samedi 29 mai 2010

Uncle Boonmee, le Fantôme du Pirate


Le plancher du pont craqua une fois de plus. Je devais avoir de la visite, et je préparais déjà l'échiquier et la bouteille de gnôle, mon esprit visiteur avait ses habitudes...

Uncle Boonmee, un vieux thaïlandais, avait choisi mon rafiot pour hanter une dernière fois les siens. Eut-il mal visé pour réincarner son esprit en ces lieux, c'était au cours d'une partie de table tournante de Tim qui avait mal tourné que le vieux nous apparut...Nous nous retrouvions avec cet esprit perdu, et au bout de quelques conversations improvisées, nous avions pris l'habitude de jouer aux échecs en partageant quelques verres. J'avais aussi une petite idée derrière la tête au sujet d'une amie disparue...

J'avais appris à ménager Boonmee en le questionnant. Quelques phrases bien senties l'avait encouragé dans ses bavardages et j'en profitais pour en apprendre sur la réincarnation et les vies antérieures. Les récits de ses rencontres avec les fantômes de sa femme et son fils me laissaient des yeux grands écarquillés et même Tim, curieuse au début de ces réunions, avaient coutume de filer au village à son apparition, voir si une commande de la manufacture Laines et Pelotes n'était pas arrivée...

Je me régalais de ces confidences sur ce grand singe sombre aux yeux rouges sensé être son fils, et regardais autrement le moindre des ouistitis que je croisais dans la jungle au cours de cueillette de fruits rouges ou chasse aux morilles...A chaque rencontre, j'osais poser des questions de plus en plus précises jusqu'à demander carrément des nouvelles de ma chère et tendre Rita, disparue prématurément. Le vieil homme me regarda l'oeil malicieux et me lanca :
- Mais votre Rita ne vous a jamais quitté, elle est là sur ce bateau, à vos côtés...pour l'éternité ! 







J'imaginais ma Rita assister à chaque instants de ma vie, mes galipettes avec Tim, mes trocs aux parts de tartes aux fraises avec Bosco, mes rendez-vous avec Emma ma prof d'anglais, tous ces butinages qui pouvaient lui laisser penser que je pensais peu à elle en fait.


Une sorte de petite voix m'interpella, sous l'oeil complice de Boonmee au sourire suave. C'était Rita :
  • Voyons Jack, tu penses bien que ce n'est pas la fidélité qui a caractérisé nos relations. Nous étions le préféré l'un de l'autre, c'était suffisant...
  • Tu as raison Rita , nos sentiments et notre amour étaient essentiels...Dis-je avec aplomb.

  • Oui, car moi aussi j'ai eu de nombreuses relations qui pouvaient laisser penser que je ne pensais pas à toi, mon cher Jack...
En pensée, je transformais momentanément ma chère Rita en singe rouge avec des yeux en forme d'étoiles vertes. Mais cette petite rancœur passa bien vite et je revenais peu à peu sur le pont de ma goélette où l'Oncle Boonmee répondit à une ultime question :
  • Rita se transformer en quoi ? Mais dans la forme qui la représente le mieux dans votre cœur, selon vos peurs, vos désirs profonds, au croisement de votre âme et votre inconscient...

Le temps a passé et je ne revis plus Uncle Boonmee, du moins son fantôme. Ma goélette prit d'autres habitudes et je partageais parfois ma gnôle secrète avec quelques voyageurs ou passants de fortune. Et Le soir venu étalé sur ma couche en pensant à Rita, je penchais la tête vers ce grand bocal aux algues artificielles posé sur la commode, où se baladait un beau poisson rouge...


J.Rackham

* * *

Lung Boonmee raluek chat (thaï : ลุงบุญมีระลึกชาติ, titre international : Uncle Boonme Who Can Recall His Past Lives) est un film thaïlandais du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, sorti en 2010. Il a remporté la Palme d'or lors du Festival de Cannes 2010.

