lundi 2 novembre 2009
La Fin du Jour
« Mes cordes ont fini par avoir raison de moi, mon portable est usé et je vois mal par dessus la rambarde. L’île du Crâne a disparu et le soleil m’éblouit…Je suis vieux à présent, Tim est partie depuis longtemps et seul Bosco s’occupe un peu de moi. Il ne me demande même plus rien, j’ai droit à toutes les gourmandises sans rien en échange, le saligaud…
Quand on passe un certain âge, on vous met dans ces maisons pour vous laisser le temps de casser votre pipe. On a même inventé la Maison de retraite pour pirates et vieux loups de mer. J’ai économisé pour avoir droit à ça, j’ai même une petite cagnotte, on ne fait jamais assez attention aux parties de poker qui tournent mal. Les autres vieux sont tricheurs dans cette maison et je me méfie !
Je suis seul avec moi-même dans cette chambre. Même si Marie passe me voir régulièrement, Marie que j’ai quitté pour la mer et l’aventure, et qui m’a récupéré à présent, vieux et impotent. C’est une tenace…
Je regarde autour de moi, et je vois les souvenirs que j’ai mis au mur, quelques tableaux, quelques trésors de guerre en étagères, des bibelots qui comptent. Mon cerveau marche encore pas mal, je me souviens de presque tout et j’organise mes journées en balades, balades dans ma mémoire. Je fouille et je revis mes amours, mes amours de jeunesse, mes amours de maturité…
Je n’ai pas de préférence aujourd’hui. Le temps a tiré sa révérence sur un classement général imaginaire, Madeleine et sa tête de linotte a rejoint Katia et son cul de bénitier. Je les vois me donner rendez-vous, me faire tourner la tête en des galipettes endiablées, les pipes goulues de l’une, la croupe immense et accueillante de l’autre. Je les mélange aussi, faisant deux en une et je fais un scénario de jeux torrides qui me tient en haleine jusqu'au petit matin. L’infirmière n’est pas dupe et me caressant sous ma chemise en connaisseuse, elle aime à me répéter :
« Vous avez du être un sacré pirate, monsieur Rackham. Si j’osais… » et elle repartait vers d’autres gourdins en sursis des chambres d’à-côté…
Rita vient me rendre visite souvent, la nuit surtout. Je rêve de ses seins et j’imagine ses aéroles foncées que je lèche comme des macarons. Elle est belle et sensuelle, j’aime la caresser puis descendre entre ses jambes puissantes. J’aime son petit trésor, un butin de pirate aux poils que je pourrais compter tant j’ai parcouru le chemin…Ma langue goûte chaque pli et j’hume cette odeur de mer qui me rappelle les jours heureux. Je suis bien…
Il y a un curé dans la chambre, mais je ne suis pas inquiet. Marie pleure et moi je souris. Mon tricorne et mon habit du dimanche au pied du lit, et quelque chose me dit que je n’enfilerais plus cet habit de lumière. Pas moi-même en tous cas…Je sens un vent me soulever, je vois ma vie passer devant mes yeux, mes amis, ma Mommy, mes aventures sur la mer, sans oublier ma petite sirène Sara ou celles que je n’ai pas eu et que j’ai oublié…Ils sont tous autour de moi pour les derniers sacrements.
Moi j’ai le nez en l’air et je suis avec Rita. J’ai toujours su que je finirais un jour avec elle, avec son souvenir car elle est partie depuis longtemps. Il y a des promesses qu’on oublie pas, celle de faire ensemble en pensée le dernier voyage, ses baisers plein la bouche, ses cheveux sur le visage, les doigts sur ses lèvres tendres…
Et c’est à la fin du jour, rassasié de ma belle et le corps épuisé que je pus rendre l’âme, le cœur en paix… »
Je rangeais mon portable. J’en avais assez fait pour aujourd’hui. Ce n’est pas tous les jours qu’on fait son éloge funèbre, surtout que la pensée de Rita m’avait mis en appétit…J’appelais Tim. Je me disais qu’il fallait profiter de la vie en attendant d’être vieux et impotent, l’imaginaire d’un écrivain a du bon car il a le don en quelques phrases de vous montrer le bon chemin…
Besos.
Jack Rackham.
Découvrez ou redécouvrez le film de Julien Duvivier, « La Fin du Jour » avec Louis Jouvet et Michel Simon. ( 1939 ) Une histoire de Maison de retraite pour vieux comédiens…
Libellés :
Actors,
entre les nuages,
katia,
Madeleine,
Marie,
post-mortem,
Rita,
tim
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Ce qui est rassurant pour un vieux pirate comme toi dans les maisons de retraite, c'est que les femmes y sont nombreuses...ce qui est drôle aussi c'est que ce sont elles qui se battent pour être à ta droite, et te servir une lampée de vieux rhum brun, oui, le rhum aussi est bon, quand il est vieux.
RépondreSupprimerCe qui est doux dans les maisons de retraite, c'est le regard de l'infirmière et sa peau, qui te caresse.
La seule chose qui est bête dans les maisons de retraite, c'est qu'on n'y met les bateaux qu'en bouteille...et c'est bien dommage...
Vive ton esprit d'écrivain, qui, quoiqu'il advienne, te fera vieux mais libre, où que tu sois, vieux pirate ;-)
Les bateaux en bouteille, oui, je n'y avais pas pensé...J'aime les commentaires comme les tiens Solveig, tels des textes en eux-mêmes !
RépondreSupprimerJe t'offre un peu de rhum pour trinquer à cette liberté d'écrire et d'imaginer que nous avons.
On a bien le temps de vieillir...
Besos !
