vendredi 1 février 2019

Le Petit Rackham et la Femme du coiffeur



Quand j’étais petit, j’étais tombé sur un gentil coiffeur. Tombé était le bon mot car c’était par hasard en sortant de l’école, tombé de tout mon long vers la porte de sa boutique que je percutais faisant sonner le drelin d’accueil. Et gentil car il semblait dénué de toute vindicte hormis quelques parties de cartes qui avait mal fini au bistrot d’à-côté.

Je passais un mercredi sur deux, car les cheveux poussaient fort comme la forêt équatoriale ou les lentilles dans le coton mouillé. J’aimais venir dans ce salon coquet, décoré avec goût et sentant bon le parfum de Madame la coiffeuse, son épouse. La femme était discrète et souriante, levant la tête vers le nouvel entrant comme une horloge. J’y avais droit même si j’étais petit, trop à mon goût mais bon.

A chaque visite, je retenais un détail, un souvenir, une anecdote sur elle et je pouvais peu à peu cerner le personnage jusqu’à en tomber réellement amoureux, foi de petit Rackham. Ses longs cheveux tombants se bouclaient en descendant dans son dos et elle ressemblait aux actrices de Cinéma qu’on voyait sur les écrans au bas de la rue. Je devinais ses pensées, ses petits rictus d’étonnement ou ses grands froncements de sourcils.

Quand un jour… Son mari venait me de couper des poils du nez imaginaires, voulant sans doute m’encourager dans ma croissance, que j’aperçus un tic inconnu sur le visage de ma bien-aimée soupçonnant une manigance voir même un amour secret. Ce qui fut confirmé par quelques massages lascifs sur le bras, le nez au plafond et les pieds se chevauchant tournés l’un vers l’autre.

C’était écrit, elle me trompait en pensée avec un autre même si je n’imaginais pas encore les turpitudes de la sexualité,  faite de souffles, de poils, de grosses mains palpant et empoignant, sans compter les odeurs de toutes sortes.

Je regardais en sortant une dernière fois le visage bouffi de cette chère et tendre, et jurait de ne plus remettre les pieds chez ce coiffeur malhonnête. Malgré cela, j'allais traîner toute ma vie durant ce chagrin insurmontable et aussi la pousse inattendue mais incessante et toujours grandissante, des poils de mes oreilles.  

Ah ces petits coups de rasoir donnés dans le feu de la discussion le temps d’une coupe de cheveux mais des mois ou des années durant, perdu dans mes pensées plus très innocentes, mon gentil coiffeur m’avait bien eu...

 Jack

PS : Orfénique étant partie chasser le viking, déjà à cette époque, et Maia n’ayant en tête qu’à faire des confitures, j’ai du fouiller dans quelques souvenirs de jeunesse où je jouais les héros solitaires ^^

Images : Tome et Janry (dessin) et Le mari de la coiffeuse (film de Leconte, avec Anna Galiena)

2 commentaires:

  1. Oh ! merci pour ce joli souvenir de jeunesse fictif ou bien réel ...deviner les pensées de la femme du coiffeur ressemblant à une actrice de cinéma ...un rêve !

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