De notre envoyée spéciale de l'île du Crâne, Laurence P. :
« Pour conclure cette 63e édition du Festival de Cannes, c'est l'actrice Charlotte Gainsbourg qui est venue remettre la précieuse Palme d'or. A l'austérité froide du 'Ruban blanc' succède le mystère tropical de 'Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures' du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. L'histoire d'un vieil homme malade, qui décide de rassembler sa famille pour vivre ses derniers instants. Là, étrangement, les fantômes de sa femme et de son fils disparus lui apparaissent et le prennent sous leurs ailes. Dans la continuité de 'Tropical Malady', Apichatpong Weerasethakul signe un film stupéfiant, au genre indéfinissable, entre fantastique, poésie et spiritualité. "Après la jungle, c'est surréaliste de se retrouver ici", a déclaré le cinéaste, tout de blanc vêtu. "C'est un moment important pour le cinéma thaïlandais." Heureux de pouvoir "partager le monde qui est le [sien]", Apichatpong Weerasethakul a remercié ses compatriotes... sans oublier les esprits et les fantômes.
  »

Distribution :
Thanapat Saisaymar : l'oncle Boonmee
Jenjira Pongpas : Jen
Sakda Kaewbuadee : Tong
Natthakarn Aphaiwonk : Huav, la femme de Boonmee
Geerasak Kulhong : Boonsong, le fils de Boonmee
Kanokporn Thongaram : Roong, l'ami de Jen
Samud Kugasang : Jaai
Wallapa Mongkolprasert : la princesse
Sumit Suebsee : le soldat
Vien Pimdee : le fermier


« Le cinéma d’Apichatpong Weerasethakul est l’un des plus inspirés et excitants qui soient. Le metteur en scène crée un monde où la réalité est filmée comme un rêve, où la nature et le surnaturel reprennent leurs droits. On y croise ainsi une ribambelle de fantômes, aussi bien sous apparence humaine qu’animale. Le tigre de ‘Tropical Malady’ et le singe-fantôme de ‘Oncle Boonmee…’ sont deux figures issues des influences hindouistes et animistes thaïlandaises. Et chez Weerasethakul, la magie est étroitement liée à la science. Une façon de rappeler que ce que l’obscurantisme appelait dans le passé “sorcellerie” avait bien souvent une explication rationnelle. Avec naïveté, le cinéaste fait le lien entre tradition et modernité. Il confronte volontiers les vieux remèdes à la médecine moderne (la maladie de peau de ‘Blissfully Yours’), la religion à la technologie (le moine bouddhiste mélomane de ‘Syndromes and a Century’), comme pour rappeler que rien n’est vraiment ce qu’il paraît. Les animaux ne sont-ils que des animaux, les hommes, que des hommes ? L’oncle Boonmee répond à la question en convoquant ses proches disparus et en revivant ses vies passées. A l’heure de mourir, l’homme verrait-il resurgir en lui ses plus vieux souvenirs, de cette vie ou d’une autre ? Un tel film, si proche du cinéma expérimental, ne permet pas de réponse toute faite. Aux spectateurs d’‘Oncle Boonmee…’ de comprendre comme ils le souhaitent la parabole de la grotte, de voir dans le poisson-chat autre chose qu’un animal, dans la princesse autre chose qu’une femme. Aux spectateurs de trancher, s’il le faut, sur le lien étroit entre la maladie et l’esprit (une autre problématique scientifique), d’adhérer à la notion de karma. Apichatpong Weerasethakul signe une oeuvre ouverte, faite surtout de sensations et d’impressions, dans laquelle son propre esprit se mélange avec celui du moribond oncle Boonmee. Comme si, au moment de mourir, les hommes pouvaient enfin communiquer et apprendre. » Laurence P.


12 commentaires:

  1. Merci Rackham pour ce partage, nous avons tous un fantôme qui veille sur nous, enfin c'est ce que je pense, nous en avons peut-être des méchants, mais les fantômes commes Rita sont plus forts!!!
    Des bisous Rackham!!!

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  2. Belles idées Annie, des fantômes sont là qui nous surveillent ^^
    Besos!

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  3. un ange passe ...
    Dis-moi Capitaine on peut retrouver tes aventures sur 'papier'?
    Besos de ouikend ^^

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  4. Ah ces Anges qui passent...
    Je vais bientôt trouver éditeur pour publier ces nouvelles, et d'autres projets de roman et scénar ( Polar et comédie )chère Céphée ! Un peu de patience...^^ Besos à toi!