Jack.
Je me brûle les ailes, au plaisir de tes commentaires Jackos! Merci!
RépondreSupprimerNous sommes bien le 2 novembre ? C'est un joli billet de saison. Quel apropos mon cher Jack ;)
RépondreSupprimerC'était hier, le jour des morts...
RépondreSupprimerBah, une petite fantaisie mortuaire où finalement on ne parle que de sexe ! Même si c'est de l'amour tranposé...^^
Besos P_o_L !
pensées nostalgiques?
RépondreSupprimerQue ferions-nous sans imagination!
*fantasme*.... de quoi égayer cette journée
biz Jack!
Plutôt pensées de bons souvenirs des amours marquants et magnifiques...
RépondreSupprimerBonne journée à toi, Victoria !
Besos...Jack.
Même ta fin de vie est sompteuse, faite de douceur, d'enlacements, bruits de soie qui s'affolent.
RépondreSupprimerProfites en encore un peu Jack, tant de belles aventures te tendent les bras.
Ah mais, j'observe, j'attends, j'hume. Bien sûr que ma vie n'est pas finie...
RépondreSupprimerEuh, qu'est-ce que tu fais ce soir, Maia ? ^^
Et voilà le pirate qui feint l'agonie pour faire des propositions à Maia ! Sacré toi va !
RépondreSupprimerEt non je ne suis pas jalouse non mais oh hein bon ...
En tout cas, tu rends la mort sympathique, c'est déjà beau.
Bonne journée. Des bises
Sacrée Sco ! Pas jalouse, hein mon oeil...^^
RépondreSupprimerC'est vrai qu'un texte comme ça fait relativiser les petits soucis de la vie quotidienne.
Besos Dame !
Quelle idée romanesque de la mort tu as! sourire...tu pirates donc même les situations morbides pour en faire un film à pleurer dans un mouchoir de dentelle!
RépondreSupprimertant que l'esprit est là... le reste suivra... et je vois que tes souvenirs sont diablement efficaces pour continuer à avoir la forme...
RépondreSupprimerau fait, si j'attrape par inadvertance la grippe A, je peux solliciter une de tes divines infirmières....?
quant à la fin de notre bouteille d'eau de vie... j'espère bien qu'elle arrivera au siècle prochain... tant qu'on y est...
amitié carolingienne
@ Mots d'Elle : Ben, je mourrais comme ça, non ? ^^
RépondreSupprimer@ Charles : C'est ce que suggérait Solveig, l'écriture donne la liberté dans la tête...
côté infirmière, tu crois qu'elle est quoi ma femme ? ^^
Besos à vous deux.
Le texte est bien écrit. Beaucoup d'humour s'en dégage pour dédramatiser les maisons de retraite. Les infirmières sont parfois belles, parfois ce sont de vraies pestes.
RépondreSupprimerJe n'irai JAMAIS... dans une maison de retraite.Dis-moi Jack, tu es encore jeune pour y penser non ? ;-)
Continue à naviguer et à écrire. Tu le fais si bien.
Bonne soirée.
Merci de ton passage Do...
RépondreSupprimerJe suis encore jeune mais j'aime écrire des situations un peu inhabituelles et je me suis mis dans la peau de ce vieillard. Pas mal, je suis un optimiste...
Bises à toi et bonne soirée !
ah Jack spleen quand tu nous tiens je crois que c'est l'effet de l'automne toutes ces feuilles qui agonisent valsent avec le vent une dernière danse moribonde...l'automne déteint sur nos humeur...mais Jack même si c'est l'imaginaire de l'écrivain qui est capable par le biais ce cette plume ensorcelante de nous attrister...je sens une peur de demain derrière un récit qui- malgré sa tristesse- me berce telle une cantique de sirène...je n'ai pas vu mes parent vieillir et c'est peut être mieux comme ça...amitiés de coeur pirate.
RépondreSupprimerAh non, je n'ai pas peur même si personne n'a envie de mourir, même pas moi...^^
RépondreSupprimerJe crois que la vieillesse est le moment où on récolte ce qu'on a semé, la paix ou pas qu'on a engrangé, l'amour qu'on a eu pour les autres et reçu aussi.
On verra, Inch Allah chère Flora !
Besos princesse...
Belle mort, cher Jack. Que j'aimerais en faire autant, moi, courtisane vénitienne dans l'âme, rassemblant tous mes amants, de ci, de là. Que j'aimerais que mon dernier souffle soit aussi mon dernier soupire et mon dernier râle. Mais alors, il ne me faudra peut être pas quitter ce monde trop tard, ni trop âgée. Qu'à cela ne tienne, j'aurais profité ;) Mille baisers plein de vie, joli pirate.
RépondreSupprimerOui tout à fait ça, partir au bon moment dans la joie de sa vie passée, dont on a profité pleinement. Je te souhaite une telle fin, mais pas tout de suite, tu as encore des choses à vivre, courtisane vénitienne !
RépondreSupprimerMille besos de pirate...
Jack
Le gourdin en sursis ah ah, ça m'a bien fait rire tiens.... joli texte, mourir de cette façon ça serait presque bien....
RépondreSupprimerOui, je me lâche sur les images des fois...^^
RépondreSupprimerC'est comme ça que je vois ma mort. Dans un lit, en revivant une dernière les meilleures choses de ma vie !
Besos Ysa...Jack.
J'en sors une certaine plénitude; des âmes et des souvenirs qui allègent ces moments! :o)
RépondreSupprimerChouette texte!
bisous
Merci Karine !
RépondreSupprimerQue la paix soit avec toi...mais le plus tard possible !
Besos
Jack