Miss Dunn avait consacré sa vie à l’enseignement et il lui
semblait que cela ralentissait chaque jour le cours de sa vie, au point que le
temps avait ricoché sur d’autres lui épargnant les signes d’un âge trop marqué.
Elle promenait partout son sourire bienheureux, d’une classe à l’autre, d’une
génération à l’autre, prodiguant ses leçons de littérature avec ferveur et innocence, énergie
et patience. N’avaient qu’à bien se tenir les porteurs de préjugés, de vilénies
ou de banalités, elle était là à expliquer, détailler, vaincre sans convaincre
pour dénaturer la personnalité de ses ouailles. Personne ne connaissait vraiment
à l’école sa vie privée, sauf certains qui avait pu venir manger chez elle
quelques saumons aux épinards et à l’ananas en papillotes ou un tiramisu à l’orange
et au Grand Marnier. Regardant passer au dessert les fruits du péché, sa
progéniture, ou quelques amants et géniteurs choisis, toujours courtois avec
les jeunes gens, sinon gare…
La nature ne l’avait pas volée, lui donnant un air de « Grâce »
vu dans les tableaux des plus grands peintres, et son œil mutin rendait compte
de sa vivacité d’esprit pendant que l’autre dégageait la bonté la plus douce de
toutes les créatures célestes et terrestres.
Sa grandeur d’âme, en dehors des heures de classe, l’avait
conduit à reproduire la réunion d’éléments particuliers de sa classe sous le nom
de Cercle des Poétesses, qui honoreraient les anciennes gloires littéraires de
l’école et reprendraient les louables préceptes et traditions de l’école de la
Poésie. La gente féminine était majoritaire même si les jeunes hommes n’étaient
nullement exclus, sauf par leur brutalité intellectuelle et morale. Clara Dunn leur
apprit à aiguiser leur libre-arbitre et leur sens des valeurs, saupoudrant le
tout de l’œuvre des grands auteurs et auteures. George Sand et Charlotte Brontë
étaient leurs idoles et leurs référents, mais comment l’amour des mots du
XIXème siècle aurait-il pu écarter Lamartine, Musset, Mallarmé ou Rimbaud de
leurs lectures en réunion secrète ?
Le romanesque s’adjoint alors au romantisme et Hugo,
Stendhal, Flaubert avec eux. Ambiances feutrées et tamisées sous des tentures usées
et poussiéreuses donnant plus encore de mystère à ces complicités de jeunes
filles pubères, qui découvraient des champs nouveaux à leur cerveau et à leur corps.
Le professeur de français veillait en tous cas à la bonne évolution de tout l’attirail,
livrant parfois quelques secrets de fonctionnement aux plus fines et curieuses.
Quelques « Carpe diem » fusèrent parfois à la sauvette entre deux
cours, et « Amazone ô mon Amazone » fut un cri à la gloire discrète
de leur Cercle pas encore disparu…
Quelques aventures amoureuses l’agrémentèrent aussi, jeunesse
oblige découvrant le plaisir et la peur, mais miss Dunn resta discrète à ce
sujet d’autant qu’elle fut l’objet de sentiments incontrôlables de la part de
quelques jeunes gens, et de jeunes filles parfois. Sa gourmandise et sa
sensibilité épicurienne l’avaient entrainée vers des chemins périlleux mais
elle avait su se reprendre, se lançant à corps perdu dans une production
intensive et qualitative de poèmes qui furent diffusés dans le monde entier via
ses blogs ! Seuls quelques hommes d’âge mûrs ont droit à ses faveurs
aujourd’hui, des pirates m’a-t-on dit. ^^
D’ailleurs, elle a tenu à ouvrir le bal de fin d’année avec
Monsieur Pierce pour le centenaire de l’école, montrant encore une belle forme
et levant haut la jambette…
Jack Rackham
*
Quelques échanges ici avec Orfeenix et Célestine, m’ont
rappelé le beau film « Le Cercle des Poètes disparus » et j’ai tenu à
lui faire cet hommage indirect, racontant le récit d’une belle enseignante
passionnée.
