porte défendue. Le noir me fit hésiter mais bientôt s’allumèrent quelques bougies et je vis ces miroirs contre les murs reflétant à leurs tours ces lumières à l’infini.

Je vis un livre par terre que je ramassais et l’homme m’invita à en lire le titre, ses yeux ne lui permettant plus de décrypter des lettres, trop petites. J’étais content de ma trouvaille et fièrement, j’épelais ces mots en vieux latin, regardant mon ami dont j’apercevais les vieilles dents, esquissant un sourire…

Quelque chose me fit tourner la tête et je crus m’évanouir, tombant sur le sol lourdement. Les traits de craies à même le nez m’apparurent comme des dessins incompréhensibles et j’essayais de me relever, apercevant  dans les miroirs cet homme à la cagoule.

Justement, je touchais mon habit quand je reconnus ce tissu épais et sombre. Incrédule, j’entendis un rire familier et je fus étonné de voir un homme portant tricorne et à la barbe rousse s’enfuir par la porte. Une horreur me prit et je m’approchais  de plus près d’un miroir, juste pour en avoir le cœur net…

Ma cagoule gênant ma vision, je la remontais de ma main décharnée et aucun son ne sortit de ma gorge quand j’aperçus le reflet de ce qui était à présent mon visage…


Jack Rackham.


 Regardez « La Porte des secrets » ou La Clé des secrets au Québec (The Skeleton Key) , film américain réalisé par Iain Softley, sorti en 2005. Avec Kate Hudson, Gena Rowlands, John Hurt, Peter Sarsgaard.

« En fouinant dans un grenier, Caroline découvre un lieu secret ayant servi pour des séances de sorcellerie hoodoo (et non voodoo), occupé autrefois par un couple d'esclaves : le prédicateur Papa Justify et sa femme Mama Cecile... »

dimanche 22 août 2010

Rhum and Coca-cola

Quelques souvenirs de mes jeunes années de piraterie me reviennent. J’étais encore à Trinidad…

Les samedis soirs du mois d’août étaient réservés à de longues parties de cartes, couplées de sacrées beuveries. Le Bourbon ou la bière coulaient à flot selon les goûts, et je soupçonnais que c’était l’ivrognerie ambiante qui prévalait, car je n’ai jamais vu de longues discussions entre les joueurs pour telle ou telle partie ou enchère. Ou alors, l’occasion aurait été trop belle pour une belle bagarre, mais la lassitude des abordages et guerres incessantes durant nos voyages nous enlevait de l’esprit tout effort supplémentaire rentrés dans nos pénates…

Il y avait aussi d’autres intérêts à nos réunions ludiques. Pour pimenter nos parties de poker et les rendre moins interminables ou à but uniquement pécunier, nous avions décidé d’intéresser nos femmes à nos parties. C’est ainsi que je connus Arielle, une belle chanteuse de cabaret, qui était la compagne d’un pirate à la jambe de bois pas très connu : Bernardo Levistros.

Les soirées s’ouvraient d’un tour de chant de notre amie, et nous avions ainsi tout loisir de l’observer de la tête aux pieds, imaginant des gages futurs dus par son malheureux ami. Il était d’ailleurs un piètre joueur et sa femme eut bientôt une belle réputation dans toute la région. Tim que je venais de rencontrer, en était d’ailleurs jalouse, même si je lui rappelais que notre équipage de 40 hommes dont elle assurait primes et suppléments, était déjà un sacré trophée dont elle pouvait s’enorgueillir. «  C’est vrai, disait-elle, penaude. J’avais oublié… »

Nous avions l’habitude ensuite d’offrir une première tournée de ces fameux Rhum-Coca, le soda s’alliant bien à cet alcool plus fort et tenace. Grattant ma barbe déjà naissante, je contemplais  Arielle et ses jambes interminables, juchée sur un tabouret et qui d’un jeu de cuisses subtil et élégant, nous laissait entrevoir un avant-goût des parties perdues de Bernardo. Un petit sourire éclairait sa chevelure blonde et je la soupçonnais d’aimer les défaites de son compagnon. Sa bouche pulpeuse plongeait parfois dans le verre du Rhum-coca, cherchant de sa langue fine une cerise imaginaire…

