Elle avait perdu un escarpin telle Cendrillon que ma vue de marin avait vite repéré, sur un marchepied entre deux rambardes. Je rendais l’objet à la belle, reconnaissante
et m’invitant illico à boire un café au bistrot d’en face.
Elle se tenait guillerette à mon bras, caressant mon biceps
sans l’air d’y toucher mais le faisant quand même, dodelinant jusqu’à l’entrée du Bar. Nous
trouvâmes un canapé confortable à nos fesses et je commandais d’un claquement
deux cafés. Je la regardais pendant qu’elle grandiloquait, les doigts lancés
vers des sentences imaginaires. Son sourire était suave et ses lèvres douces semblaient
minauder quelques stratagèmes charmants.
Je tombais amoureux rapidement et lui trouvais plein de
prénoms, tels Manon, Musetta, ou Turandot. Tosca, peut-être…
Elle s’appelait Anna, avoua-t-elle devant moi... Ses yeux clignotèrent
comme des guirlandes, et elle avait rougi comme si elle se trouvait nue en prononçant son patronyme.
Je la regardais alors comme elle était vraiment, avec un fond
de teint prononcé, des épaules arrondies où se miraient de beaux cheveux. Ses
yeux en amande étaient marqués de noir et sa robe échancrée vous laissait voir
ses seins comme des pêches posées.
Elle se mit alors à parler de sa vie et quand sa bouche s’ouvrait,
on pouvait entendre la musique de son cœur.
Le rythme était lent, l’orchestre laissant la place à la mélodie principale, elle
racontait ses plus belles passions en fermant les yeux comme si elle revoyait
tout devant elle, comme dans un film.
Je la raccompagnais, apaisée mais encore fébrile.
Je lui donnais un baiser.
C’est vrai qu’elle avait un drôle d’air.
Un air d’Opéra...