lundi 27 avril 2020

Kim, revenue d'Entre les morts


John (Scottie) tenait fermement la main de Madeleine, ou plutôt de Judy le prénom qu’elle portait quand il l’avait rencontrée la seconde fois-fruit de l’arnaque montée de toute pièce par son ami Gavin-et il savait qu’il ne la lâcherait pas. Pas cette fois…

Le destin lui avait accordé une chance supplémentaire et là, il ne la laisserait pas passer. Il regardait Madeleine qui transpirait abondamment, suspendue dans le vide, et il la ramenait vers lui, lentement et aussi solidement que si leurs mains étaient soudées comme deux étaux. Elle, posant un premier pied nu sur le rebord du parapet, il la pressait contre lui et respirait son odeur forte de transpiration et de maquillage réunis, ce qui l’excitait plus encore d’être contre elle.

Il la serra encore et elle se blottit soulagée, imaginant la fin horrible qui lui aurait été promise. Ils se sourirent mutuellement puis s’embrassèrent, lentement et avec un certain délice de ce sauvetage inattendu.

En un instant, John lui pardonna tout et Kim se mit à l’aimer, plus encore de ce pardon ressenti. Les deux oublièrent même le complice instigateur de ce stratagème qui avait exécuté sa propre femme et vivait quelque part en ignorant tout de ces nouveaux ressorts de destinée. Après tout, peu importait…

Se tenant par la main, John et Madeleine se dirigèrent vers les escaliers de bois en saluant la Mère religieuse qui était restée là, tétanisée par la succession de tous ces évènements. Puis ils dévalèrent toutes les marches jusqu’en bas puis rejoignirent la Buick, garée dans l’allée devant l’église. Ils regardèrent les arches blanches une dernière fois, comme pour dire adieu à une malédiction.

 Tout alla très vite ensuite : Décidant de quitter le pays, car ils ne voulaient plus croiser Gavin dans les parages et ne pouvant le dénoncer sans compromettre Madeleine/Judy, ils prirent la direction de l’Europe comme pour un voyage de noces, John voulant se faire pardonner de sa reconstitution théâtrale qui avait failli mal tourner. Et ils ne tardèrent pas à se marier effectivement, sitôt fait leur nouvelle vie, avec de nouveaux voisins, de nouveaux amis.

Mais ils n’eurent pas d’enfant malgré le grand amour qui les unissait, John étant trop jaloux, peut-être la peur d’avoir un concurrent trop direct…^^

Elle garda sa teinture blonde et cette coupe de cheveux qu’il aimait tant, mais aussi ce prénom, Madeleine. Il était comme le lien entre l’ancien et ce nouvel Amour, le gardien de tous ces souvenirs. Ce moment où il l’avait déshabillée de retour de cette fausse noyade du pont de San Francisco où elle faisait semblant d’être évanouie, ce linge étendu sur le fil aux accents impudiques, cette carpette aux allures de peau de bête animale.

Ils n’avaient jamais reparlé de ce moment-là, mais le refaisaient en pensée prolongeant le plaisir à l’infini, dans des multitudes de variations qu’ils n’auraient pas imaginé avec un(e) autre...

Jack Rackham

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Vertigo (Sueurs froides) est un film d’Alfred Hichcock sorti en 1958 racontant l’histoire d’un homme (James Stewart) sujet au vertige, victime d’une machination par un vieil ami qui veut se débarrasser de sa femme. Engageant une actrice (Kim Novak) qui lui ressemble, il se sert du vertige de l’homme pour élaborer son plan : lui faire croire à la dépression de sa femme puis à son suicide. Le moment venu,  l’homme est donc incapable de sauver la femme à cause de son infirmité, pendant que de son côté, l’ami a déjà tué sa vraie femme, donnant le change avec le faux suicide de l’actrice. Convalescent après cette tragédie dont il est le témoin involontaire, il retombe par hasard dans la rue sur l’actrice, puis peu à peu va tout découvrir…Jusqu’à la mort accidentelle de celle-ci, dans des circonstances identiques à la première, alors qu’il a réussi à vaincre son vertige !

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Kim Novak (interprétant Madeleine/Judy) est née en 1933 et tournera en 1958 « Vertigo », son seul film sous la houlette du grand maître Alfred Hitchcock.

Sa carrière commence en 1953. Entre autres, ce furent : Picnic (1955), L’Homme au bras d’Or (Preminger 1955), Tu seras un Homme, mon fils (1956), La Blonde ou la rousse (1957), L’Adorable voisine (1958), L’Inquiétante Dame en noir (1962), Embrasse-moi Idiot (Wilder 1964), Les aventures amoureuses de Moll Flanders (T.Young 1965), Le Démon des Femmes (Aldrich 1968), Le Triangle du Diable (1975 TV),  Le Miroir se brisa (1980), et elle tourne son dernier film en 1991 (Traumatismes).

Nota : Elle a été doublée dans Vertigo par Nadine Alari. Et Judy est remplacé par « Lucy » en version française.




Et Vertigo est une adaptation du roman de Boileau-Narcejac : D'Entre les Morts (1954)

Photos : Avec James Stewart/affiche de Vertigo/Kim novak seule.

2 commentaires:

  1. J'ai tellement aimé ce film à l'atmosphère envoûtante! Tu te souviens le trajet vers l'église avec la route bordée d'arbres, et les stations devant le tableau au bouquet et à l'étrange bijou? J'ai voulu partager cette émotions avec des élèves de 15 16 ans qui l'ont trouvé très drôle (!) parce que le jeu d'acteurs était vieillot et que Kim Novak sauvée de la noyade est coiffée et maquillée... Il n'y a plus de fraîcheur!

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    1. Oh oui, j'ai apprécié Ô combien ce film et essayé d'en comprendre tous les rouages. Et je n'ai pas parlé de cette visite aux baobabs qui donnait tant de mystère à ce passage...Justement, cette après-noyade recèle toutes les clefs de la relation Scottie-Madeleine, j'en évoque quelques unes ici. Bref, merci d'être venue échanger sur ce chef-d'oeuvre d'Hitchcock, même si c'était un vrai dictateur qui n'a pas facilité la suite de la carrière de Kim Novak ♥ Besos ma Belle !

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