Tim grommelait parfois, alors j’improvisais une martingale hasardeuse qui la laissait en pâture à Bernardo. Partant dans un salon discret avec sa jambe de bois, je la laissais à ses fantasmes même si c’était  de la fille dont elle avait envie…

Je gagnais souvent contre mon unijambiste et je me souviens de chacun des moments que la belle m’accorda. Immuable, elle avait un rituel où elle débouclait mon ceinturon à mes pieds, et c’est en un instant que je me transformais en cerise.  Sa bouche devenait le palais des mille et uns plaisirs, jusqu’au moment où se dévêtant  à son tour, je pouvais assouvir tous mes fantasmes et me gainer d’elle jusqu’au petit matin...

Pour se venger de mes émois avec cette fille, Tim me joua un jour avec Bernardo. Une quinte floche eut raison de son brelan et je dus me résoudre à régler la dette de mon amie. Un petit sourire me fend encore la barbe du souvenir que j’ai de cette nuit là, car j’ai compris à ce moment pourquoi cet homme perdait autant...

On n’est pas toujours attiré vers les choses qu’on croit et quelquefois, plus que l’amour c’est souvent des promesses qui lient les personnes, des habitudes, des apparences…

Je n’ai pas revu Arielle depuis ces années-là. Je pense à elle comme figée dans le temps, avec ses cheveux blonds ondulés et ses lèvres rouges qui font la moue.

Mon hamac s’arrête de faire « Croui croui… » brusquement. Je saute sur le pont et m’approche du bastingage. Je penche la tête et voit cette femme sur le ponton, s’apprêtant à grimper sur la passerelle oubliée…Je reconnais cette silhouette, ces cheveux, cette bouche souriante qui entonne :

« If you ever go down Trinidad
They make you feel so very glad
Calypso sing and make up rhyme
Guarantee you one real good fine time

Drinkin' rhum and Coca-Cola
Go down Point Koomahnah
Both mother and daughter
Workin' for the Yankee dollar…” ♫♪♪

vendredi 20 août 2010

J'suis Snob

Je joue un peu de clarinette. Pas très courant chez les capitaines…Pas grand-chose à faire en ce mois d’août. Sur mon pont du Net, la plupart des blogs sont en sommeil ou se liquéfient en articles consensuels, didactiques ou sont au creux de la vague. Certains n’ont jamais dépassé le seuil des «  On vit dans un monde de pourris, sauf toi qui me lit. Vous n’êtes pas d’accord ? » Ou des faux enseignants en littérature en mal d’écrire ou d’idées, alors que c’est justement ce qui fait la différence entre les faux et les vrais écrivains : Les idées.

Je préfère d’ailleurs les blogs de ceux qui racontent leur vraie vie, ou la laisse transparaitre. C’est plus respectable et légitime.

Depuis ce matin, me trotte dans la tête cette chanson de Boris Vian, universelle et intemporelle, celle qui  critique les malfaisants de la vie, les malhonnêtes de la pensée, les trous du cul de l’art, ceux qui surfent entre le bon goût des autres et l’élite du quand-dira-t-on : Les snobs.

Ils ont depuis longtemps perdu leur libre-arbitre et quand on échange avec eux, ce doit être une bataille de « Tu sais bien » à « On est pareil », jeux de connivences entendues et lieux communs de gare. Le snob porte les idées présumées des autres au lieu de développer les siennes, son cerveau s’est arrêté de penser et  le sac en bandoulière, il fait le plein au fur et à mesure des choses « belles » dont il énumère les qualités, et dont il est le seul ou presque à déchiffrer le sens. Le jugement juste est son apanage et il est prêt à rebondir de tous ses compromis pour rentrer dans le cadre de son bon goût ou de ses règles. Son sens artistique n’aime que le triste, l’humour est comme une tare de son esprit sauf s’il s’agit de se moquer d’un pas comme lui. Alors là, il se défoule, et dans la hauteur de son action punitive, il peut se montrer tel qu’il est. En cas de doute, il se retourne vers l’un des siens pour s’assurer que l’autre l’a bien mérité, il n’avait qu’à être comme eux…

Le snob est sans vergogne. Si sa vie ne peut s’inscrire dans la lignée noble de son esprit, il édulcore, il enrobe, il escamote. Point de diarrhée, de salive, de sueur, il vit dans un monde sans odeurs nauséabondes, ni expulsions intimes. Il fait ses enfants sans bruit et quand le sexe a une place à part dans sa vie, il est échangiste ou mélangiste, voilà tout. 

