lundi 7 octobre 2024

Un Air d'Opéra

 J’avais rencontré une drôle de fille un soir de pleine lune, lors d’une descente d’escaliers d’un théâtre où nous venions de voir « Tosca », un des chefs-d’œuvre du maître Puccini, roi de la mélancolie chantée de tous les temps…

Elle avait perdu un escarpin telle Cendrillon que ma vue de marin avait vite repéré, sur un marchepied entre deux rambardes.  Je rendais l’objet à la belle, reconnaissante et m’invitant illico à boire un café au bistrot d’en face.

Elle se tenait guillerette à mon bras, caressant mon biceps sans l’air d’y toucher mais le faisant quand même,  dodelinant jusqu’à l’entrée du Bar. Nous trouvâmes un canapé confortable à nos fesses et je commandais d’un claquement deux cafés. Je la regardais pendant qu’elle grandiloquait, les doigts lancés vers des sentences imaginaires. Son sourire était suave et ses lèvres douces semblaient minauder quelques stratagèmes charmants.

Je tombais amoureux rapidement et lui trouvais plein de prénoms, tels Manon, Musetta, ou Turandot. Tosca, peut-être… 

Elle s’appelait Anna, avoua-t-elle devant moi... Ses yeux clignotèrent comme des guirlandes, et elle avait rougi comme si elle se trouvait nue  en prononçant son patronyme.

Je la regardais alors comme elle était vraiment, avec un fond de teint prononcé, des épaules arrondies où se miraient de beaux cheveux. Ses yeux en amande étaient marqués de noir et sa robe échancrée vous laissait voir ses seins comme des pêches posées.

Elle se mit alors à parler de sa vie et quand sa bouche s’ouvrait, on pouvait entendre  la musique de son cœur. Le rythme était lent, l’orchestre laissant la place à la mélodie principale, elle racontait ses plus belles passions en fermant les yeux comme si elle revoyait tout devant elle, comme dans un film.

Je la raccompagnais, apaisée mais encore fébrile.

Je lui donnais un baiser.

 

C’est vrai qu’elle avait un drôle d’air.

Un air d’Opéra...



mardi 2 juillet 2024

Aphasie

 


Ceci n’est pas un article médical de plus sur cette lésion moderne du cerveau,  l’Aphasie, mais plutôt une approche plus douce et vulgarisatrice de ses symptômes afin de mieux les appréhender le moment venu sans paniquer, ni imaginer que c’est une invention. Mon tricorne est coincé sur mon crâne, prêt à tout, je me souviens :

"Depuis quelques temps, je fréquente les hôpitaux du coin, habitué à passer le temps le nez sur l’horloge craignant de ne pas avoir mis assez de pièces dans le parcmètre pour ma goélette. Je m’habitue peu à peu à mon Diabète mais mon corps est impatient et souffre quand même de vertiges et vomissements intempestifs. Certains films des Monty Pythons me viennent souvent  à l’esprit, sans me faire sourire car je découvre en temps réél la joie des Œdèmes, pulmonaires ou non. Je n’oublie pas cette période de souffrance lancinante où je me traîne sans appétit, j’ai refusé à Bosco une tarte aux fraises c’est dire, me couchant avec les poules mais sans trouver le sommeil. Le pouls est lent, je vois tout jaune et je transpire de grosses gouttes bruineuses.

Quand soudain, au moment de mettre mon short-pyjama, un à rayures noires et jaunes, je regarde le vêtement en le tournant dans tous les sens puis me dit : « Jamais je ne pourrais rentrer là-dedans ! »

Mais ce sont d’autres mots qui sortent de ma bouche, ne les reconnaissants même pas et me tournant derrière moi en me demandant « qui a bien pu parler de cette façon ? »

Ne pou jaime hébo aarébo jama

Je suis anéanti, je ne sais pas combien de temps va durer ce symptôme ou si c’est définitif…Heureusement, cela ne dure pas, je redis quelques mots normaux, ma tête a l’air de se remettre à l’endroit. Ouf !"

Voilà mon expérience, j’en ai encore les mains moites mais je crois avoir eu d’autres crises, sans en être conscient sur le moment. Quelques souvenirs furtifs, des rédactions de textes où je me demande comment j’ai pu laisser passer ça ou ça, pleins de trucs qui m’ont échappé sur l’instant car j’étais affaibli et mon organisme tout entier fragilisé par des maux inconnus.

