Un sourire de circonstance zébrant ma barbe de Capitaine, je
toisais les 40 moutards que m’avait laissés Tim. Dispersés en cercle dans ma cabine,
ils étaient le fruit d’une absence subite d’une enseignante de ses amies, même
si mon expérience m’avait appris que la vérité pouvait s’appeler gueule de bois
ou escapade amoureuse plutôt que mal de dents ou sinusite.
Fouillant au fin fond de mon imaginaire, je poussais un
grand soupir pour que s’opère dans mon cerveau comme par magie et comme d’habitude,
l’improvisation d’une histoire. Et comme à chaque fois, le miracle s’accomplit.
« Il était une fois… » Commençais-je, sous une ovation
de « Haaa » ou de « Hooo ». C’était gagné…
« …une vieille sorcière nommée Oween. Ce n’était pas
une gentille sorcière rigolote et tout comme Maia-Luna, non, mais elle avait
une solide plantation de potirons sur les hauteurs de Cancun. Les Caraïbes n’étaient
pas encore un des centres de circuits maritimes du monde et les sorcières devaient
faire preuve d’imagination pour survivre. Celle-ci avait eu un coup de cœur pour
la soupe au potiron et elle en planta des hectares tout autour de sa demeure,
perchée sur les hauteurs de la ville.
Pourtant et malgré un prix tout à fait abordable, elle se retrouva avec des
tonnes de ces citrouilles oranges sur les bras. Novembre arrivait à grand pas
et quelques garnements lui donnèrent une idée, même sans le vouloir… »
« Et c’était quoi ? » lança un des minots, la
mèche hirsute et déjà au bord des larmes.
« Voulant se moquer de cette sorcière patibulaire, ils
avaient pris un des potirons oubliés sur sa véranda et creusèrent l’intérieur
pour ensuite lui faire des yeux et une bouche horribles, y mettant une bougie
pour donner une impression d’esprit maléfique et faire peur aux passants. Mais
leur tour n’eut pas l’effet repoussant qu’ils escomptaient. Un riche américain
d’origine irlandaise vit cette tête illuminée et s’arrêta pour acheter les
droits et tout son stock de citrouilles à la sorcière ravie. Il ramena par
navires en Irlande ce qui devint une tradition au moment de la Toussaint dans
toutes les îles Britanniques. Ainsi est l’origine de ce 31 octobre et tous ces
déguisements et farces…
Quelques rires fusèrent dans la cabine et j’étais content de
mon petit effet. Pourtant un des gamins les plus éveillés prit la parole en
levant le doigt et fit mine de prolonger mon histoire.
« Moi j’ai un oncle fleuriste qui a un stock de
chrysanthèmes et j’ai bien peur qu’il lui reste sur les bras. Z’avez pas une
petite idée pour lui mon Capitaine ? »
Les histoires se mélangent au fil du temps et quelques fois,
on a du mal à s’y retrouver. Pourtant, le cœur d’un Capitaine suffit parfois à
retrouver le souffle des légendes et à le transmettre à tous les enfants,
petits et grands…
Besos
Jack Rackham.