mercredi 12 décembre 2018

Jack Le Pirate 3.0


Les pièces étaient encore vides, ou presque. Les chariotes de déménagements n’attendant que mon signal pour se remplir de mes effets personnels et maritimes, ayant décidé d’emménager dans cet endroit de la Riviera à l’autre bout du monde, je faisais les cent pas en rêvassant les mains dans le dos tel un empereur déchu. Les criques de l’île du Crâne et de la Tête de Mort étaient déjà oubliées, et le tricorne était propre et la barbe rasée…

J’attendais aussi Bosco qui avait du trouver un coin tranquille pour mettre en cale le Poséidon ; la bête n’est pas petite mais quelques bourses pleines d’or auraient raison des autorisations locales, sans compter le bagout et la musculature du gaillard.

Un dingue-dongue enfantin ne se fit pas tarder, tout en me persuadant aussitôt de faire changer ce tocsin peu viril.

- C’est vous ? Entonna une voix claire et féminine, laissant entrevoir dans l’encadrure de la porte du grand hall central, une silhouette familière…

Je reconnaissais bien là cette Lady Ania Chester, ex et unique attachée de presse du Poseidon, à la démarche chaloupée des femmes du monde qui ont pris de la bouteille,  toujours élancée et perchée comme sur des échasses, un sourire suave aux lèvres et ravie en l’instant de revoir son bon vieux Capitaine. Elle allait reprendre du service, il s’agirait juste de savoir de quelle manière ; tout était ouvert, sa présence matinale m’assurait de son envie, même si j’avais quelques idées qui me trottaient sous le tricorne.

Ses longs cheveux m’enlacèrent comme pour  marquer le plaisir de nos retrouvailles et la senteur de son parfum venant de son corsage à hauteur de mes narines troubla un instant mes sens, au point d’imaginer d’autres visiteuses plus intimes comme Katia ou Rita, telles des prédatrices venues chercher du sucre en poudre ou une tablette de beurre chez un voisin habituel.

J’imaginais la scène et j’oubliais tout le reste, comme dans un rêve.

Je pensais à un vieux film que j’avais vu tant de fois entre deux ponts, l’histoire d’une jeune femme venue visiter un grand appartement et rencontrant un homme plus âgé qui  vient de perdre sa femme, une qui tenait un bordel dans la maison pleine de joie. L’histoire d’un amour fou qui vient en remplacer un autre, le temps de quatre jours. Sur fond musical de tango argentin signé Gato Barbieri. Un chef d’œuvre !

- Vous avez eu un coup de cœur pour cet appartement, Capitaine ?

Tu parles : Dix pièces immenses faites pour vivre en bande, avec de hauts plafonds et donnant sur des ruelles mystérieuses tissées comme des traboules…


Ania était chou, comme j’aimais à dire, et dégageait une fraîcheur qui ressemblait à cette jeune femme au chapeau du film en question. Je la regardais tendrement et imaginais plein de choses comme au cinéma. Et même mieux qu’au cinéma, comme la vie quoi !

Puis sur une impulsion pleine d’amitié intense, je la pris dans mes bras en lui demandant :

- Tu danses avec moi ?


Elle me répondit par un sourire craquant, se préparant à l’envolée, mais la drôle de sonnette tinta à nouveau et Bosco n’attendit pas pour apparaître dans l’entrée. Il était les bras plein de pots de peintures, demandant du regard où les poser.

Le vide de l’appartement ne lui avait pas sauté aux yeux apparemment, il fallait vite commencer à apprendre à vivre en communauté. C’est vrai qu’un coup de peinture et quelques rideaux donneraient un peu de pimpant au lieu, mais surtout quelques livres…et les imaginant rangés dans leurs étagères, je me sentis d’un coup un peu plus chez moi.

(A suivre !)

Ici commence le premier chapitre du récit de la nouvelle vie de l’équipage du Poseidon qui sera poursuivi régulièrement.






Images : Le Dernier Tango à Paris (Bertolucci) et ses acteurs / Necar Zadegan

5 commentaires:

  1. J'ai vu ce film mais sachant que l'actrice ( photographiée par Diane Arbus en passant, une merveille de photo, juste avant le drame) s'est suicidée tellement les crétins la bassinaient avec l'histoire du beurre, cela lui laisse un goût assez rance, sans mauvais jeu de mots.

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  2. Oups ? Je ne crois pas que Maria Schneider se soit suicidée à cette période vu qu'elle est morte des suites d'un cancer il y a quelques temps, alors qu'elle avait la cinquantaine ^^ Bon, j'ai peu de mérite vu que c'est un de mes films préférés connaissant tout ou presque sur la question ; regarde-le à nouveau avec un autre oeil, celui des amours dont parle ce film, notamment celui de Marlon (qui s'appelle PAUL dans ce film) pour sa femme mère-maquerelle, belle à mourir sur son lit mortuaire...♥ (Je te pardonne, je t'aime quand même ♥)

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  3. Tu sais je suis une emmerdeuse,crois moi wikipedia ne détient pas la vérité et il y a quelques années , la périphrase " longue maladie" désignait le suicide, le sida ou l'overdose, le cancer était une sorte de métaphore :
    Née en 1952 d’une mère mannequin d’origine roumaine dont elle a pris le patronyme et de l’acteur Daniel Gélin, qui n’a fait que la croiser sans jamais la reconnaître, Maria Schneider est décédée à Paris « des suites d’une longue maladie », selon la formule choisie par la famille. Le visage encadré de boucles folles et le corps, célèbre, noyé dans des pulls trop grands et des jeans rapiécés, la jeune fille à la voix rauque qu’elle était en 1972 entre les mains de Brando et sous l’œil de Bernardo Bertolucci s’est retrouvée figée en icône de la révolution sexuelle. Au point d’en faire oublier son passage de garçonne dans Profession Reporter, de Michelangelo Antonioni, et ses traversées cinématographiques en compagnie de Jacques Rivette ( Merry Go-Round), Luigi Comencini ( L’imposteur), René Clément ( La Baby-sitter), Daniel Duval ( La Dérobade), Josiane Balasko, la dernière à l’avoir appelée sur un plateau, pour Cliente, en 2009.

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  4. Ceci est un article de l'époque que je peux t'envoyer de source sûre, mais je t'aime aussi, assez pour me chamailler gentiment!

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    1. Merci pour ces infos que je connaissais, c'est bon de s'aimer nous deux (surtout quand on est d'accords) ♥
      J'adore toujours Maria Schneider, surtout dans ce film, car elle ressemblait à la première fiancée de ma jeunesse, j'en ai parlé ici et raconté son histoire sous le doux prénom de Madeleine...Besos ma belle ♥ ♥ ♥

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