Depuis je suis aux aguets mais j’essaie de m’informer et d’en parler autour de moi. Donc…

L’Aphasie est un trouble qui produit une perte partielle ou complète du langage, de son expression orale ou écrite et de sa compréhension. Chaque sujet subit de manière différente ses effets selon l’aire du cerveau qui est atteinte. C’est une incapacité à prononcer certains mots qui la caractérise voire à transformer le langage dans sa formulation. Ces erreurs permettent d’identifier parfois la partie du cerveau lésée et de déterminer un traitement éventuel. Car si tout est guérissable, cela peut prendre du temps (>Orthophonie)

D’ailleurs si l’origine de cette pathologie vient du système nerveux central (AVC), ne pas oublier son degré ultime : La perte de la parole.

 A-Phasis  = Sans-Parole.

L’Aphasie peut aussi créer par ricochet une hémiplégie ou par frustration de ne pouvoir s’exprimer, une dépression. Mais ça, ce sont d’autres histoires…

Jack Rackham

PS : Hémisphère, hémisphère, est-ce que j’ai une gueule d’hémisphère…♫♪♪

PS 2 : Regardez donc dans la série New Amsterdam, saison 4, l’épisode 18 intitulé : Un point c’est tout. (Avec Freema Agyeman et Ryan Eggold) Quelques belles scènes qui déchirent le coeur...Voir ci-dessus.

+ Un trailer avec Lucchini qui joue parfaitement l'Aphasique !



dimanche 24 mars 2024

Un Colosse qui rôde

 


Allongée dans un grand lit de draps mauves surplombé de baldaquins éparpillés aux motifs identiques néanmoins,  je me prélassais les yeux fermés bercée encore des belles histoires d’hommes et de Dieux racontées par mon bel ami pirate, le sieur Jack Rackham. Le sacripant avait éveillé en moi des désirs inconnus, voire inassouvis, provoquant des tremblements et des gestes compulsifs dans tout mon corps.

Je fermais plus fort les yeux encore pour ressusciter en moi cette histoire de géant extraordinaire, m’imaginant en sa présence et m’autorisant les choses les plus folles…

Cette statue avait été érigée en hommage à Hélios, Dieu du Soleil, suite à un siège de Rhodes par  les légions de Démétrius 1er, vers 305 avant JC. Plantée devant la ville d’une hauteur de plus de 30 mètres, elle symbolisait la résistance des Rhodiens incitant tout envahisseur à ne pas recommencer. Le bronze avait été coulé vers 292 avant JC, initié par Charles de Lindos, ingénieur bâtisseur.


Emoustillée par ce colosse impressionnant, il me prit l’envie de lancer un sortilège pour agrémenter un peu la soirée de ma condition de sorcière et femme mature célibataire.

J’avais la peau encore douce, les seins bien galbés et tout ce qu’il fallait pour séduire un grand bellâtre planté là depuis longtemps et désirant de la compagnie. Mes doigts glissèrent alors de mes pâtes d’oie pleines de charme aux feuilles magiques de mon grimoire. Un grand éclair blanc zébra le ciel puis le sol sembla vibrer, comme animé d’un nouvel arrivant de plusieurs tonnes…

Je sortis me rendre compte par moi-même du maléfice accompli puis je vis la statue géante plantée au dessus de moi, dont le pagne ne recouvrait pas vraiment les attributs.

Je dus lui faire de l’effet, car il me rappela soudain un vieil ami pompier doté d’une belle lance à incendie. Ni une, ni deux, d’un claquement de doigts je modifiais le sortilège pour rendre le loustic à mes humaines proportions puis je me lançais à l’assaut de la sixième merveille du monde, prêt à combler toute l’étendue et la profondeur de ma féminité…


Pour Jack Rackham, Claudia l’ensorceleuse ♥

Ci-joint, affiche du film de Sergio Léone (1961) Le Colosse de Rhodes.



mardi 27 février 2024

Le Plan du Trésor

Quelquefois, entre deux rêveries ou autres douceurs littéraires ou culinaires, je reviens à mes premières amours, celles où ma prime jeunesse côtoyait les murs de la Veuve Sanders. S’y trouvaient aussi ses nièces dont l’inoubliable Katia, au coup de pédale aérodynamique et puissant, qui avait laissé une image indélébile dans ma mémoire.

Fermant les yeux, je revoyais comme dans un film (le cinématographe sera inventé un siècle plus tard mais je me comprends) ces cavalcades à vélo à travers l’île du Crâne, menant à cette cabane secrète où nous jouions à toutes sortes de jeux. Les fesses encore marquées par son porte-bagage, je frottais mes yeux éblouis aussi par sa croupe en action puis nous commencions à nous amuser.

Cette fois-là, je m’étais déguisé au point de devenir méconnaissable, portant binocles et perruque frisée, me faisant une moustache au noir de bouchon, enfilant une veste de costume avec un faux-col de soirée. J’enfilais pour finir un grand short rayé avec chaussures noires cirées et guêtres, avant d’entamer un gros travail de peinture, reproduisant la carte au trésor de Barbe-noire le pirate, une vieille connaissance dont je lisais les aventures dans la presse. 

