Le silence de la nuit a recouvert nos pas et nos bruits, et
quelques regards jetés vers Bosco, suffisent à nos échanges pour hisser la
voile ou avertir la vigie. Pas un bruit qui ne sorte de nos gorges, l’équipage
est concentré devant la tâche à accomplir, sortir de ce port sans prêter
attention à quiconque et tel le chat de gouttières tâtonnant en silence les
ardoises craquantes, rejoindre l’horizon pour ne plus y revenir…
Les gestes sont utiles et le doigté précis, nul ne doit
connaitre existence de nos desseins, l’île du Crâne est tranquille et dort d’un
sommeil profond. Les images paisibles des années passées reviennent, comme l’arrivée
en ces rives tranquilles, les souvenirs vécus, les rires des moussaillonnes et
toutes les anecdotes. Viennent aussi mon passé, comme portant mon tricorne, la
maison de la veuve Sanders, l’école de Longfellows et tous mes capitaines…
Je m’approche du bastingage, le cœur lourd quand je respire.
Les eaux sont calmes, et le Poseidon avance doucement vers un nouveau destin.
Je caresse la joue de Katia, qui ondule sa tête. Ses rides sourient aux miennes
et nous nous comprenons, comme le bon tour que nous jouons à nos amis déjà
perdus.
S’enfonçant dans la nuit claire, la goélette nous transporte
dans un autre monde pour toujours. Nous allons trouver un autre port, d’autres
rives et d’autres trésors…
Katia m’arrache un sourire et je pense à son vélo jadis,
et son coup de pédale qui avaient conquis mon cœur.
« Mon île, c’est toi ! » Dis-je à mon amie.
« Toi, tu es toujours mon trésor… » Souriant de
ses dents blanches, sous le soleil levant…
FIN
Premier texte Rackham Le Rouge "L'île au Trésor" :