lundi 7 décembre 2015

Les Toilettes étaient fermées de l'intérieur



De temps en temps sur mon blog pirate, je fais un petit voyage dans le temps où non seulement je quitte le monde de la piraterie mais aussi celui de mon enveloppe actuelle, et je redeviens un jeune bambin à la peau lisse et dénué de tout vice. Quoi que… Je m’appelle alors Le Petit Rackham- dit Racame- et je retrouve comme d’habitude mes copines Orfénique et Maia Luna qui ont alors le même âge que moi…

On avait commencé une partie de cache-cache pendant la récré et sans le vouloir, nous nous étions retrouvés enfermés dans les cabinets. On avait laissé passer l’heure, et plus personne ne nous retrouverait avant demain, j’en avais bien peur. C’était un endroit sombre et puant comme dans un épisode de X-files (où même les portables cellulaires les plus sophistiqués ne passaient pas). 

- Tu es là, Orfénique ? Et toi Maia ?
- Oui
- Oui
- Remarquez, ça aurait pu être un piège…et si je n’étais pas Racame, hein ?
- Ahaaaa !!!...
- Ahaaaa !!!...Hi hi !
- Mais non, je rigoulais ! C’est moa… (Elles sont bêtes ces filles^^)
- Mais non mon cher Racame, je ne suis pas tombée dans le panneau. C’est Maia qui a crié, moi j’ai fait semblant ! Hi hi !
- C’est pas malin, z’aurais pu avoir un arrêt cardiaque !(Maia se met toujours à zozoter dans ces aventures)
- Bon, on ne voit rien ici. J’ai oublié mon briquet pour les pétards, dans ma trousse à Malabars…mais il doit bien y avoir un interrupteur par là, je vais le trouver, foi de Racame !
- Un livre de poésie, ça ne sert pas à ouvrir les portes mais à appeler à l’aide un pion que j’ai envouté par mes rimes incendiaires, lui allumant le cœur pour qu’il ne m’oublie jamais ! (et montré mes tétés sur Skype mais chut !)
- Z’êtes des balourds, Orfénique et Racame. Ze vais appeler mon dragon magique qui va défoncer cette porte avec un coup de queue qui rendra zaloux tous les pirates du monde ! (ding ! clin d’œil) 

Chacun plongé dans son plan de délivrance, on entend dans le noir effleurements, poèmes et incantations "maziques" mais rien ne se passe. Une petite voix intérieure les apaise pourtant et leur dit que s’ils restent ensemble et unis, rien ne pourra les empêcher d’y arriver, qu’ils seront bientôt délivrés du noir qui les effraye tant...

Puis la magie de l’amitié, l’instinct de survie, la malice des enfants et la complémentarité de leurs forces, fait que Racame prend Orfénique par la main et la hisse en tirant la langue au dessus de ses épaules, pendant que Maia grimpe sur son côté agile comme Peter Pan, arrivant jusqu’à Orfée qui lui pousse les fesses pour atteindre enfin l’entrebâillement de la porte des cabinets !

Maia lançant alors un grand : A L’AIIIIIIIIDE !!!!! 

Ils sont sauvés…

Ils sont délivrés par le concierge qui tourne la grosse clé noire « J’avais oublié mes outils quand j’ai entendu un hurlement horrible » et se congratulent chaleureusement comme des frères d’armes. Ils ont du mal à se dire au revoir et à se quitter, mais ils savent qu’ils se reverront demain à l'école.

Ils ont vécu une chose extraordinaire, qui les unira pour toujours, du moins jusqu’à ce qu’ils grandissent et deviennent des adultes.

Mais ça, c’est une autre histoire…qui leur arrivera un jour !

Jack Rackham

jeudi 3 décembre 2015

L'Homme de la Pampa



J’avais troqué mon vieux tricorne attaché aux histoires multiples de mes conquêtes contre un casque colonial neuf et un nouveau costume d’oncle d’une nièce riche héritière, ayant un besoin express de ma protection. J’avais pris mon rôle au sérieux et un air le plus renfrogné possible, histoire de mettre de la distance avec les inopportuns et les casse-couilles. Pour les malfaisants, je m’y connaissais déjà un peu  et savais m’y prendre à force grands coups de pied là où je pense…

Une nièce tombée du ciel, ça ne s’invente pas mais pourtant elle était là, telle une oie blonde et blanche, répondant au doux nom de Patricia. Pas celle de mes turpitudes littéraires avec les grands singes des montagnes, non, mais une plus jeune débarquée directement dans ma vie via un tonton mexicain dont j’avais pris l’identité fortuitement et spontanément. 