Une fois la peinture sèche, nous pouvions jouer :

Je commençais à la peloter aux endroits indiqués par le plan, arrivant par la mer puis creusant en divers endroits, fausses pistes et pièges compris. C’était bon de jouer avec Katia, sensible et frissonnant pour un rien. Elle se prêtait au jeu comme une poupée vivante, la touchant ça et là pour finir par la découverte du Trésor, moment où je creusais de mes doigts le bouquet final !

Epuisée par le jeu mais heureuse, elle finissait toujours par dire :

La prochaine fois, c’est toi qui feras le Trésor !

 

Mais bien sûr, chère Katia, je serais toujours ton trésor…


Jack Rackham

PS : Si quelqu’un veut jouer à l’Île au Trésor…hum ? ^^

LÎle au Trésor - texte original


vendredi 26 janvier 2024

Regain again


 Ils sont là presque pliés en deux, priant pour la prospérité de leur semence, pour la protection de leur récolte à venir contre le gel et tous les éléments qui pourraient contrarier leur dessein. Celui du Bon Dieu aussi, à travers ses serviteurs. Ils savent pourtant que l’entreprise est périlleuse, que chaque année et saison demande bonne chance et hasard du temps. Les oiseaux aussi, les voleurs de récolte, les passants, tout peut réduire à néant ce tavail de Titan.

Ils se sont rencontrés par hasard, unissant un jour leur regard et leurs efforts. Ils se croyaient seuls au monde à vivre leur vie et leurs soucis. L’Amour était là pourtant, prêt à surgir de la terre et de leur sang. Cela rappelle une belle histoire, une de celles qu’il y a dans les films. Ceux aux images incertaines qui datent de la nuit des temps…

« Il était une fois un petit village, un de ceux dont on aurait pu oublier le nom. La vie s’y était réduite à sa plus simple expression, ne laissant entre ses ruines que trois spécimens de l’humanité : Un vieux forgeron, une mamée veuve et un chasseur.

Le forgeron, déjà à la retraite, devait bien se résoudre à rejoindre la maison de son fils et sa belle-fille, n’étant plus capable de rester seul et de s’occuper de lui-même. Le chasseur l’aide à porter sa dernière charrue, mais la mamée se met en colère, et va dans la plaine se mettre en quête d’une femme pour le chasseur, encore jeune et gaillard. Elle s’imagine que si le chasseur prend une femme, le village pourra repartir et renaitre de ses cendres…

Un peu plus loin dans la campagne environnante, un rémouleur itinérant discute avec un garde-champêtre au sujet d’une fille de troupe de théâtre, abandonnée par son amoureux et patron, et livrée par son chagrin à une bande de charbonniers sans scrupule. Imaginant le pire, le rémouleur la prend en charge, faisant d’elle néanmoins son larbin jusqu’à rejoindre les abords du petit village, guidés un peu par la magie de la vieille mamée, opiniâtre. Le chasseur est là qui se baigne...Les deux commencent à se plaire et la fille décide de fausser compagnie au rémouleur manipulateur.

Cachée chez le chasseur, la fille rêve alors d’une autre vie où elle retrouverait du respect, pendant que le nouvel amoureux s’en va emprunter du grain et une charrue, pour essayer de cultiver la terre de son village. Il ramène aussi deux grosses miches de bon pain à sa nouvelle bien-aimée, lui arrachant des larmes et symbolisant aussi par le pain, l’idée d’une protection divine.

Mais l’eau fraîche et le pain ne font pas tout et après avoir produit les premiers sacs de grains vendus bon prix au grand marché du coin, et éjecté de leur vie le rémouleur cupide et stupide, les deux amoureux reprennent ensemble le cours de leur nouvelle vie dans ce village renaissant, se préparant même à accueillir un nouveau venu. C’est la vie qui continue… "

 ♥

Jack Rackham.

*

Illustrant parfaitement l’utilité de la vie paysanne, et donnant écho aux manifestations actuelles contestant les taxes et obligations de normes empêchant la prospérité de la vie agricole française, REGAIN (Pagnol d’après Giono, 1937) est un des plus beaux films du Cinéma français sur le sujet.

Couv : L’Angelus, de J.F. Millet.


Vidéo : Regain (1937 Pagnol) fin du film, sans les dialogues.

samedi 20 janvier 2024

Le Sourire de Julia Simon

 


Perché tout en haut du grand mât de ma goélette, j’œillette de ma lorgnette au plus loin vers des monts enneigés où se pratiquent des sports inattendus, tels que le ski de fond ou le curling, voire même le lancer du camembert à la fourchette vers de grandes patinoires interminables. Il existe aussi d’autres sports tout aussi surprenants pratiqués par des champions ou des championnes, dont l’un est une spécialité olympique française : Le Biathlon.

