mardi 31 octobre 2023

Résilience(s)

 

Le tricorne à l’envers, posé sur un front plissé par de longues aventures sur toutes les mers du monde, le sieur Jack Rackham profitait du beau temps les bras derrière sa nuque, laissant seulement paraître un certain érotisme illustré par des aisselles aux pilosités étonnantes.

Une donzelle posée par là, se releva puis se cala sous un de ses bras, admirant béatement les dits spécimens, n’écoutant plus alors que son Capitaine qui se mit à clamer clair et fort le titre d’une revue spécialisée empruntée à la bibliothèque du navire :

Résilience(s) !

Son œil éclairait un pourquoi de son ignorance pendant que la barbe qu’il gratouillait en réfléchissant laissait paraître la lumière de sa compréhension imminente. Les arcanes de ce mot pendu à toutes les lèvres venaient de se révéler  à notre pirate bien-aimé, déjà prêt à en restituer les mystères aux bonnes oreilles présentes sur le Poséidon.

Le ciel était bien haut ce jour-là, les mouettes en étaient pourtant absentes et le silence interrompu laissait deviner un grand moment de culture seulement ponctué par les couinements répétés de la grande balançoire du ponton principal. Le Capitaine commença à lire…

 


« On appelle « «Résilience » la capacité d’une personne à surmonter un traumatisme, puis à s’adapter et à se reconstruire après cet évènement. Cela peut être d’ordre affectif comme professionnel, unique ou multiple (voire à répétition pour les plus vulnérables). Si le cycle est immuable, la méthode est variée et même très personnelle à chaque individu.

Après avoir subi cette épreuve (ou ces épreuves), la personne se sentira dans l’obligation d’évoluer pour survivre ou simplement se regarder dans une glace, pour ne pas tomber encore plus bas et garder coûte que coûte l’estime de soi. Réussir à vivre sera le premier objectif, ne serait-ce que pour exister socialement.

Il existe bien entendu des individus qui n’envisageraient jamais de se remettre en question après quelconque événement relationnel ou personnel, étant même persuadé de leur bon droit quels qu’en soient les dégâts psychologiques,  envers l’autre surtout. Les psychopathes ne sont pas pris en compte dans cette étude. Bref…

Ne pas réussir cette résilience peut amener au dégoût de soi et à décider d’en finir. Selon les cas, s’auto-complaire dans la victimisation ou la soumission en est une autre issue.

Au contraire, l’être résilient va réussir à vivre, à survivre. Et ce, selon la violence du choc émotionnel ou physique (ou les deux). Cela peut être :

Un accident routier ou domestique donnant une incapacité ou une amputation, impliquant à son tour une limitation de vie normale. Un viol ou un acte sexuel dégradant (incestueux, par exemple) provoquant une honte ou une haine, une impuissance à effacer de sa mémoire la scène. Un échec professionnel ou amoureux faisant perdre l’estime de soi et accentué par l’implication d’autres personnes pouvant rappeler encore et encore son incompétence ou insuffisance. Quelquefois, il s’agit d’une impuissance généralisée, subie à travers des proches ou même des personnes vues à la télévision (voir les neurones miroir) qu’on ne peut pas aider et ce stress s’accumulant au fil du temps, vous plonge dans de telles affres que seules des drogues ou de l’alcool vous feront supporter encore la vie. Un vrai calvaire !

Comment résister à tous ces chocs de la vie, à y faire face et renaitre de ses cendres ?

L’acceptation de ce traumatisme sera la première étape du processus de résilience, dont le but sera d’en faire table rase pour laisser place à un moi nouveau. Le cerveau humain est d’ailleurs déjà programmé pour ça, préparé à faire le deuil de ce traumatisme insupportable, prêt à se reconstruire par la faculté d’effacement des mauvais souvenirs, et une facilité à se pardonner soi-même dont des malfaisants usent aussi abondamment, n’est-ce pas ? (voir les psychopathes, cités précédemment)


La recherche d’objectivité et la confrontation avec les faits, malgré une bonne volonté sera peut-être difficile et nécessitera l’aide d’un tiers (ou plusieurs) pour garder la ligne directrice recherchée et ne pas basculer vers trop de positivité ou à l’inverse, de négativisme.

Il faudra donc aussi :

Réapprendre à voir le monde comme il est, rééduquer son cerveau pour faire face à son déni initial et accepter la situation irréversible, ne pas chercher de responsable immédiat mais des solutions, s’autoriser l’erreur et l’échec momentané, et surtout essayer d’avancer), de s’aimer un peu soi-même et de reprendre le contrôle de sa vie !

Il faudra alors se trouver un objectif majeur et apprécier chaque petite victoire sur le chemin de cette résilience. Et sans perdre son sens de l’humour, bien sûr ! (ou le retrouver) ^^

Voilà, nous avons prédigéré pour vous ces infos sur la « résilience » mais nous avons aussi recherché des exemples de résilients dans nos collections de films préférés, ceux-ci vous parlant mieux que des exemples théoriques ou impersonnels.