Elle était là, toute guillerette et bavarde, s’étonnant de tout et de rien, sautillant d’une conversation à l’autre et échangeant avec un autre spécimen tout aussi tartignole, un certain Antoine. Les deux faisaient la paire et échangeaient sur les grands sujets du monde, du Pourquoi on n’est pas tous égaux à La trompe des éléphants ne sert pas à ce qu’on croit ! 

M’interpelant à tout bout de champ, j’essayais de garder mon calme et de répondre le mieux possible  à leur ignorance.

- L’oncle ! (C’était mon nouveau nom de baptême) Vous ne vous rendez pas compte quand on vit à l’autre bout du monde, on ne sait pas ce que c’est de vivre loin de Paris, et même à Montargis !

- Montauban, c’est pas mal aussi. J’ai bien connu la rue des Mimosas, à Paris y’en avait pas !

Commençant à trépigner intérieurement, je proposais d’aller s’enfiler quelques petits verres de gnôle dans la cuisine, accompagné par quelques tontons pour pas être seul avec les deux zozos dans le costume étroit de cet oncle incarné…

Ça me rappelait quelques scènes de vieux films avec des gangsters, remplis de bruits de pistolets silencieux –bup bup – tirant dans tous les sens. Les petits verres passaient de main en main avec cérémonie et délicatesse, chacun ajoutant une anecdote sur une fille qu’il avait connue ou prêtant  un goût particulier et imagé à l’élixir.

Malgré les effets fortifiants du breuvage, je me rendais compte que je préférais mes habits de pirate et supportant une dernière fois la philosophie bas de caisse du petit ami de la donzelle, je lançais une tirade venant du diable vauvert et me rappelant quel que chose :
 « Patricia, mon petit... je ne voudrais pas te paraître vieux jeu ni encore moins grossier, l'homme de la pampa, parfois rude reste toujours courtois, mais la vérité m'oblige à te le dire : ton Antoine commence à me les briser menu ! »

D'où le titre...

*

Les Tontons flingueurs  (Lautner 1963) est le troisième film tiré du roman d’Albert Simonin « Grisbi or not Grisbi » après Touchez pas au Grisbi (Becker 1953) et Le Cave se Rebiffe (Grangier 1961). Des deux derniers dialogués par Michel Audiard, les TONTONS FLINGUEURS restera un film culte autant pour les scènes d’acteurs populaires tels Lino Ventura ou Bernard Blier que les dialogues ciselés dans l’argot parisien, tels :

« Non mais t'as déjà vu ça ? En pleine paix ! Il chante et puis crac, un bourre-pif ! Il est complètement fou ce mec. Mais moi, les dingues, je les soigne. Je vais lui faire une ordonnance, et une sévère… J'vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu'on va l'retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle2. Moi, quand on m'en fait trop, j'correctionne plus : j'dynamite, j'disperse, j'ventile ! »

« Mais y connaît pas Raoul ce mec ! Y va avoir un réveil pénible... J'ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter qu'le sang coule... Mais maintenant c'est fini... je vais le travailler en férocité... le faire marcher à coups de latte... À ma pogne je veux le voir... Et je vous promets qu'il demandera pardon !... Et au garde-à-vous ! »1

« Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. »

Et dans la scène de la cuisine :

« Tiens, vous avez sorti le vitriol ?»
« Il date du Mexicain, du temps des grandes heures »
« Seulement, on a dû arrêter la fabrication, il y a des clients qui devenaient aveugles »
« Ah, il faut reconnaître, c'est du brutal ! »
« J'ai connu une Polonaise qui en prenait au petit déjeuner ».