Son arme secrète, c’est qu’il prétend avoir été snob un jour et que c’est fini à présent. Et les prénoms de ses enfants François-Xavier et Eléonore-Elizabeth résonnent encore comme des mensonges. Car tout est anticipé, rien ne lui échappe ou alors volontairement, bien sûr.

Il est le roi du monde, et il ne connait que les films d’art et d’essais, les maladies incurables, les voisins acteurs de cinéma et les amis ministres. Il fait son jogging avec un médaillé olympique et sa rencontre avec  Jack Sparrow fait encore les choux gras des bonnes soirées. Il n’a pas la télévision mais on se demande comment il connait par cœur tous les feuilletons et shows de téléréalité ?

Il écrit depuis peu mais il vient d’ouvrir un blog. Son orthographe surtout est impeccable mais il  a un logiciel pour tout au cas où.  Même pour trouver les idées, car il perd beaucoup de temps le nez en l’air à réfléchir mais il ne veut pas devenir écrivain, en toute modestie. Ce qui ne l’empêche pas de donner des cours d’écriture à toute la région, faut bien gagner sa vie et vulgariser ce qu’on aime !

Il a déjà prévu sa mort, il veut être incinéré. Il croit en dieu évidemment mais l’idée des vers de terre grouillants le….Brrr !!

Je me balance dans mon hamac et je regarde les mouettes voler au dessus de ma tête. Le Poséidon est calme en ce mois d’août même si de temps en temps l’une d’entre elles se prend un mat et s’écroule sur le pont. Un petit peu de raillerie ne fait pas de mal en ces temps consensuels. Sans doute la faim de lire des choses sincères ou simplement des histoires…

J’en ai d’autres en réserve que je publierais bientôt, et ça c’est pas du pipeau ^ ! ^ 

Besos,
Jack Rackham.

lundi 16 août 2010

L'île du Temps Perdu

16 août. On a beau être pirate, on n’a pas toujours une boussole dans la tête. Avais-je raté un alizé ou un vent m’avait-il lâché subitement entre deux îles des mers du sud, j’étais bel et bien perdu…

Nous avions improvisé une réunion au sommet avec Tim et Bosco, dans la cale car nous ne voulions pas affoler les hommes par nos conversations. Un peu de panique nous avait pris l’un et l’autre, et on avait beau chercher, nulle trace de nos courants et de l’île du Crâne…Pourtant, nous avions seulement fait un petit tour des environs, pour ne pas perdre la main, ou plutôt le pied marin. Les hommes ont besoin de temps en temps de faire leur métier, comme un oiseau a besoin de voler et un charretier de jurer.

J’avais bien aperçu une sorte d’éclair, sans doute un orage qui avait  éclaté pas loin et m’avait ébloui quelques instants, et je n’avais plus retrouvé ensuite le cap de ma route. Je tournais la carte dans tous les sens et je voyais bien Tim qui s’affolait, même si les femmes n’ont jamais su lire une carte des routes et les siècles à venir n’allaient pas arranger ce petit défaut d’orientation féminine.   

«  On ne va pas rester là, à attendre un messie ou un radeau-pilote ? » criait-elle. J’en étais médusé…

Je décidais de partir à l’aventure, vers la première île venue, pour poser campement et dégourdir l’équipage. Et nous trouvâmes rapidement ce petit havre de paix, baptisé sur le champ « Robinson », une idée comme ça.
« Capitaine, je ne veux pas avoir mauvais esprit, mais en prenant au sextant latitude et longitude et en positionnant l’emplacement sur la carte, nous sommes exactement…en Californie, dans le bureau du gouverneur de Los Angeles ! » Affirma Bosco, avec sa décontraction habituelle mais une pointe d’ironie.  Je décrétais l’installation immédiate d’un campement, à proximité de la plage et à l’orée d’un sous-bois de palmiers et fougères.