Les voici :


RIO BRAVO (Hawks1959)  Dans un western, un Shérif alcoolique incarné par Dean Martin, commence à se trouver une rédemption, poussant même la chansonnette et se rasant gratis, bien aidé par ses amis John Wayne et Walter Brennan !

LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES (Brando1961)  Marlon Brando est mon résilient préféré, trahi une première fois par son ami Jack, qui remet le couvert en lui brisant la main en le trahissant une deuxième fois. Oula ! Sa résilience va être terrible…

FORREST GUMP (Zemeckis1993)  Surtout pour le « Lieutenant Dan » que joue Gary Sinise et qui, en pleine guerre du Vietnam ne cesse de répéter : « Et Surtout, prenez soin de vos pieds ! ». Après avoir été sauvé par Forrest (Tom Hanks) puis amputé des deux jambes, c’est un bel exemple de reconstruction, physique et morale !

CASABLANCA (Crtiz1942)  Alcool, chagrin d’amour et…Marseillaise ! Humphrey Bogart en patron de bar pendant la guerre, qui retrouve son grand amour (Ingrid Bergman) et doit malgré lui, sauver son…mari !

VERTIGO (Hitchcock1958)  Traumatisé depuis un accident qui coûte la vie à un collègue, James Stewart est sujet au vertige. Ce qui donne une idée à un vieil ami…qui l’entraine dans une spirale meurtrière, où il tombe amoureux deux fois de la même femme (Kim Novak)…sans le savoir !

LA LECON DE PIANO (Campion1992)  Holly Hunter, muette depuis l’enfance et accompagnée de sa fille et son piano, se trouve un mari par correspondance et le rejoint. Sans le vouloir, elle tombe amoureuse d’un voisin indigène (Harvey Keitel), mais son mari n’est pas content et se venge…Sa mutilation lui change la vie et elle trouve enfin  le bonheur ^^  

RETOUR VERS LE FUTUR (Zemeckis1985)  Surtout pour le personnage de George MC Fly, à la destinée d’écrivain SF ! Le destin des Mc Fly change complètement suite à un voyage dans le temps du fils Marty (Michaël J. Fox), où on n’aime pas trop se faire traiter de…mauviette !

LE MAGICIEN D’OZ (Fleming1939)  Tous les personnages principaux sont des résilients : L’homme de paille et son manque de tête, l’homme de fer et son manque de cœur, le lion et son manque de courage, Dorothée, la petite fille et son manque de maturité… Seule reste sur le carreau, la sorcière de l’Ouest. Mince !

SIGNES (Shyamalan2002)  Un prêtre (Mel Gibson) ayant perdu sa femme et sa foi est confronté à l’extraordinaire qui vient tester son intelligence et son intégrité. Toute sa famille se met au diapason pour l’aider à sa rédemption, et même les Aliens !



UN JOUR SANS FIN (Ramis1993)  Un journaliste-météo (Bill Murray) antipathique et misanthrope est contraint de vivre encore et encore la même journée jusqu’à ce qu’il retrouve sa sincérité et trouve aussi l’amour de sa vie (Andie Mc Dowell) ! (la résilience à l’envers)

A L’OMBRE DE LA HAINE (Forster2001)  Un homme blanc, gardien de prison, et une femme noire dont le mari va être exécuté dans le couloir de la mort, sont réunis au hasard du deuil de leurs enfants respectifs. Dans une ambiance pesante de mort et de racisme, ils se rapprochent pour s’apporter une raison de vivre et de l’amour. Deux résiliences se sont croisées ^^ (sans compter une belle scène d’amour torride consacrant la carrière d’Halle Berry !)

THE ARTIST (Hazanavicius 2011)  Le temps du Cinéma où le muet va bientôt laisser sa place au parlant. George Valentin (Dujardin) et Peppy Miller(Bérénice Béjo) sont tombés amoureux mais leurs carrières s’entrecroisent. Elle pour le meilleur du parlant, et lui…Mais sur l’impulsion de Peppy, leur amour renaît de ses cendres et c’est le succès les réunissant dans un numéro de claquettes éblouissant !


Et tant d’autres exemples, à vous de trouver vos films de résilients. Dans le prochain numéro de Résilience(s), vous trouverez… »

 

Avec un  petit rire mutin, le Capitaine posa le magazine soigneusement devant lui et regarda le ciel cherchant quelques mouettes égarées. Il se tourna alors vers la belle moussaillonne encore captivée par cette lecture puis se levant d’un coup en la tenant par la main, l’invita à sa résilience…

On danse, chérie ?

 Pour Jack Rackham, besos.

 




Credit photos : De haut en bas, The Cell film (Jennifer Lopez), The Haunting of Hill House (série), The Silent House (film), Vertigo (James Stewart), Un Jour sans Fin (film), The Artist (film et vidéo) puis The Cell à nouveau.