vendredi 6 août 2010

L'Imprésario

La chanteuse attend son tour. Le rideau rouge la préserve encore un peu du regard du public qu’elle devine. Elle regarde ses pieds comme pour mieux s’appliquer et les bras derrière le dos, elle racle le fond de sa gorge pour se donner contenance. Son œil est figé vers ses souvenirs. Le chemin a été si long à parcourir, elle se souvient…

Sa robe blanche est immaculée de ses dix ans et debout sur la table de la cuisine, elle lance les premières notes de sa chanson. Les visages sont attentifs et ceux des femmes la sanctifient d’une aura particulière, comme si elle portait tous leurs espoirs, ceux qu’elles n’ont jamais osé réaliser car elles manquaient de courage. Les dernières syllabes arrivent déjà réveillant l’assistance qui prépare les premiers applaudissements. Le père la porte au dessus de sa tête en lançant un « c’est ma fille » pendant que le reste de la famille semble figé dans des sourires éternels.

Il est là qui se tient là, caché derrière un rideau.  Son habit de maître d’hôtel est plus de convenance mais il aime régler tous les détails et que tout soit parfait. Il regarde sa chanteuse, elle est prête, elle est parfaite…
Le rideau s’ouvre devant Nouha. Elle s’avance de quelques pas, comme pour aller au devant de son triomphe. Elle est aveuglée par les lumières blanches et le pied du micro l’empêche de tomber.  Le piano fait la note et c’est parti. 1, 2, 3…

Elle est comme dans un rêve, elle ne voit rien de l’autre côté des lampes et elle s’entend chanter comme si elle assistait à son propre récital. Le travail, le travail…Elle sait qu’il ne peut rien lui arriver. Elle a tant répété cette chanson que son corps la transpire, que sa bouche en est pleine, que ce concours est pour elle. C’est son heure, c’est son destin.

Sa famille est là qui assiste à son spectacle, tout le monde est là, les présents, les absents…

L’homme fixe Nouha. Elle vient de commencer, elle est comme illuminée de l’intérieur et envoie à chacun sa lumière comme un phare de bonheur…Sa bouche redit les mots que chante sa chanteuse, comme pour l’aider, comme s’il était à sa place. Tout remonte, la rencontre, les répétitions, les disputes, les réconciliations. Les années de galère, ce long travail vers l’élaboration d’un répertoire…

Ce soir, elle est là sur scène, et ils vont voir ce qu’ils vont voir.

Les premiers couplets de « Et je danse » les a conquis, les suivants vont les emporter. Une rumeur enveloppe déjà le théâtre d’une frénésie, des applaudissements intempestifs volent  les dernières notes. Nouha explose dans un final grandiose. Sa tête se courbe pour accepter l’ovation. On scande son nom, elle est heureuse…

Sa tête se tourne machinalement pour regarder vers l’ombre d’un rideau. Elle y voit comme un sourire complice. Sa vie a changé depuis qu’elle l’a rencontré. Mieux qu’un mari, un amant, un ami, un compositeur, un agent, un chauffeur, et même un garde du corps…

…son imprésario !


Jack Rackham.

Besos à Nouha Matlouti et bonne chance pour tout !

8 commentaires:

  1. comme tu nous fais entrer dans sa peau ! Merci Jack

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  2. Un ou une artiste, c'est toute une histoire, tu es bien placée Nuax...^^

    Besos !
    Jack

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  3. COMPLEMENTI IMPRESARIO ;-)

    Brini

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  4. Brini !
    Je ne savais que tu surfais dans ces eaux pirates...
    L'imprésario, complément indispensable de l'artiste, oui ^^

    Besos
    Jack

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  5. Magnifique comme d'habitude cher Jack ! Tu nous emportes sur une scène illuminée... Ou se mèle toute une harmonie de sentiments.
    Muxu

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  6. Merci à toi, tite rouquine au grand coeur !
    Plein de muxus ^^

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  7. J'aime beaucoup Nouha, même si elle l'ignore, même si il ne reste que nos éclats de voix...

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  8. Mon petit doigt me dit qu'elle t'aime beaucoup aussi, qui sait le jour et l'heure arrivera bientôt de vos retrouvailles...^^
    Besos Leila.

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