J’avais troqué mon vieux tricorne attaché aux histoires multiples
de mes conquêtes contre un casque colonial neuf et un nouveau costume d’oncle
d’une nièce riche héritière, ayant un besoin express de ma protection. J’avais
pris mon rôle au sérieux et un air le plus renfrogné possible, histoire de
mettre de la distance avec les inopportuns et les casse-couilles. Pour les
malfaisants, je m’y connaissais déjà un peu et savais m’y prendre à force grands coups de
pied là où je pense…
Une nièce tombée du ciel, ça ne s’invente pas mais pourtant elle
était là, telle une oie blonde et blanche, répondant au doux nom de Patricia.
Pas celle de mes turpitudes littéraires avec les grands singes des montagnes,
non, mais une plus jeune débarquée directement dans ma vie via un tonton
mexicain dont j’avais pris l’identité fortuitement et spontanément.
Elle était là, toute guillerette et bavarde, s’étonnant de
tout et de rien, sautillant d’une conversation à l’autre et échangeant avec un
autre spécimen tout aussi tartignole, un certain Antoine. Les deux
faisaient la paire et échangeaient sur les grands sujets du monde, du Pourquoi
on n’est pas tous égaux à La trompe des éléphants ne sert pas à ce qu’on croit !
M’interpelant à tout bout de champ, j’essayais de garder mon
calme et de répondre le mieux possible à
leur ignorance.
- L’oncle ! (C’était mon nouveau nom de baptême) Vous ne vous
rendez pas compte quand on vit à l’autre bout du monde, on ne sait pas ce que c’est
de vivre loin de Paris, et même à Montargis !
- Montauban, c’est pas mal aussi. J’ai bien connu la rue des
Mimosas, à Paris y’en avait pas !
Commençant à trépigner intérieurement, je proposais d’aller
s’enfiler quelques petits verres de gnôle dans la cuisine, accompagné par
quelques tontons pour pas être seul avec les deux zozos dans le costume étroit
de cet oncle incarné…
Ça me rappelait quelques scènes de vieux films avec des
gangsters, remplis de bruits de pistolets silencieux –bup bup – tirant dans
tous les sens. Les petits verres passaient de main en main avec cérémonie et
délicatesse, chacun ajoutant une anecdote sur une fille qu’il avait connue ou prêtant
un goût particulier et imagé à l’élixir.
Malgré les effets fortifiants du breuvage, je me rendais
compte que je préférais mes habits de pirate et supportant une dernière fois la
philosophie bas de caisse du petit ami de la donzelle, je lançais une tirade
venant du diable vauvert et me rappelant quel que chose :
« Patricia, mon
petit... je ne voudrais pas te paraître vieux jeu ni encore moins grossier,
l'homme de la pampa, parfois rude reste toujours courtois, mais la vérité
m'oblige à te le dire : ton Antoine commence à me les briser
menu ! »
D'où le titre...
*
Les Tontons flingueurs (Lautner 1963) est le troisième film tiré du
roman d’Albert Simonin « Grisbi or not Grisbi » après Touchez pas au
Grisbi (Becker 1953) et Le Cave se Rebiffe (Grangier 1961). Des deux derniers
dialogués par Michel Audiard, les TONTONS FLINGUEURS restera un film culte
autant pour les scènes d’acteurs populaires tels Lino Ventura ou Bernard Blier
que les dialogues ciselés dans l’argot parisien, tels :
« Non mais t'as déjà vu ça ? En pleine paix !
Il chante et puis crac, un bourre-pif ! Il est complètement fou ce mec.
Mais moi, les dingues, je les soigne. Je vais lui faire une ordonnance, et une
sévère… J'vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu'on va
l'retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle2.
Moi, quand on m'en fait trop, j'correctionne plus : j'dynamite,
j'disperse, j'ventile ! »
« Mais y connaît pas Raoul ce mec ! Y va avoir un
réveil pénible... J'ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter qu'le
sang coule... Mais maintenant c'est fini... je vais le travailler en
férocité... le faire marcher à coups de latte... À ma pogne je veux le voir...
Et je vous promets qu'il demandera pardon !... Et au
garde-à-vous ! »1
« Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les
reconnaît. »
Et dans la scène de la cuisine :
« Tiens, vous avez sorti le vitriol ?»
« Il date du Mexicain, du temps des grandes
heures »
« Seulement, on a dû arrêter la fabrication, il y a des
clients qui devenaient aveugles »
« Ah, il faut reconnaître, c'est du
brutal ! »
Et tant d’autres répliques dites par les tontons flingueurs
qu’étaient Lino VENTURA, Bernard BLIER, Francis BLANCHE, Robert DALBAN, Jean
LEFEBVRE, Horst FRANK et Venantino VENANTINI.Et bien sûr Claude RICH, dans le rôle d'Antoine...et Sabine SINJEN faisant Patricia! ^^
Dessin/Illus : Moëbius.
Un tonton comme toi ne donne pas envie de sortir un flingue! Que tu me manques j'aurais bien besoin d'un ami pour sortir tous les zazous alléchés par ma fille qui prennent la maison pour une auberge de jeunesse!
RépondreSupprimerAh ces enfants, ils abusent! ;)
SupprimerJe prends ma goélette volante et j'arrive...Rackhaaam, c'est moi, fuyez ouste dehors!!! ^^
Besos chère Orfeenix, tu me manques aussi ♥
Hé hé ! captain, chouette billet sur un thème qui m'est bien connu. Ne sais-tu pas que Michel A. est une de mes pères putatifs... Enfin, non, tu ne peux pas le savoir...
RépondreSupprimerPapa disait toujours : "J'ai bon caractère, mais j'ai le glaive vengeur et le bras séculier. L'aigle va fondre sur la vieille buse !" c'est chouette comme métaphore, non ?
besos
¸¸.•*¨*• ☆
Ah les grands dialoguistes du Cinéma, Audiard n'a pas été remplacé même si j'ai déjà vu quelques noms au talent récurent ;)
SupprimerTon papa a bon goût et le sens de la tirade appropriée ^^
Besos chère voyageuse des mots ♥