Et tant d’autres répliques dites par les tontons flingueurs qu’étaient Lino VENTURA, Bernard BLIER, Francis BLANCHE, Robert DALBAN, Jean LEFEBVRE, Horst FRANK et Venantino VENANTINI.Et bien sûr Claude RICH, dans le rôle d'Antoine...et Sabine SINJEN faisant Patricia! ^^



  Dessin/Illus : Moëbius.

mercredi 25 novembre 2015

La Goélette des Blogs



De gros nuages noirs venaient d’assombrir le ciel du monde, des pirates maléfiques attaquant tout navire au hasard de leur soif de sang et semant la terreur sur tous les ponts. Mon tricorne carburait pour trouver une idée, pour se dérouter du sillage de la peur et retrouver l’âme des vertes années où en fermant les yeux, une seule image apparaissait devant moi : celle de bouteilles de rhum à la queue-leu-leu montant jusqu’au paradis…

J’avais lancé une petite invitation à quelques amis partageant ma blogosphère pour venir jusqu’à ma goélette et  passer un moment, quelques jours, des vacances, s’ils le voulaient. Mon ami le Magicien me donna un coup de main pour le carton d’invitation et la ligne directe vers mon bateau, nulle explication n’étant à fournir car un magicien aime à garder ses petits secrets, vous vous en doutez.

Celestine fut la plus dure à convaincre, une histoire de hamac et de chocolat entre nous mais la magie opéra et elle sembla ravie de s’aérer jusqu’à mon pont, elle en avait besoin m’avoua t-elle. Bizak ronchonna un peu, suite à une plaisanterie malheureuse de ma part dont j’ai oublié la teneur, mais la présence de Célestine l’amadoua et la promesse de celle d’Orfeenix finit de le convaincre. Il arriva  par le tapis volant de 9h57, affrété spécialement pour lui. Jerry Ox les suivit de près, atterrissant dans un flot de mélodies musicales et manquant une marche sous le gros rire de Bosco. 

Puis ce fut le tour de Rosée du Matin, qui gara sa mobylette gonflable contre le bateau, et de Fred Demars mettant pour la première fois depuis longtemps le pied hors de son continent.

« J’ai pris mon dico d’anglais, on sait jamais ça peut servir. »

Orfeenix arriva enfin, telle une princesse de conte de fées, en parapluie volant à la Mary Poppins ou Nanny McPhee. Cela sembla donner le signal de départ de la journée et les hommes semblèrent très excités aussi à la présence de ces demoiselles et damoiseaux. 

C’était bon de voir Bizak entre les deux donzelles, les yeux ronds et grands ouverts de bonheur, palpant et serrant ses blogueuses favorites et heureux comme un enfant. Rosée avait commencé à se lier d’amitié avec deux beaux matelots musclés, pendant que Jerry n’arrivait plus à se défaire d’un Bosco très entreprenant qui voulait lui faire goûter de sa « Tarte aux fraises ». Fred semblait pensive et regardait le lointain pendant que Mildred s’occupait de son décolleté, grimpé sur la hune et plongeant vers ce point de vue magnifique …

Je ne sais plus qui proposa un poker arrosé avec un petit intéressement et des enjeux plus imagés, Orfeenix je crois, mais la soirée pris une autre tournure que j’avais à peine imaginé. Si Célestine se coucha au sens propre et figuré, elle ressemblait à un ange quand elle balançait endormie dans son hamac au clair de lune, les autres entamèrent une longue nuit de cartes, de rhum, et de camaraderie. 

Rosée avait l’air d’une vraie pirate avec son bandeau noir et son ceinturon, un sabre planté près d’un sac de pièces d’or qu’elle avait gagné, ainsi qu’une nuit avec un matelot dont on attendait le tirage au sort incessamment sous peu. 

Jerry jouait de la guitare et amassa une petite fortune en écoulant tout son stock de CD de sa production, prenant les commandes pour sa nouveauté à venir.

Après un strip-poker improvisé clôturant la partie, on s’était enfermé à clefs avec Orfeenix dans ma cabine pour faire une blague  à Bizak, sautant sur un vieux sommier grinçant, en hurlant et criant comme des amoureux en rut ! Ouvrant enfin la porte, on lui raconta la vérité et on partit dans de grands éclats de rire, dignes des plus belles amitiés. La suite n’est pas à mettre entre toutes les oreilles, car cela doit rester le secret des marins et des marines… ^^

Au petit matin, Fred jouait encore avec Mildred à Titanic, à la proue du Poseidon. Les bras écartés et les cheveux au vent. 
Quelque chose avait du se passer qui avait changé son cœur.