Hormis les ronflements de Bosco et quelques hommes qui permirent de maintenir à distance bêtes fauves et insectes venimeux, la nuit se passa très bien et j’autorisais même Mildred à se joindre à nous, Tim étant un peu chafouine.

17 août. Le lendemain matin, je me levais le premier, normal en tant que Capitaine. Les voiles étaient hautes et le plancher craquait quand même sous mes pieds méticuleux. Je me frottais les yeux et me frappais le front, ne comprenant plus rien. Je n’apercevais au loin nulle île, ni campement et baillant à s’en décrocher la mâchoire, bosco me dit : « Alors Capitaine, on rentre à la maison ? Le petit tour était sympa mais j’ai une partie de cartes ce soir au bistrot du village… »

J’allais dans ma cabine et j’ouvrais mon livre de bord. Je me frottais le menton et pris ma plume. En tirant la langue, j’écrivais méticuleusement :
« 16 août. Ballade en mer avec l’équipage...Petit tour des environs…»

A bientôt. Peut-être.

Jack.

PS :  Vivre une journée encore et encore, ça me rappelle un film de Harold Ramis «  Un Jour sans fin » ou Le Jour de la Marmotte (Groundhog Day ). Notre envoyée spéciale de l’île du Crâne Laurence Peloille nous fait dessus un petit topo :

« Un jour sans fin »

Une comédie américaine d’Harold Ramis datant de 1992.

Ce film met en scène un présentateur météo, Phil Connors, sur une chaîne de télévision régionale de Pittsburgh, prétentieux, aigri et imbu de lui-même. Le 2 février, il part en reportage à l'occasion du jour de la Marmotte, « GROUNDHOG Day », festivité traditionnelle célébrée en Amérique du Nord le jour de la Chandeleur. Lassé de ce devoir annuel et de la bourgade, Phil enregistre à contrecœur son reportage sur le festival et tente de revenir à Pittsburgh quand une tempête de neige, que ses prévisions avaient localisée dans une autre région, bloque les routes principales. Ce blizzard le force à passer la nuit sur place. A chaque fois que son réveil sonne, victime d’un sortilège, il se voit condamner à revivre sans cesse la même journée. Phil semble bloqué dans le temps jusqu'à ce que de jour en jour des épreuves répétitives l’améliorent et enfin lui donnent un sens à sa vie. Le sortilège prend fin et on découvre un nouveau Phil Connors.

Le jour de la marmotte (Groundhog Day en anglais) est un événement célébré en Amérique du Nord le jour de la Chandeleur, soit le 2 février. Selon la tradition, ce jour-là, on doit observer l'entrée du terrier d'une marmotte. Si elle émerge et ne voit pas son ombre parce que le temps est nuageux, l'hiver finira bientôt. Par contre, si elle voit son ombre parce que le temps est lumineux et clair, elle sera effrayée et se réfugiera de nouveau dans son trou, et l'hiver continuera pendant six semaines supplémentaires.

Ce film a connu un succès relatif lors de sa sortie aux États-Unis, avant de lentement s'imposer comme référence culturelle. En 2000, l'American Film Institute a classé Groundhog Day comme 34e meilleure comédie du XXe siècle, et comme 8e film fantastique.
Le film a été inscrit au National Film Registry en 2006.

