jeudi 3 mars 2011

Pépère le Costaud

Si j’ai souvent l’habitude de raconter ici des aventures de demoiselles, aimant l’air du temps ou les allures de mon tricorne, il y a aussi quelques hommes qui gardent une place au fond de mon cœur. 

Le vent me décoiffe pour renifler les relents de ma jeunesse, ceux qui me mènent au souvenir de ma Mommy. 
Mommy, c’était ma mère adoptive, un être unique et j’ai déjà conté entre mes cordes  son aventure, celle de son destin d’élever votre serviteur, me donnant tout son amour jusqu’à la fin de sa vie. (Voir Oh, Mommy !)

 Son gabarit à poigne, et sa poitrine dure comme une armure, ne l’empêchait de lier amitié avec des galants, du moins c’est ce qu’elle racontait. Mais je ne lui ai connu qu’un ami de mes longues années de vie avec elle, un qui portait tricorne aussi. Etait-ce prémonitoire, je ne sais pas, mais je me souviens de son nom : Gabriel. 

Même si Mommy l’appelait Pépère, comme ça entre eux. Comme un grand-père.

Il était plutôt sédentaire pour un marin, et je me souviens qu’il passait au bureau des postes pour toucher une sorte de retraite. Et comme il venait trois fois par semaine voir Mommy, je l’accompagnais quelquefois à son affaire. Clopin-clopant, il faut dire que la béquille qu’il calait sous son bras remplaçait la jambe qu’il avait perdue au cours d’un combat. Car plus que marin, il était pirate et il en était fier…

Je me souviens de son sourire quand il me racontait des histoires et son œil brillait comme si l’image défilait devant ses yeux. Pourtant, le Cinéma n’existait pas à l’époque mais il avait une sacrée imagination !

Entre deux histoires et repas aux chandelles avec Mommy, j’allais avec lui à la taverne, car il aimait jouer aux cartes avec ses amis. Assis sur ses genoux, j’aimais ces longues parties où calé entre ses bras, il remportait les mises comme s’il venait de gagner le monde entier. Ses gros doigts tenaient de petites cartes et quelquefois il me laissait jouer à sa place. Son index montrait celle qu’il fallait que je prenne et je faisais le reste.

Un jour, la partie tourna mal, et d’un coup de tête il assomma un qui avait triché. J’entends encore le coup sec qui fracassa le front de son ancien ami. On n’en parla plus jamais mais il me fit jurer de ne point le dire à quiconque, surtout à Mommy, et je tins promesse jusqu’à aujourd’hui.

Pépère m’apprit plein de choses, et surtout de ne jamais se vanter. «Car ensuite, tu seras coincé et tu ne surprendras plus personne. » « Et surtout pas, quand tu seras grand, de dire aux filles que tu es bon au lit. Dis toujours que tu ne vaux pas un clou. Car si tu ne fais pas l’affaire, tu pourras leur dire que tu les avais prévenues. Sinon, ce sera une bonne surprise… ». La main dans mes cheveux, il lançait un grand rire et même si je ne comprenais pas encore les choses qu’on faisait au lit, je n’ai jamais oublié…

Un jour, il m’amena sur un vrai bateau, une goélette et il me permit de tenir le gouvernail sous son aile protectrice, comme si rien ne pouvait m’arriver.

Il m’arrive de temps en temps de penser à lui, et je crois que ma vocation de marin et de pirate, c’est de lui que je la tiens.

Je ne l’oublierais jamais.


A Pépère, et à tous les grand-pères du monde !
Jack Rackham

8 commentaires:

  1. Très touchante ton histoire Jack....:)♥

    Malheureusement je n'ai jamais connu mon grand père, que ce soit maternel ou paternel !
    J'aurai aimé avoir un grand père comme celui là, oui.....j'aurai aimé♥

    Bésos Pirate qui a su faire "transpirer" mes yeux avec cette tendre histoire ♥

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  2. Eh bien, je t'ai inventé un grand-père Josépha !
    Prends-le, il est à toi ! ♥

    En fait, j'ai pris un peu de mon vrai grand-père maternel, et un peu du paternel. Coup de boule et jeu de carte, c'est du réel...^^
    C'est comme ça que j'ai appris à jouer à la belote, avec mon grand-père !

    Besos ♥♥♥

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  3. Joli souvenir!
    Je n'ai pas connu celui coté maternel, et très peu celui paternel, mais j'adore voir mes filles profiter encore des leurs, surtout quand Blondie demande à mon père :
    "Papi, je peux venir avec toi promener le chien?"
    Lui qui n'a jamais été papa gâteau, rattrappe le temps perdu....
    Bises

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  4. Oui Victoria, un grand-père c'est quelqu'un qui a mis quarante ans ou plus à comprendre comment il faut se comporter avec un gamin. Et souvent ça saute une génération, celle des siens...
    Besos ♥

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  5. J'ai pris la place que mon grand-père maternel avait laissé 5 mois avant mon arrivée dans ce monde. Quand à mon grand-paternel, il semblerait qu'il était tué pendant la guerre civile d'Espagne, car il n'est jamais revenu du voyage qu'il a fait pour visiter ses parents, et le mariage n'a jamais eu lieu, sinon j'aurai eu un nom finissant par un Z.

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  6. Ah bien des histoires de famille ressortent quand on parle de ses ancêtres, ceux dont on se souvient nous marquant, comme les absents pour d'autres raisons. Tu m'as déjà parlé de faits familiers étranges, de morts et de coïncidences, Rosée...
    Besos ♥

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  7. Très joli billet El pirate. Les pépères du monde entier comptent, et ici nous tentons de faire et durer les liens entre les petits enfants et eux. Avec les "Mémères" aussi hein.
    Bises :-)

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  8. Tu es encore jeune Tifenn, mais tu es plein de sagesse, une future Mémère sans doute, préparant des gâteaux dont tu as déjà les secrets, hein.

    Besos et merci du joli. ♥

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