Le Poséidon continuait sa course, pourfendant les
vents et les flots comme s’il craignait d’être rattrapé par tous les démons des
Caraïbes. Le Capitaine Jack semblait contrarié et dirigeait l’équipage durement
pour rejoindre le point imaginaire d’une île qu’il avait cru voir sur une
carte, mais qui n’existait que sous son tricorne…
Au fil des nœuds et des miles marins, Jack se
détendit et il redevint l’homme de courtoisie que nous connaissions tous, sauf
pour la pratique du « Tonkin fourchette », dérivé d’un jeu de
cartes pour lequel il était sans
vergogne. Sans doute l’arrivée sur le pont d’une des cantinières dont je lui
avais glissé deux mots lors d’une aventure précédente.
Il ordonnait d’ailleurs de faire halte au prochain
ponton, histoire de se dégourdir les jambes et d’épater aussi la demoiselle sur
ses prérogatives de seul Maître à bord. Nous étions en pleine mer, sans accostage
possible en vue quand quelques mouettes nous prévinrent d’une terre proche. Une
île minuscule était bien là, à proximité d’un embarcadère avec laquelle elle
semblait faire corps. Une dizaine de personnes étaient là, tels des naufragés
ayant décidé d’habiter cet endroit perdu entre les océans. Une sorte de
syndrome de Stockholm avait fait son œuvre avec cette île,et ce fut avec
grandes difficultés que le Capitaine les décida à monter prendre un thé sur la
goélette.
- Juste un thé et pas plus. C’est que j’ai
des choses à faire dans mon jardin, la saison n’attend pas. Dit le premier, un
grand dégingandé ayant l’air de sortir d’un asile de fou.
- Fruits de la passion, c’est un parfum
pour les glaces normalement mais puisqu’on est de sortie… Rajouta un pingouin
en costume sorti directement de l’armoire à linge de Groucho Marx, s’il avait
déjà existé.
Tous les autres étaient tout aussi cocasses mais
aussi inoffensifs, et certains commençaient à trouver l’endroit à leur goût,
regardant le poste de commandement dans tous ses recoins ou jouant avec le
cabestan. Sourire au bec et barbe du dimanche tournés vers sa
colombine, Rackham prenait ces Islandiers en main et proposait une
après-midi « Artistes et Modèles « sur le pont même, afin d’occuper
les invités et l’équipage, d’un commun échange.
L’idée sembla faire l’unanimité et chacun prit
crayons, couleurs ou fusains, se partageant les activités à tour de rôle. Jack,
comme une réminiscence de sa jeunesse qu’il nous avait raconté jadis (> Poser pour Toi), prit les crayons et esquissa les croquis des quelques
volontaires qui avaient bien voulu poser pour lui. Ému, il laissa ensuite la
place aux autres qui se languissait de dessiner à leur tour.
Mais repoussant son tricorne au dessus de sa tête, l’œil
du Capitaine se mit à briller et il se revit avec Katia à l’orée de sa vie…
C’est à ce moment-là que je lui mis une grande tape
dans le dos, au point de lui couper le souffle, comme j’avais l’habitude de le
faire.
-Teheuteu ! Bosco ! Ca ne va
pas la tête, non ? Toussotant encore, furax.
- Sorry Capitaine, j’ai pensé que ce n’était
pas bon pour vous de regretter le temps passé. Moi-même, j’ai bien connu une contorsionniste qui
travaillait dans un cirque, et bien je ne suis pas devenu acrobate pour autant.
Pourtant, on a tout essayé, vous pouvez me croire…
J’esquissais déjà un grand sourire de mes dents
blanches au Capitaine, qui se tournait vers la cantinière que je lui avais
présentée au début de cette histoire.
- Et tu fais quoi toi ? Frottant son
menton mal rasé.
- Pâtissière…^^
Bosco, maître-cuisinier du Poséidon.
Illustration Jan Sanders, « Les Gars de la
Marine » pour les éditions Glénat.
le retour de Rachkam le rouge, je savoure !!
RépondreSupprimerMerci Jerry ♥
SupprimerMais il ne pense plus qu' à bouffer notre capitaine!
RépondreSupprimerManger et être mangé, c'est bien naturel ^^
SupprimerTu penses qu'il pense qu'a bouffer le capitaine, tu dis, la moussaillonne ? Il pense plutôt à se gaver d'amour et d'eau de mer salée et bouillie par la pâtissière en chef; je suis certain que les crayons et les gommes au capitaine vont avoir du boulot, ma chère.
RépondreSupprimerEffectivement, il y a des relents de tarte au fraise depuis l'autre fois ^^
SupprimerMême si crayons et gomme me rappellent surtout mon "vrai" bureau...Besos Bizak ♥
J'adore le dessin, il illustre les rêves d'ados qui ne voient pas tout à fait comme les adultes...
RépondreSupprimerCe dessin m'a beaucoup plu aussi, cherche des renseignements sur ces 'Gars de la marine" édité chez Glénat et créés par Jan Sanders ( C'est épuisé je crois mais en occasion sur ebay ou autre c'est possible) ^^
Supprimer