Les pièces étaient encore vides, ou presque. Les chariotes de
déménagements n’attendant que mon signal pour se remplir de mes effets personnels
et maritimes, ayant décidé d’emménager dans cet endroit de la Riviera à l’autre
bout du monde, je faisais les cent pas en rêvassant les mains dans le dos tel
un empereur déchu. Les criques de l’île du Crâne et de la Tête de Mort étaient
déjà oubliées, et le tricorne était propre et la barbe rasée…
J’attendais aussi Bosco qui avait du trouver un coin
tranquille pour mettre en cale le Poséidon ; la bête n’est pas petite mais
quelques bourses pleines d’or auraient raison des autorisations locales, sans
compter le bagout et la musculature du gaillard.
Un dingue-dongue enfantin ne se fit pas tarder, tout en me
persuadant aussitôt de faire changer ce tocsin peu viril.
- C’est vous ? Entonna une voix claire et féminine,
laissant entrevoir dans l’encadrure de la porte du grand hall central, une
silhouette familière…
Je reconnaissais bien là cette Lady Ania Chester, ex et
unique attachée de presse du Poseidon, à la démarche chaloupée des femmes du
monde qui ont pris de la bouteille, toujours élancée et perchée comme sur des
échasses, un sourire suave aux lèvres et ravie en l’instant de revoir son bon
vieux Capitaine. Elle allait reprendre du service, il s’agirait juste de savoir
de quelle manière ; tout était ouvert, sa présence matinale m’assurait de
son envie, même si j’avais quelques idées qui me trottaient sous le tricorne.
Ses longs cheveux m’enlacèrent comme pour marquer le plaisir de nos retrouvailles et la
senteur de son parfum venant de son corsage à hauteur de mes narines troubla un
instant mes sens, au point d’imaginer d’autres visiteuses plus intimes comme Katia
ou Rita, telles des prédatrices venues chercher du sucre en poudre ou une
tablette de beurre chez un voisin habituel.
J’imaginais la scène et j’oubliais tout le reste, comme dans
un rêve.
Je pensais à un vieux film que j’avais vu tant de fois entre
deux ponts, l’histoire d’une jeune femme venue visiter un grand appartement et
rencontrant un homme plus âgé qui vient
de perdre sa femme, une qui tenait un bordel dans la maison pleine de joie. L’histoire
d’un amour fou qui vient en remplacer un autre, le temps de quatre jours. Sur
fond musical de tango argentin signé Gato Barbieri. Un chef d’œuvre !
- Vous avez eu un coup de cœur pour cet appartement, Capitaine ?
Tu parles : Dix pièces immenses faites pour vivre en bande,
avec de hauts plafonds et donnant sur des ruelles mystérieuses tissées comme
des traboules…
Ania était chou, comme j’aimais à dire, et dégageait une
fraîcheur qui ressemblait à cette jeune femme au chapeau du film en question.
Je la regardais tendrement et imaginais plein de choses comme au cinéma. Et
même mieux qu’au cinéma, comme la vie quoi !
Puis sur une impulsion pleine d’amitié intense, je la pris
dans mes bras en lui demandant :
- Tu danses avec moi ?
Elle me répondit par un sourire craquant, se préparant à l’envolée,
mais la drôle de sonnette tinta à nouveau et Bosco n’attendit pas pour
apparaître dans l’entrée. Il était les bras plein de pots de peintures,
demandant du regard où les poser.
Le vide de l’appartement ne lui avait pas sauté aux yeux
apparemment, il fallait vite commencer à apprendre à vivre en communauté. C’est
vrai qu’un coup de peinture et quelques rideaux donneraient un peu de pimpant
au lieu, mais surtout quelques livres…et les imaginant rangés dans leurs étagères,
je me sentis d’un coup un peu plus chez moi.
(A suivre !)
Ici commence le premier chapitre du récit de la nouvelle vie de l’équipage
du Poseidon qui sera poursuivi régulièrement.
Images : Le Dernier Tango à Paris (Bertolucci) et ses acteurs / Necar Zadegan
J'ai vu ce film mais sachant que l'actrice ( photographiée par Diane Arbus en passant, une merveille de photo, juste avant le drame) s'est suicidée tellement les crétins la bassinaient avec l'histoire du beurre, cela lui laisse un goût assez rance, sans mauvais jeu de mots.
RépondreSupprimerOups ? Je ne crois pas que Maria Schneider se soit suicidée à cette période vu qu'elle est morte des suites d'un cancer il y a quelques temps, alors qu'elle avait la cinquantaine ^^ Bon, j'ai peu de mérite vu que c'est un de mes films préférés connaissant tout ou presque sur la question ; regarde-le à nouveau avec un autre oeil, celui des amours dont parle ce film, notamment celui de Marlon (qui s'appelle PAUL dans ce film) pour sa femme mère-maquerelle, belle à mourir sur son lit mortuaire...♥ (Je te pardonne, je t'aime quand même ♥)
RépondreSupprimerTu sais je suis une emmerdeuse,crois moi wikipedia ne détient pas la vérité et il y a quelques années , la périphrase " longue maladie" désignait le suicide, le sida ou l'overdose, le cancer était une sorte de métaphore :
RépondreSupprimerNée en 1952 d’une mère mannequin d’origine roumaine dont elle a pris le patronyme et de l’acteur Daniel Gélin, qui n’a fait que la croiser sans jamais la reconnaître, Maria Schneider est décédée à Paris « des suites d’une longue maladie », selon la formule choisie par la famille. Le visage encadré de boucles folles et le corps, célèbre, noyé dans des pulls trop grands et des jeans rapiécés, la jeune fille à la voix rauque qu’elle était en 1972 entre les mains de Brando et sous l’œil de Bernardo Bertolucci s’est retrouvée figée en icône de la révolution sexuelle. Au point d’en faire oublier son passage de garçonne dans Profession Reporter, de Michelangelo Antonioni, et ses traversées cinématographiques en compagnie de Jacques Rivette ( Merry Go-Round), Luigi Comencini ( L’imposteur), René Clément ( La Baby-sitter), Daniel Duval ( La Dérobade), Josiane Balasko, la dernière à l’avoir appelée sur un plateau, pour Cliente, en 2009.
Ceci est un article de l'époque que je peux t'envoyer de source sûre, mais je t'aime aussi, assez pour me chamailler gentiment!
RépondreSupprimerMerci pour ces infos que je connaissais, c'est bon de s'aimer nous deux (surtout quand on est d'accords) ♥
SupprimerJ'adore toujours Maria Schneider, surtout dans ce film, car elle ressemblait à la première fiancée de ma jeunesse, j'en ai parlé ici et raconté son histoire sous le doux prénom de Madeleine...Besos ma belle ♥ ♥ ♥