Ce film, basé sur un postulat simple, ouvre la réflexion à plusieurs niveaux.
Tout d'abord l'épanouissement personnel, montrant qu'un homme cynique et imbu de sa personne peut devenir un héros local si les circonstances le lui permettent. Ensuite une réflexion philosophique sur le quotidien, car la routine et la répétitivité sont à plusieurs reprises suggérés dans le film. Enfin, le héros est amené à progresser humainement tout au long du film en découvrant que chaque personne, même la plus anonyme, a son identité, son histoire et sa raison d'être, ce qui l'amène à considérer l'autre, et à l'apprécier pour ce qu'il est, différemment de son premier regard. Le film ouvre ainsi une réflexion profonde sur la considération des « autres », la tolérance, l'égoïsme et les préjugés. Le tout situé dans un contexte irréel truffé de drôleries et d'allusions. C'est un film à considérer au second degré si l'on souhaite en percevoir la pleine portée.


En tant que tel, le film est devenu un favori des bouddhistes, parce qu'ils voient ces thèmes d'altruisme et de renaissance comme un reflet de leurs propres messages spirituels.
Aux États-Unis et, dans une moindre mesure, dans d'autres pays anglophones, l'expression "Groundhog Day" est entrée dans l'usage commun comme une référence à une situation désagréable qui se répète sans cesse.

Phils Connors est interprété par Bill Murray. Acteur, auteur, comédien et producteur américain, il est notamment connu pour son interprétation dans 'SOS Fantômes' qui le consacre star de l'année. Puis c'est le redouté passage à vide. Autant sa générosité, son talent d'improvisateur et son imagination sont appréciés, autant ses excès de colère et son perfectionnisme tatillon ne sont que trop connus.
Bill Murray reprend de l'ampleur lorsqu’ il signe de très belles performances dans 'Mad Dog and Glory' et 'Un jour sans fin' d'Harold Ramis.
En 2003, il s'illustre à merveille dans 'Lost in Translation', une comédie douce-amère signée Sofia Coppola et revient sur le devant de la scène. Courtisé par le cinéma indépendant américain, il campe le premier rôle du film de Jim Jarmusch 'Broken Flowers' - présenté à Cannes en 2005 - et le décapant commandant Zissou dans 'Une vie aquatique' de Wes Anderson. Malgré une carrière en dents de scie, Bill Murray reste une figure incontournable de la comédie américaine, autant que d'un cinéma exigeant.
L’une de ces citations favorites est : « «Si Dieu avait voulu qu’on soit courageux, pourquoi nous a-t-il donné des jambes ?»

Laurence Peloille.

JR : Sans oublier la sublime Andie Mac Dowell, bien sûr...^^ 

jeudi 12 août 2010

Un air de Cyrano

Quelquefois las de mes littératures grivoises, je referme mon portable entre mes cordes et je prends la peau d’un autre pour respirer quelques embruns dans un port imaginaire. Je regarde alors vers un nouveau destin dont je me régale déjà et  je fais claquer le bois sous mes bottes vers cette aventure, ce jour-là dans le corps d’un sire au panache certain...

« Mon couvre-chef plumoyant toise les alentours et je ne reconnais point tavernes et péquins. Habité par mon nouvel esprit, je réalise le moment tragique de mon intrusion. L’homme est aux derniers instants de sa vie et attend le tocsin…

 Au crépuscule du temps qui m’est imparti, Je titube de mon grand âge. Mon cœur tressaille au moindre bruit mais je peux goûter encore aux souvenirs de mes amours perdues. La main sur le poitrail, je ressens la douleur d’une dernière estafilade attrapée dans un duel, mais j’effleure surtout toutes ces cicatrices de mes amours inachevées, fugitives ou intenses, consommées ou imaginées…

Mon œil se perd dans les feuilles des arbres, et je me souviens…Les émois les plus fous qui m’animèrent jadis se retrouvent en mon vieux cœur qui reprend une vigueur soudaine. De mon premier amour aux seins de Blanche-Neige, celle qui m’a dit je t’aime la première, qui a nourrit mon amour propre et le sien, je vois encore son visage d’ange...Et nombre d’années après au détour de retrouvailles, ressentir que rien n’avait altéré nos épousailles n’a fait que rassurer mon bon goût et ma chance !