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  5. yeah ... super !
    j'ai une nette préférence pour feuilleter et lire sur papier ;)
    c'est un contact que j'aime ...
    je patienterai sans souci ^^

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  6. Oui je comprends, un livre est un livre !
    Sans doute la raison de textes courts ici, car j'aime écrire long aussi mais je réserve ça...à de vrais livres !!
    Besos Céphée ^^

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  7. Une affiche qui me dit quelque chose, enfin une partie ! Mon bel Ecossais était le fantôme mais avec son masque on ne le voyait pas...
    Je ne serais jamais une adepte de l'Ipad et de tous ces trucs là, j'aime trop les livres, le papier, l'odeur aussi et j'aime bien les emmener partout et surtout dans mon lit !
    Des fantômes gardiens, j'y crois bien plus qu'aux anges et puis les anges sont asexués n'oublions pas, tandis qu'avec un fantôme on peu choisir !
    En tout cas merci de cet éclaircissement pour ce réalisateur, et j'avoue qu'avant sa Palme d'or à Cannes, je ne connaissais pas du tout...
    Bisous Monsieur l'Ecrivain !

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  8. Oui, Virginie, un petit montage avec l'affiche du "Fantôme de l'Opera"...^^
    J'aime le Cinéma fantastique surtout quand il y a un vrai scénario ou un auteur derrière.

    Un film est toujours une occasion de se trouver des connivences avec d'autres histoires, de se sentir moins seul !
    Besos chère Virginie !

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  9. Connaissez vous la loi Giscard Pompidou et le Traité de Maastrich ?

    Alors que les bourses chutent, que l'Euro est à l agonie, que les plans d'austérités se multiplie à travers l'Europe, il serait sage de connaître les vrais raisons de l'augmentation de la dette !

    Le bon sens commun voudrait que la dette soit du à trop de sociale, trop de santé, trop de services publiques, trop de fonctionnaires, trop de retraites. Nos responsables politique se font l'écho d'un tel message et mettent en œuvre des plans sensés répondre aux problèmes de la dette !

    Mais tout ceci est une arnaque : L'arnaque de la dette !

    Jusqu'au 3 janvier 1973, la Banque de France avait le droit d'émettre du crédit à très bas taux d'intérêt afin de financer les besoins de l'état et d'investir dans les projets d'avenir !

    Mais sous prétexte d'inflation, le gouvernent Giscard Pompidou a cru bon empêcher la Banque de France de faire son travail en transférant de fait le pouvoir aux banques privés. Et oui depuis cette époque la France s'endette auprès des marchés financiers avec des taux d'intérêts élevés et c'est obligatoire pour tous les pays membres depuis Maastrich et les traités suivants!

    En claire, ce sont les taux d'intérêts imposés sur la dette qui créer l'augmentation folle des dette publique !

    L'alternative

    Un retour au crédit publique productive, redonner le pouvoir au nation de battre monnaie afin de l'investir non dans les bulles spéculatives ou dans les jeux des casinos financiers mais bien dans l'économie physique au service de la population et du travail humain.

    Nous devons dire Non au chantage de l'empire de la finance de la City de Londre et de Wall Street à New York

    Si tu veux rejoindre la bataille pour changer le système économique rejoins moi sur mon groupe : http://www.facebook.com/group.php?gid=104166076293247&ref=ts

    David CABAS
    david.cabas.over-blog.fr

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  10. David, on est bien loin de Cannes et du Cinéma.
    Mais je veux bien vous laisser votre tribune, car la vraie vie a son importance et un pirate peut soutenir un autre pirate...^^

    Cordialement,
    Jack Rackham

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  11. Un fantome est venu s'incruster dans tes lignes Jack^^

    Moi je passe, je m'arrête, je lis et j'apprécie ....beaucoup tout tes récits
    La partie de la table tournante, j'ai fais aussi entre amis...j'ai jamais eu aussi peur ^^

    Je suis une vraie froussarde, même si les fantômes n'existent pas!!
    Ben oui, j'en ai jamais vu^^

    pfffft, je suis partie.....

    Besos Jack

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  12. Merci de tes visites, Josépha...

    N'aie pas peur des fantômes, Jack est là !
    Besos ^^

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