samedi 26 mars 2016

L'Amant de la Pharmacienne



Mattéo avait pris l’habitude de passer voir Virginie à toutes heures au magasin. La pharmacie avait l’étrangeté d’un lieu public mélangé à un endroit qui sentait bon le souffre de leurs ébats nocturnes, et cela donnait plus encore de piment à leur relation.

En fait, dès le tintement du grelot cristallin, quelque chose se passait. Lui en transe qui rentrait comme dans l’antre de Polyphème dans Ulysse, elle qui cherchait sa présence du regard et commençait à rougir comme si les clients et les employés voyaient tous sa gène et aussi le film de leurs soirées ici même entre les médicaments et les panneaux publicitaires médicaux.

Il lui faisait signe comme d’habitude remuant des doigts fins comme ceux d’un pianiste, puis il s’approcherait plus tard en lui donnant un baiser dans le creux de l’oreille, regardant bien aux alentours les collègues attentives au moindre écart inhabituel.

« Un flacon de L52, s’il vous plait mademoiselle. » Lançait-il, car il aimait acheter quelque chose à chaque visite pour ne pas avoir l’impression de lui faire perdre son temps. Et son temps justement était compté car quelques pattes d’oies rappelaient les moments précédents de sa vie où il ne la connaissait pas, bien qu’il la trouvât elle-même sans âge et sans défaut.

« Mademoiselle ! Tu te rends compte ? » Faisant semblant de le gronder après la fermeture et oubliant qu’elle était la patronne de cette belle pharmacie de quartier au chiffre d’affaire conséquent. Elle se souvenait qu’elle avait eu plusieurs maris, des enfants déjà grands, mais elle réagissait comme une employée modeste, une simple préparatrice en pharmacie.

Ce soir-là, Mattéo ne lui fit pas le grand jeu comme à son habitude même si son désir était aussi grand que la première fois. Il lui réservait une petite surprise pour le lendemain, à elle sa bien-aimée, pensant que la routine étant le seul ennemi d’un grand amour, il veillerait à ne pas endormir cette flamme et l’attiserait comme au premier jour.

La clochette tinta comme les autres fois mais il était arrivé plus tard, pour une fois, et eut droit au regard froncé de sa dulcinée, sur le point d’être inquiète.

« Tu m’as fait peur, un accident est si vite arrivé, ou alors c'est une autre femme qui… » 

Elle avait l’air vraiment bouleversée et Mattéo regretta presque cette mise en scène de son retard. La prenant alors dans ses bras, il mesura bien son amour pour elle, son cœur battait vite, et elle le lui rendait comme une femme sait le faire, en prenant la pleine mesure de son homme, montrant les chemins de son désir en se frottant contre lui, où elle le désirait.

Elle fit un geste pour se lever pourtant mais il l’en empêcha. « Non. Pas de fermeture et de rideau de fer ce soir, j’ai trop envie de toi. » 

Elle protesta avec le corps un instant mais pas plus que ça. Le magasin était vide de clients, il était tard et après tout, elle n’avait la tête à rien d’autre que lui.

Les deux amants oublièrent tout. La pharmacie, l’heure, et même tout ce qui faisait leur vie, ne pensant plus qu’à une chose, symbole de leur amour fou : Baiser.

Roulant sous le comptoir, ils ne faisaient qu’un et s’accouplaient à l’infini, transpirant de tout leur corps et se dévorant partout, avec délice et perversion, sans nulle idée de défendu ou de saleté. Ils se goûtaient comme des glaces aux multiples parfums, même carotte et asperge, fruits de mer ou chocolat…Le carillon sonna comme dans un rêve et ils réalisèrent soudain que quelqu’un venait d’entrer dans la pharmacie. Yeux hagards, ils réfléchissaient où ils avaient mis leurs vêtements, sans doute éparpillés dans les allées ou sur le comptoir. 

« Y’a quelqu’un ? » Dit soudain une voix de femme, sans doute Madame Carillo qui aimait passer un long moment ici chaque jour, habitant à deux pâtés de maison de la pharmacie. Une vraie commère, une langue de vipère, et ce serait la fin de son commerce si elle venait à supposer la moindre chose sur des pratiques illicites dans cet établissement.

Virginie voulut se ressaisir et tenta de se relever mais Mattéo pesait de tout son poids sur elle et arborait un petit sourire.  Elle comprenait à présent le jeu de son amant et eut envie de hurler. Pourtant son désir montait, jusqu’à atteindre des paliers inattendus pour une situation jusqu’alors inconnue pour elle. Elle était prise par son amant avec sa virilité habituelle, mais elle était échauffée plus qu’à l’accoutumée, basculant plus encore son bassin pour qu’il aille au plus profond de son coeur. Son souffle dans son cou la chavirait tellement, comme si elle était ivre. Mais ce n’était que de l’amour pur, le meilleur qu’elle n’ait jamais connu…

Entre deux spasmes, elle entendait parler dans le magasin –d’autres personnes étaient rentrées ?- mais elle avait la main de Mattéo qui l’empêchait de hurler de plaisir, lui accélérant le mouvement selon ce qu’il sentait de sa maîtresse. Quand madame Carillo s’approcha du comptoir sous lequel ils étaient, faisant mine de regarder par-dessus, il la retournait en silence pour la prendre encore mieux, ressemblant de loin à deux statues grecques d’une beauté sans nom. 

Mordant ses lèvres, elle arrondissait encore plus ses fesses pour qu’il ait envie d’elle plus encore, il se calait alors jusqu’au plus profond d’elle, transpirant abondamment de son immense désir puis jouissant ensemble du plus bel amour jamais consommé dans une pharmacie…


Des bruits coururent dans le quartier sur des présences nocturnes quelque fois dans ce magasin, mais on ne les  prêta qu’à des cafards ou des rats. Rien sur des otaries !

 Jack Rackham

 Photos: Linda Fiorentino.



4 commentaires:

  1. Ah elles font frissonner tes chroniques de la pharmacie, je l'aime bien ce couple clandestin,cela rappelle le temps où être surpris dans ses ébats était un sujet de rigolade et ne tombait pas sous le coup de la loi.

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    1. Le monde est tel qu'on veut bien le voir ou l'inventer, et ces amants comme certains d'entre nous le referont encore et encore même en cas d'interdiction...♥

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  2. Vous m'avez eue dès la première photo de Linda Fiorentino.

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    1. Linda, elle aurait pu être pharmacienne j'en suis sûr ;)
      Merci de la visite, "Plume" ♥

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