Et je vois défiler mon amour de toujours, ses cheveux longs et bruns m’entourant de désir pour mieux saisir sa croupe ! Les relents de ses parfums embaument toujours mon cœur…Je vois passer  en enfilade les blondeurs et les âmes qui me brisèrent en mille mascarades. Le goût de leurs attentes, les mots doux, les partages n’ont jamais quitté ma bouche et il suffirait d’un signe pour retrouver l’ivresse de l’osmose, de la passion, de cœurs en âme sœur…

Ma vue se voile, et j’aperçois au loin une goélette…Point de cousine immaculée d’amant aux mots hirsutes, mes comédies sont celles de la vie et ma poésie faites de tonneaux de rhum, de batailles et de filles troussées sur tous les ponts du monde ! Pas de libre-penseur mais une liberté de penser, et de noms imaginaires, je n’ai que le mien pour illustrer ces contes…Je vois la mort qui rôde autour de mon panache et je file par le toit du ciel où se meurt un Bergerac.

Je rejoins mes mouettes, mes matelots, mes filles, mon île et ma vie de pirate, ne laissant derrière moi, par mégarde que mon tricorne… »


Jack Rackham

PS : Je n’ai pas en moi, la mélancolie nécessaire pour laisser couler ma nostalgie, tel Cyrano.  Peut-être un jour, même si mes amours perdues ou rêvées ne m’ont pas enlevé toutes illusions sur mon bonheur, bien au contraire…^^
Lisez donc «  Cyrano de Bergerac » d’Edmond Rostand ou regardez le film du même nom de Rappeneau.

vendredi 6 août 2010

L'Imprésario

La chanteuse attend son tour. Le rideau rouge la préserve encore un peu du regard du public qu’elle devine. Elle regarde ses pieds comme pour mieux s’appliquer et les bras derrière le dos, elle racle le fond de sa gorge pour se donner contenance. Son œil est figé vers ses souvenirs. Le chemin a été si long à parcourir, elle se souvient…

Sa robe blanche est immaculée de ses dix ans et debout sur la table de la cuisine, elle lance les premières notes de sa chanson. Les visages sont attentifs et ceux des femmes la sanctifient d’une aura particulière, comme si elle portait tous leurs espoirs, ceux qu’elles n’ont jamais osé réaliser car elles manquaient de courage. Les dernières syllabes arrivent déjà réveillant l’assistance qui prépare les premiers applaudissements. Le père la porte au dessus de sa tête en lançant un « c’est ma fille » pendant que le reste de la famille semble figé dans des sourires éternels.

Il est là qui se tient là, caché derrière un rideau.  Son habit de maître d’hôtel est plus de convenance mais il aime régler tous les détails et que tout soit parfait. Il regarde sa chanteuse, elle est prête, elle est parfaite…
Le rideau s’ouvre devant Nouha. Elle s’avance de quelques pas, comme pour aller au devant de son triomphe. Elle est aveuglée par les lumières blanches et le pied du micro l’empêche de tomber.  Le piano fait la note et c’est parti. 1, 2, 3…

Elle est comme dans un rêve, elle ne voit rien de l’autre côté des lampes et elle s’entend chanter comme si elle assistait à son propre récital. Le travail, le travail…Elle sait qu’il ne peut rien lui arriver. Elle a tant répété cette chanson que son corps la transpire, que sa bouche en est pleine, que ce concours est pour elle. C’est son heure, c’est son destin.

Sa famille est là qui assiste à son spectacle, tout le monde est là, les présents, les absents…

L’homme fixe Nouha. Elle vient de commencer, elle est comme illuminée de l’intérieur et envoie à chacun sa lumière comme un phare de bonheur…Sa bouche redit les mots que chante sa chanteuse, comme pour l’aider, comme s’il était à sa place. Tout remonte, la rencontre, les répétitions, les disputes, les réconciliations. Les années de galère, ce long travail vers l’élaboration d’un répertoire…

Ce soir, elle est là sur scène, et ils vont voir ce qu’ils vont voir.

