vendredi 22 mars 2019

La Comédie des Femmes



Je ne sais si c’est le temps doux imprévu pour la saison, ou le contrecoup du déménagement, mais j’avais envie de me replonger dans l’univers bienveillant de ma prime jeunesse ou celui de la veuve Sanders et ses filles chaleureuses ; toujours prêtes à toutes les aventures et fantaisies, car intrépides pour jouer des bons tours, faire des galipettes ou imaginer tous les scénarios : J’avais terriblement envie de refaire du théâtre !

J’avais fait disposer le Poséidon tribord face à la mer, c'est-à-dire pouvant simuler une scène et dont les cabines à proximité remplaceraient les loges et autres accessits pour y préparer une pièce. Les Femmes Savantes avait remporté tous les suffrages à l’unanimité de ma décision unique, puis Bosco avait envoyé les invitations pour la distribution des rôles. On attendait donc l’arrivée des demoiselles par tous les trains et nacelles disponibles, et le plancher sentait déjà bon l’atmosphère de la comédie…

Comme dans un rêve, je retrouvais les odeurs de maquillage et de talc, les voix sonnaient fort et les répétitions purent commencer rapidement. On aurait dit qu’elles n’attendaient que ça, Angélica, Diane et Sharon. Mais aussi Scarlett, Anne et Emma, et aussi Juliette, Naomi et SaraElizabeth arriva par bateau, en guest-star avec Gigi.

Le bois résonnait à chaque pas, le vent tendait parfois les toiles mais ça humait bon le théâtre et les comédiennes. Et je m’en nourrissais goulûment les yeux et les oreilles :

Angélica était bien plantée, là au milieu de la loge principale, représentant la femme d’expérience à la longue carrière. Ses clignotements de cils n’indiquaient aucun agacement mais au contraire le plaisir d’être ici, avec les autres, dégageant un parfum de féminité épanouie. Les mains sur les hanches, sa robe noire laissait transparaître une cuisse élancée et son décolleté était comme un témoignage de sa bonté d’âme. Un regard en coin lui donnait plus de douceur encore et Scarlett de l’autre côté, le lui rendait bien en écho.  La touchant presque, Diane était rassurée par sa présence et sans s’en rendre compte, tournait avec son doigt dans ses cheveux, comme une petite fille qu’elle n’était presque plus.
Pourtant, sa belle nature était là, pulpeuse et amoureuse, tel un grain de beauté caché mais qu’on sait montrer du doigt pour donner envie de le faire goûter…^^

Il y avait dans l’air une bonne odeur de fond de teint et de transpiration légère qui donnait un goût sucré à la moiteur du lieu, et c’était bon. Les jolis vêtements sur les peaux nues des donzelles me rappelaient des souvenirs de Cancun, quand Katia me laissait fouiller dans son coffre pour y trouver des tissus de mille couleurs. Et me proposait d’essayer devant moi l’un ou l’autre de ces habits, oubliant mon trouble et ma jeunesse.

Sharon se grattait nonchalamment un pied en répétant son texte, montrant son dos nu à ce jeune comédien venu jouer un laquais. Son nez est aux aguets, il hume ces femmes sacrées à la peau tannée ou diaphane. Il s’imagine en Inde une seconde mais sourit à cette idée et sans oser claquer de croupe, il revient en pensée sur le pont. De son côté, Emma fait des gros yeux à Anne, et envie sa poitrine généreuse…Non, non, pas de chirurgie ou de lipo-chose, cela n’existe pas d’abord. On est au temps des pirates, non ?

Gigi fait un grand sourire à faire craquer, Sara minaude passant sa main dans ses bouclettes, Juliette se demande comment font les gens sans portable, Naomi fait du charme à une spectatrice venue demander un autographe et Elizabeth arbore un nouveau bandana qui a un chic fou ! Elles sont toutes là, pas comme les autres, à faire un numéro ou ne rien faire, mais tout simplement être des femmes, comme elle savent le faire depuis toujours.

Car depuis longtemps, aussi loin que je puisse remonter dans mes souvenirs, je voue une admiration sans borne à ces êtres extraordinaires, capables de tous les talents et toutes les besognes, les meilleures amies de l’homme (et des pirates)…

Tout est prêt, les trois coups peuvent se frapper, et maintenant peut commencer…la Comédie des Femmes !

Toc toc toc !

« Quoi, le beau nom de fille est un titre, ma sœur,

Dont vous voulez quitter la charmante douceur?

Et de vous marier vous osez faire fête?

Ce vulgaire dessein vous peut monter en tête… »


Jack Rackham via Molière ^^

*
Pour info, ce sont mes actrices du jour : Angelica Huston, Diane Lane, Sharon Stone (les 3 sur la photo), Scarlett Johansson, Anne Hathaway, Emma Stone, Juliette Binoche, Naomi Watts, Sara Martins, Elizabeth Bourgine et Gigi Ledron !

Photo Annie Leibovitz.

jeudi 7 mars 2019

Victor Hugo



Le temps s’est de nouveau arrêté sur mon ponton, attendant un commentaire de moussaillonne ou le guano d’une mouette maladroite et coquine. Je couine dans mon hamac au gré des vents et vaque dans mes pensées profondes, voir si mes héros de légende se portent bien.

A côté de John Ford et François Truffaut, et juste avant Marcel Pagnol et Agatha Christie, un de ceux que je connais moins mais que grignote ma curiosité, gagnant en effeuillages compulsifs et dévorages de biographie : Victor Hugo.

Je ne suis pas pressé de tout savoir mais le nom a de la gueule et l’homme du panache. C’est un monument artistique et une montagne physique. Il est mort patriarche là où d’autres s’essoufflaient à la moitié de son âge. Son poil est fourni tel un vieux sage, comme assumant toute sa vie et ses œuvres sur son visage.

Les femmes de sa vie sont nombreuses mais à la qualité rare, protectrices et demandeuses, invisibles et mystérieuses. L’amant est entier, viril, esquissant peu de bonheur, l’esprit est créateur, ses rêves sont pleins de seins lourds et ses mains vides de fantasmes sans amour. Adèle, Juliette et Léonie pour l’éternité, mille inconnues à contempler pour des siècles de légende.

Roman, théâtre, Poésie, peinture, photographie, il aura touché à chaque chose comme un maître et suggéré le grand Cinéma du XXème siècle à venir. J’ai été touché par ses Misérables, son Jean Valjean et sa Cosette, j’ai conspué ses Thénardier, symboles de toutes les lâchetés et turpitudes. Celles qui salissent les âmes, au point de perdre toute humanité.

Je l’imagine aussi faisant de la radio, un bel outil moderne, lui militant vociférant, hélant à la révolte et au rassemblement, vivant avant l’heure les réseaux sociaux et les gilets jaunes…

- Hep, vous là-bas !

Je me levais de mon hamac, prenant mon regard de tricorne le plus fronceur et m’approchait du bastingage, à bâbord.

- Non rien, j’avais rêvé, juste le vent mais ma barbe avait terriblement poussé…

*
Victor Hugo, œuvres principales :

Notre-Dame de Paris (1831) Roman
Les Misérables (1862) Roman
Les Contemplations (1856) Poésie
La Légende des siècles (1859) Poésie
Ruy Blas (1838) Théâtre…