Presque balayé de mon perchoir par un grand vent glacial, je réajustais mon tricorne et mon œilleton pour assister alors de visu à l’avènement d’une moussaillonne plantée sur skis et tirant sur cible faisant mouche, remportant le plus beau des trophées possibles pour les pratiquants des plaines et collines glacées, intitulé « gros Globe de Cristal du biathlon! ». Authentique !

La sacripande avait surfé toute l’année sportive avec sa carabine pour marquer le plus de points possibles pour emporter la mise et le titre, rejoignant au palmarès les plus grandes moussaillonnes de la spécialité.

Etant encore vivantes, les Magdalena Forsberg, Neuner, Mäkäräinen, Tora Berger, Dorothéa Wierer ou Marte Olsbu Roeiseland ne s’étaient pas retournées dans leurs tombes mais pas loin.

La petite Julia Simon, puisque c’est son nom, ouvrait grands ses yeux clairs ne les croyants même pas, mais le beau trophée était planté là devant elle, clignant aux crépitements des flashes des photographes. Sa peau avait l’air douce et son sourire suave, et sa voix chaleureuse donnait envie de l’inviter sur le pont du navire pour partager le verre de l’amitié.

« Et même plus ! » avait lancé Bosco sous le coup de l’émotion.

« Je parlais d’une partie de cartes, rajouta-t-il, ou d’une promenade sur le pont. Pas de partager une tarte aux fraises, sauf si bien sûr... »

Jack Rackham ^^

*



La française Julia Simon a été sacrée meilleure biathlète mondiale 2023, pour avoir remporté le gros Globe de Cristal de la discipline, remportant aussi les petits globes de la Poursuite et de la Mass-start. Née en 1996, sa progression est régulière et qui sait si elle ne va pas en engranger plein d’autres, bien entourée de ses copines Justine, Lou, Sophie, Gilonne et Jeanne…



dimanche 31 décembre 2023

Comme vous la lisez, cette Lettre

 


Elle avait passé Noël au balcon, attendant un mot de son bien-aimé. Puis la missive était arrivée, sentant bon le désir. Elle retardait à souhait l’explosion de ses émois, c’était une habitude avant de faire sauter le cachet de cire d’un coup d’ongle avisé, cela l’amusait…

Le pli s’ouvrait alors, comme la dalle d’un tombeau, laissant sortir le parfum étrange d’un mystère, dégageant l’atmosphère propice à l’amour. Reculant d’un œil clignotant vers la missive ouverte, son ongle verni fraîchement soulignait la prose interdite, laissant échapper les roses, les baisers et les allusions diverses jusqu’aux plaisirs intenses des pains au chocolat… Puis soupirant comme le soufflet d’une forge haletante, elle se remémorait lentement chaque mot, chaque vers, jusqu’à l’épuisement de son coeur.

Après l’avoir repliée, la lettre était empilée sur les autres, complétant le puzzle de cet amour manuscrit. Tels des pas de danse enchaînés sur la piste, elle avait rêvé cet amour, tournoyant sa croupe dans le vide plus que sur sa couche...

Puis le temps était passé, le bel amant envolé au détour d’un fossé, ne laissant que des lettres et des regrets, la belle Roxane drapée de noir, revivait son amour comme maintes et maintes fois, chaque jour.

La sonnette avait tinté. Son ami Rackham était arrivé, puis fut planté là devant elle, et il lui semblait bien qu’il lui témoignait de l’intérêt. A moins que ce soit de l’affection, tant son pantalon était tendu, aux poches remplies de mouchoirs, ou alors de clefs. Celles de ses coffre-forts, qui sait. Il devait y mettre tant d’amour…

Il ne lui avait rien promis mais il voulait bien lui lire une de ses lettres qui avait tant émoustillé la belle. Un peu d’amusement, comme un cours de diction, son nez semblait pousser, lui donnant un drôle d’air. Un air de Cyrano !

« J’en prends une au hasard ! » s’exclama-t-il, bien décidé à emporter la belle, loin au-delà des mers et bien plus encore.

Pendant qu’il lisait, dédoublant son attention, il la regardait lire, dévorant sa diction et ses intonations comme des friandises. Elle semblait revivre des souvenirs, pleine d’émoi et de transpiration, s’approchant peu à peu de lui, et susurrant à son oreille :

« Comme vous la lisez, cette lettre… »

 

Bonne année 2024 à tous !

Jack Rackham

Edmond Rostand (1868-1918) est l’auteur de la pièce « Cyrano de Bergerac » jouée en 1897 pour la première fois. C’est l’un des plus grand succès du Théâtre français !

 


Photos couv et bas : Anne Brochet dans Cyrano de Bergerac (Rappeneau).