Les premiers couplets de « Et je danse » les a conquis, les suivants vont les emporter. Une rumeur enveloppe déjà le théâtre d’une frénésie, des applaudissements intempestifs volent  les dernières notes. Nouha explose dans un final grandiose. Sa tête se courbe pour accepter l’ovation. On scande son nom, elle est heureuse…

Sa tête se tourne machinalement pour regarder vers l’ombre d’un rideau. Elle y voit comme un sourire complice. Sa vie a changé depuis qu’elle l’a rencontré. Mieux qu’un mari, un amant, un ami, un compositeur, un agent, un chauffeur, et même un garde du corps…

…son imprésario !


Jack Rackham.

Besos à Nouha Matlouti et bonne chance pour tout !

mardi 3 août 2010

La Belle Dame

Décidément, les visites allaient bon train en cet été. J’aurais dit que le Poséïdon  ressemblait à un hall de gare si elles avaient existé à cette époque. Mais le temps des pirates n’avaient pas encore la chance de ces arrivées et adieux ferroviaires, engendrant les plus grandes joies comme les chagrins les plus fous…

«  J’peux visiter ? » Entendis-je de mon hamac balançant. Je me levais presto pour apercevoir sur le ponton une belle dame avec un grand chapeau. Je l’invitais à prendre la passerelle qu’elle grimpa goulument quatre à quatre. Je l’accueillais d’une poignée de main qui illumina nos regards qui ne se lâchaient plus. Elle avait de belles dents blanches dans une bouche ressemblant à un palais de plaisirs que j’imaginais. Elle remarqua mon sourire et me le renvoya, comme des amis de connivences préparant quelques bons ou mauvais coups…

Le tricorne émoustillé, je l’invitais à passer devant moi pour une petite visite. Le geste était prémonitoire et sa croupe ondulait sous sa robe comme le menu d’un festin. J’avais envie de goûter à tous les plats et au détour d’un couloir ou d’une coursive, je prenais sa taille en propriétaire d’un terrain de jeu connu. Elle se tournait vers moi de temps, me souriant en invitation d’autres gestes plus intimes et en arrivant devant la porte de ma cabine, elle enleva son chapeau comme l’aveu d’une arrivée à destination et d’une offrande consentie.

La porte s’ouvrit sur le terrain de nos plaisirs et nos vices, et nos vêtements s’envolèrent comme des feuilles mortes. Son sourire laissa place à une langue inquisitrice qui s’engouffra dans ma bouche assoiffée de son désir. Ses mains visitaient mon corps et prenaient possession des outils de mes batailles, mon sabre aiguisé la toisant sous sa caresse et l’invitant à une génuflexion dégustatrice.

Sa bouche me parut plus grande encore et cela m’émoustillait encore plus. Elle fut si récompensée de son effet qu’elle ne sut où tout engouffrer dans son palais de gourmandises. Elle consentit à se régaler en plusieurs fois, léchant et titillant, mangeant par lampées goulues ces terrains veineux et poilus comme un met royal préparé par le plus grand cuisinier…

Pendant que ma belle dame dégustait son repas de plaisir, mes doigts s’affairaient vers ses jardins feuillus, cherchant l’entrée de son trésor secret. Je trouvais mon bonheur vers le chemin de son cœur, rose et tendre, d’où émanait un parfum de délices que je reconnaissais de mes voyages marins, goûteux et salins…

Mon sabre continuait d’intéresser la belle qui lui susurrait son entrain, gobant tour à tour mes baldaquins et remontant tel un écureuil vers un gland sur l’autel d’un Dieu. Ses joues gonflées laissaient deviner l’objet de sa concupiscence et regardant le tableau, je partageais sa joie épanouie.

Elle releva sa tête, une dernière fois, avant de replonger vers sa proie. Ses yeux brillaient en diamants taillés qui bleuissaient mon visage, et sa bouche montrait encore des traces de ses festins.
Et en un élan symbolique, elle prit une grande respiration et m’avala…   


FIN


Jack Rackham  ( Voyages imaginaires Post-Mortem.)


PS : Se lassant un jour de m’avoir sur l’estomac, l’ogresse me recracha vers mon destin de pirate et mon bateau. Je ne sais combien de temps je disparus mais depuis je me méfie de ces femmes à grande bouche, je n’aimerais pas rester coincé dans un espace-temps inconnu ou être transformé en grenouille.