 Elle souriait…

Jack Rackham

Photo montage : Ramon Bruin.

jeudi 12 novembre 2015

Le Cercle des Poétesses de miss Dunn



Miss Dunn avait consacré sa vie à l’enseignement et il lui semblait que cela ralentissait chaque jour le cours de sa vie, au point que le temps avait ricoché sur d’autres lui épargnant les signes d’un âge trop marqué. Elle promenait partout son sourire bienheureux, d’une classe à l’autre, d’une génération à l’autre, prodiguant ses leçons de littérature avec ferveur et innocence, énergie et patience. N’avaient qu’à bien se tenir les porteurs de préjugés, de vilénies ou de banalités, elle était là à expliquer, détailler, vaincre sans convaincre pour dénaturer la personnalité de ses ouailles. Personne ne connaissait vraiment à l’école sa vie privée, sauf certains qui avait pu venir manger chez elle quelques saumons aux épinards et à l’ananas en papillotes ou un tiramisu à l’orange et au Grand Marnier. Regardant passer au dessert les fruits du péché, sa progéniture, ou quelques amants et géniteurs choisis, toujours courtois avec les jeunes gens, sinon gare…

La nature ne l’avait pas volée, lui donnant un air de « Grâce » vu dans les tableaux des plus grands peintres, et son œil mutin rendait compte de sa vivacité d’esprit pendant que l’autre dégageait la bonté la plus douce de toutes les créatures célestes et terrestres. 

Sa grandeur d’âme, en dehors des heures de classe, l’avait conduit à reproduire la réunion d’éléments particuliers de sa classe sous le nom de Cercle des Poétesses, qui honoreraient les anciennes gloires littéraires de l’école et reprendraient les louables préceptes et traditions de l’école de la Poésie. La gente féminine était majoritaire même si les jeunes hommes n’étaient nullement exclus, sauf par leur brutalité intellectuelle et morale. Clara Dunn leur apprit à aiguiser leur libre-arbitre et leur sens des valeurs, saupoudrant le tout de l’œuvre des grands auteurs et auteures. George Sand et Charlotte Brontë étaient leurs idoles et leurs référents, mais comment l’amour des mots du XIXème siècle aurait-il pu écarter Lamartine, Musset, Mallarmé ou Rimbaud de leurs lectures en réunion secrète ? 

Le romanesque s’adjoint alors au romantisme et Hugo, Stendhal, Flaubert avec eux. Ambiances feutrées et tamisées sous des tentures usées et poussiéreuses donnant plus encore de mystère à ces complicités de jeunes filles pubères, qui découvraient des champs nouveaux à leur cerveau et à leur corps. Le professeur de français veillait en tous cas à la bonne évolution de tout l’attirail, livrant parfois quelques secrets de fonctionnement aux plus fines et curieuses. Quelques « Carpe diem » fusèrent parfois à la sauvette entre deux cours, et « Amazone ô mon Amazone » fut un cri à la gloire discrète de leur Cercle pas encore disparu…

Quelques aventures amoureuses l’agrémentèrent aussi, jeunesse oblige découvrant le plaisir et la peur, mais miss Dunn resta discrète à ce sujet d’autant qu’elle fut l’objet de sentiments incontrôlables de la part de quelques jeunes gens, et de jeunes filles parfois. Sa gourmandise et sa sensibilité épicurienne l’avaient entrainée vers des chemins périlleux mais elle avait su se reprendre, se lançant à corps perdu dans une production intensive et qualitative de poèmes qui furent diffusés dans le monde entier via ses blogs ! Seuls quelques hommes d’âge mûrs ont droit à ses faveurs aujourd’hui, des pirates m’a-t-on dit. ^^
 
D’ailleurs, elle a tenu à ouvrir le bal de fin d’année avec Monsieur Pierce pour le centenaire de l’école, montrant encore une belle forme et levant haut la jambette…

Jack Rackham

*
Quelques échanges ici avec Orfeenix et Célestine, m’ont rappelé le beau film « Le Cercle des Poètes disparus » et j’ai tenu à lui faire cet hommage indirect, racontant le récit d’une belle enseignante passionnée. 
Promesse tenue Orfée, vivement ma génoise aux pêches…♥

Film de 1989 réalisé par Peter Weir, il couronna la carrière de Robin Williams interprétant avec brio le Professeur Keating. Il disparait subitement en 2014, laissant une soixantaine de films et 1 oscar. Affiche originale du film ci-dessous.



Autres photos : Emma Thompson, et Emma Thompson/Pierce Brosnan dans Love Punch.