jeudi 23 avril 2020

Une Île presque Déserte



Jim Peabody en avait rêvé depuis longtemps, comme la récompense d’une longue vie de travail et le fruit d’une mûre réflexion : Se retrouver loin du monde afin de profiter d’une solitude bien méritée, après cette cohue continuelle des bureaux enfumés et ces promiscuités de collègues bien obligées. Surtout cette Camélia Duncan, sa supérieure hiérarchique à la Compagnie des Indes-Comptoir des Caraïbes-où il avait fait toute sa carrière.

- Je vous en prie, Jim, un mode de rangement alphabétique conviendrait mieux à nos catalogues de fournitures, les classements par la taille sont assez puérils , à mon avis.

Et Jim lui tordrait bien le cou à cette mégère. Il avait même failli changer de spécialité dans le commerce, la proposition du sieur Rackham lui ayant parue par trop incertaine pour certaines promotions et avancement, notamment ce flou sur ces sortes de « Tartes aux fraises » qui revenaient sans cesse dans leurs conversations de bord, une sorte de code entre eux sans doute. Il était donc resté où il était et supporté quelques temps encore cette peste de Miss Duncan.  

Il choisirait donc la solitude pour ses vieux jours et il s’en était fait une raison, ne se projetant que dans une vie de lectures, de bricolages et d’art culinaire.

Et quand arriva l’orée de ses trente ans de service, il prépara son départ pour une petite île qu’il avait repérée sur la carte, et gardé secret son emplacement précis hormis pour se faire livrer les vivres et le matériel dont il avait besoin pour y passer le reste de sa vie. Une installation qu’il peaufinerait une fois sur place…

Sa vie prit alors une autre tournure, et très rapidement il oublia les horaires de la Goélette annuelle qui servait de navette aux environs de l’île-à deux jours de barque en allant vite- et se concentra sur les couchers de soleil, le ramassage des fruits pour la confiture et une petite cabane à bois pour la saison des pluies.

Bref, il ne s’ennuyait pas mais au fil du temps, il commença à attendre la Goélette annuelle pour voir quelques âmes parlantes et faire les courses de ce qu’il lui manquait. Quelques outils, et un phonographe, pour faire de la musique. Et justement, c’est au retour d’un de ces voyages en barque, qu’il se passa une chose inattendue…

La veille, un ouragan terrible avait balayé la côte et même arraché quelques arbres, ce qui fit venir Jim de ce côté-là avec une chariote pour les élaguer et transporter vers son hangar. Il entendit alors un bruit, comme une voix qui l’appelait.

Au bord de la plage en contrebas,  semblait être échoué un naufragé. Dans un entrelacs de planches et d’algues, une main s’agitait appelant à l’aide, désespérément. Jim accourra du plus vite qu’il le put et s’approchant du naufragé, balaya d’un revers de main sa figure recouverte de ses cheveux mouillés et de sang, en le relevant.

Camélia Duncan ! Cria-t-il spontanément, aussi étonné que s’il était Christophe Colomb en train de découvrir l’Amérique.

Mais là, c’était Camélia Duncan…



Il ne l’avait pas vue depuis plusieurs années, il l‘avait presque oubliée, et elle était là, presque nue, dans ses bras. La situation l’amusa mais c’est là que Camélia retomba dans les pommes. Petite nature…

Il leva la tête et vit plus loin un navire en train de couler. Pas d’autres naufragés à l’horizon venant vers lui, alors il mit Camélia dans la chariote, par-dessus les troncs de palmiers arrachés, et rentra à la maison.

Comme il fallait attendre près d’un an avant de rejoindre la prochaine navette, Jim Peabody prit la résolution de bien s’occuper de son invitée, la chouchoutant même jusqu’à son rétablissement complet. Ce qui arriva assez rapidement. Il avait été surpris d’abord de sa présence ici, puis troublé par sa nudité inattendue, la trouvant très belle. Quel âge avait-elle déjà ?

Mais les souvenirs du temps de la compagnie des Indes s’étaient estompés, et dès leurs premiers échanges, le passé semblait oublié…

- Allons Jim, le chahutant, maintenant que vous m’avez vue nue, nous pouvons bien aller nager à poil dans le lagon ? Qu’est-ce que vous en dites, hein ?

Camélia prenait souvent un ton hautain pour s’exprimer, mais c’était son genre. Une manière à elle de faire de l’humour, qu’il n’avait pas compris alors pendant de longues années. Là, il voyait une belle femme, pleine d’entrain et il pensait qu’il aurait tort d’en rester là, que sa vie allait prendre un tournant qu’il n’avait pas prévu.

De son côté, Camélia toisait Jim en levant le menton, et se disait qu’il était à son goût. Qu’elle aimerait le goûter en tous cas…
Se dévorant mutuellement des yeux, ils s’attrapèrent pour s’embrasser avec fougue et passion, se murmurant de concert :

Et si on ratait la prochaine navette ? J’ai idée qu’on a des choses à se dire et du temps à rattraper…Qu’est-ce que vous en dites ? Leurs yeux et leurs mains répondaient pour eux, ils étaient bien décidés à profiter de la vie.

Et côté taille, Camélia  avait décidé de laisser Jim faire à son idée...

Jack Rackham .


Premier titre, nouveau libellé : Histoires sans tain

Photo du milieu : Sharon Stone.

2 commentaires:

  1. Je me tue à le dire, fi de la Chloroquine, de la nicotine, de l'eau de Javel: la tarte aux fraises, le meilleur remède!

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    1. Tu as bien saisi le sens de ce texte, Orfée. Justement, c'est l'heure du goûter, si j'osais je te proposerais bien une part de tarte, de belle taille...♥

      (Tu vois, je pense à mes amies moussaillonnes en publiant de belles images pieuses au sens subliminal ^^)

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