L’homme est presque élégant et son collier de barbe lui
donne le charme des aventuriers modernes même si son œil noir recèle le secret
des grands destins, de ceux qui n’ont profité d’aucun privilège, et dont la seule
force de caractère a suffi pour avancer dans ses conquêtes et vers sa gloire.
Achab serre les dents et son
rictus effraye l’équipage, redoutant sa morgue et son courroux.
Ils sont habitués à ses sautes d’humeurs,
malgré la bonne pêche, le temps clément et les milliers de tonneaux d’huile déjà
extraits et stockés dans la soute, prêts
à être vendus au premier port venu et au plus offrant. Mais la fortune ne
suffit pas au capitaine et guettant le ciel et les oiseaux, il cherche une
vigie imaginaire ou alors le signe d’une présence, d’un souffle bouillonnant
des eaux dont le dos serait immaculé de blanc…
Mais non. Il refait un tour sur
lui-même et ronchonne quelques mots en mastiquant du tabac qui finira par-dessus la rambarde,
bardant au passage quelque mouette malchanceuse.
Il descend de guingois dans sa
cabine, sonnant un tocsin de bois qui l’annonce à ceux du quart qui finissent
leur nuit, déjeunant encore dans les cuisines. Un regard panoramique les
fusille sur place puis il pousse la porte pour retrouver sa solitude, le seul
compagnon qu’il apprécie en ce bas monde. Mais souvent les apparences ne sont
pas celles qu’on croit…
- C’est toi Achab ?
- Qui veux-tu que ce soit ?
Personne ne sait que tu es là, Rachel.
- Viens me réchauffer. Ces chasses
à la baleine sont interminables et je commence à tourner en rond dans cette
cabine.
L’homme s’approche de la femme
mûre mais encore belle qui attend quelque chose de son compagnon. Il sourit un
peu mais reprend vite son rôle que son équipage connait bien, celui d’un bougon
colérique et fou, obnubilé par une baleine blanche qui lui a mangé une jambe,
jadis.
Les draps s’agitent et semblent habités par des montagnes russes,
libérant d’un coup les énergies positives d’un capitaine de roman qui
redevient, le temps d’un rêve, un homme libre…
La cabine d’un autre capitaine s’éveille
au même instant, donnant écho sans le savoir à d’autres ébats. Un coup de tête
dans une poutrelle fait tomber son tricorne et une belle moussaillonne, ayant
fait escale en tenue de polissonne, harangue son étalon.
- Jack ! Tu me racontes des
blagues, « Moby dick » ne s’est pas du tout passé comme ça. Achab n’était
pas marié !
- Ah, qui sait ? C’est un
roman de Melville, dis-je en me frottant la tête et grimaçant, on peut broder
un peu pour raconter une belle histoire qui finisse bien !
- Pour broder, tu joues drôlement
bien le Capitaine Achab, la belle souriant et roulant des yeux vers son ami comme partageant
là avec lui, un secret, une confidence…
Quelle jambe de bois ?
Jack Rackham ^^
Je trouve bien plus romantique de pêcher une jolie moussaillonne qu'une baleine blanche! Ah Gregory Peck! Borgne et boîteux, tout ce qu'aiment les femmes de caractère!
RépondreSupprimerJe savais que je trouverais chez toi, une oreille attentive, le goût des vraies aventures, l'instinct parlant de la vraie moussaillonne de caractère retrouvant là le pimpant de la vie via une vraie gueule de pirate ;) Besos vous ♥
SupprimerJolie aventure, captain ! J'en suis encore ébouriffée.
RépondreSupprimerBelle santé aussi, ce capitaine Achab qui enchanta des générations de lecteurs avide d'épopées humides et rugissantes. Personnellement, je préfère la chaleur moite de la cabine, aux entreponts glissants et sombres. Surtout si on me fait la lecture !
¸¸.•*¨*• ☆
Merci, j'aime t'ébouriffer chère Célestine. C'est vrai que ce roman, illustré dans mon imaginaire par le film de John Huston, à enchanté des générations de lecteurs/spectateurs et encore aujourd'hui cette histoire de Melville reste une référence ^^
SupprimerJustement, je propose de t'en lire quelques passages avec force mimes et accessoires, je te laisse la surprise de ma mise en scène par mes soins concoctée...;)
Besos de Capitaine ♥