Promesse tenue Orfée, vivement ma génoise aux pêches…♥
Film de 1989 réalisé par Peter Weir, il couronna la carrière
de Robin Williams interprétant avec brio le Professeur Keating. Il disparait
subitement en 2014, laissant une soixantaine de films et 1 oscar. Affiche
originale du film ci-dessous.
Autres photos : Emma Thompson, et Emma Thompson/Pierce Brosnan dans Love Punch.
Miss Dunn et sa sensibilité épicurienne ...une professeur de rêve qui donne envie de philosopher sur les plus grands auteurs ...Merci Jack !
RépondreSupprimerJ'espère que cela t'a donné envie de te replonger dans les grands auteurs du XIXème ou de regarder à nouveau ce Cercle des Poètes disparus ! ^^
SupprimerÔ Capitaine mon capitaine, je trouve là une conjonction céleste de tout ce que j'aime.
RépondreSupprimerComment ne pas me sentir interpellée par ce portrait de belle enseignante passionnée, secrète et sensuelle, dans lequel je me reconnais, qui me donne plus d'une raison de me réjouir de connaître la belle Orfeenix, dont je suis allée lire les poèmes.
Et puis le film un des plus beaux, des plus lyriques, des plus poignants que j'aie jamais vu. Et puis Walt Whitman et sa poésie olympienne et somptueuse. Et puis mes poètes chéris du XIX° siècle, mon panthéon portatif que je trimballe d'escale en escale comme seuls rochers contre l'ennui existentiel.
Bref, merci à toi pour ce texte. Et longue vie à Orfée, la grande prêtresse de ces lieux, moi qui ne suis qu'une pâle vestale.
¸¸.•*¨*• ☆
Roôôo j'imagine déjà les grands yeux ronds d'Orfeenix s'écarquillant sur tes derniers mots, connaissant sa modestie qui n'est pas que légendaire...C'est vrai que nous échangeons depuis quelques années et partageons estime et affection, d'où certaines envolées littéraires ici ou là ^^
SupprimerJe suis ravi que tu te sois reconnue dans ce texte, il est aussi pour toi ! (voir libellés^^)
Besos chère Célestine ♥
Je fonds comme une gênoise! Tu ne l'auras pas volé ton dessert! Il est vrai que l' on ne s'est pas vus depuis longtemps et qu'il serait bon de se refaire une réunion d'artistes comme au Banana café où l' on pourrait rencontrer aussi notre nouvelle amie Célestine.
RépondreSupprimerJe suis un peu confuse car comme Célestine et moi sommes souvent associées je n'ose trop la complimenter sans avoir l'air de me congratuler moi même, mais en toute sincérité et pudeur,boudiou, quel talent! C'est ce que j'appelle un écrivain (car moi aussi je viens lire en catimini)!
Le portrait est très flatteur et je le prends comme une mignardise libertine,enjolivée et enjôleuse du XVIII! J'en rosis de plaisir, et c'est vrai qu'il n'y a que des pirates dans ma vie,gros câlin sur ton tricorne!
Se revoir...Encore meilleur qu'une génoise aux pêches, et rien n'empêche de faire le doublé!^^
SupprimerJ'ai fait le portrait que tu méritais, fermant les yeux et laissant la peinture se faire! Cela m'a rappelé un autre film de Robin Williams, "Au delà de nos rêves", véritable hommage à l'Art et à l'Amour dont tu aurais pu être l'égérie...♥
Célestine est vraiment une écrivain qui a la plume d'un pirate, je savais que tu le verrais ;)
Besos aux pêches ♥ ♥
N'en jetez plus, mes amis, me voilà cramoisie comme l'intérieur d'une figue volée sur l'arbre...
SupprimerVous rencontrer ici ou là, oui pourquoi pas ?
En tous cas, vertudieu, ne boudons pas le plaisir de nous congratuler mutuellement, il y en a tant qui s'acharnent à s'écharper...Un peu de douceur dans un monde brutal, c'est bon ça !
¸¸.•*¨*• ☆
Tu mérites ces compliments Célestine, foi de Rackham! ♥
SupprimerPour se voir, effectivement on va envisager ça prochainement ^^
Besos galinette ♥ ♥